Cerisiers, kunaïs et beats féroces.
A l’opposé, on trouve IAM et son titre Benkeï et Minamoto, reprenant une légende japonaise d’un samouraï et un moine guerrier, renégats combattant l’empereur ensemble. Ici, les artistes reprennent un mythe célèbre du folklore japonais et le détournent pour s’identifier aux personnages.
Les emcees deviennent donc des guerriers, armés de leur micro, débitant les oreilles des auditeurs en morceaux grâce au tranchant de leur verve. Surtout, ils illustrent leurs rapports, revenant sur un parcours de 20 ans de rap, où Akhenaton et Shurik’n ont toujours su braver le rap et mettre à l’épreuve les codes établis, formant un des duos vocal les plus célèbres du rap français.
Dans cet état d’esprit, on retrouve nombre de tracks, de différents rappeurs et époques. Iam reste néanmoins le groupe le plus prolifique en la matière, avec des titres tels que L’école du micro d’argent, Le style de l’homme libre ou encore Un bon son brut pour les truands. Ces titres font la part belle aux arts martiaux, qui sont alors assimilés à l’art du emceing. Le crew devient un clan Shaolin, qui possède ses propres techniques, supérieures aux autres. Le vocabulaire emprunté aux arts martiaux ainsi qu’à la culture martiale sont légions, faisant autorité et renforçant ainsi la force de ces textes teintés d’egotrip.
Le rappeur girondin Fayçal fait la même chose sur Ninjutsu, reprenant le vocabulaire consacré pour l’adapter à son art. On est ici en présence de morceaux utilisant les histoires de l’Orient pour parler du rap lui-même et donner une image du rap comme un art. Si Lao-Tseu disait Parole parée n’est pas sincère, les emcees assument totalement le coté décalé de leur démarche et on est pris par les rythmes et les ambiances servies, qui accentuent le caractère exotique tout en assurant l’immersion.
Shurik’n en solo prouve qu’il mérite son pseudonyme sur Samouraï, où le code du bushido est adapté à la vie quotidienne du rappeur et les valeurs d’honneur et de combativité propre aux soldats nippons devient un manuel de survie dans nos sociétés modernes. Freeman quant à lui, s’identifie au personnage de Crying Freeman dans Fils du dragon, exaltant là aussi l’esprit guerrier en l’adaptant au quotidien. Le emcee devient le tueur et le personnage prend la forme du rappeur, devenant ainsi figure d’autorité. Lucio Bukowski reste dans cette optique sur La légende du grand Judo, puisqu’il se prétend directement élève de Jigoro Kano, soit l’héritier de l’inventeur du judo, dont le portrait est censé figurer dans tous les dojos, au-dessus du maître, et être salué par tous les apprentis.
Hugo Boss baisse la tête lui aussi devant le portrait de l’autorité qu’est celui du Président de la République dans un tribunal. Dans Dojo, l’artiste transforme son environnement en aire de combat. Les trottoirs sont des tatamis, la débrouille un art martial et la maitrise du de-ashi-barai le sort de situations périlleuses. Le tout dans un vocabulaire précis et maitrisé, qui ne laisse aucun doute sur les capacités du rappeur à se défendre à grands renforts de fauchage et d’immobilisations.
Ces exemples permettent de mettre en valeur la récupération de l’imagerie orientale dans l’écriture européenne. Elle se fait par des clichés et du folklore tout en évitant de basculer dans une idéalisation naïve ou l’exotisme basique. Le tout grâce au vocabulaire employé et aux instrumentaux puisés dans la musique traditionnelle orientale (sur Le style de l’homme libre d’IAM ou Univers parallèles d’Imhotep par exemple).
[…] « Iam reste le groupe le plus prolifique en la matière, avec des titres tels que « L’école du micro d’argent« , « Le style de l’homme libre » ou encore « Un bon son brut pour les truands ». Ces titres font la part belle aux arts martiaux, qui sont alors assimilés à l’art du emceing. Le crew devient un clan Shaolin, qui possède ses propres techniques, supérieures aux autres. Le vocabulaire emprunté aux arts martiaux ainsi qu’à la culture martiale sont légions, faisant autorité et renforçant ainsi la force de ces textes teintés d’egotrip. » – dans « Le Rap français et l’Asie » (2013) […]
Je ne connaissais pas Joke du temps de la rédaction de l’article 😉
Et Joke ?
Je prend note de la Mafia Trece, j’avoue ce groupe manque à ma culture.
Il y a d’autres artistes ou morceaux que j’ai oublié ou choisi de ne pas évoquer, tout simplement car l’exhaustivité n’était pas mon but et aussi pour éviter les lourdeurs d’un nombre de citations trop importantes. J’ai choisi les exemples qui servaient ma démonstration et qui correspondaient le plus à mes goûts 😉
Jibé
Sans parler du titre mythique « la fureur du dragon »
Gros gros oublie de la Mafia Trece, crew originaire du 13ème arrondissement soit le quartier chinois historique de Paris. Le titre « à la recherche du mic perdu » est la parfaite illustration de l’influence asiatique prédominante dans leur musique.