Go-fast en touk-touk.
Enfin, on peut évoquer d’autres exemples, très différents, qui se rejoignent sur un point précis qui est celui de l’échange direct. Deux rappeurs notoires descendent d’origines asiatiques et ont deux façons d’aborder la chose. Le premier, Ethor Skull du collectif L’animalerie, met ses origines chinoises en avant dans des égotrips, prônant que sa différence est une marque de qualité et d’exotisme assuré. Le clou est atteint sur Chintok Vs Rital sur le second album d’Anton Serra, où les rappeurs jouent des clichés de leurs origines ethniques pour se définir. Ethor Skull se répand comme une fièvre jaune et cynique.
Hugo Boss du TSR Crew, d’origine franco-japonaise, évoque peu son métissage en tant que tel mais plutôt ses conséquences. Le racisme devient chez Hugo un thème majeur, revenant à un sujet majeur du rap. Dans ces deux cas, les origines orientales des artistes deviennent un fer de lance, une part entière de l’identité artistique, à laquelle le public peut difficilement s’identifier, mais qui permet par contre de marquer l’unicité du MC.
D’autres rappeurs jouent aussi les indigènes, mais cette fois-ci en s’exportant directement là-bas. La destination principale est la Thaïlande, avec des visions différentes. Anton Serra se promène dans les marchés de Bangkok et les plages de la mer de Chine sur ses Freesthaï. Nous faisant partager simplement ses vacances là-bas, son escapade touristique devient prétexte à des images et des phrasés aux couleurs locales. Serra tourne en fait un clip en Thaïlande comme il l’aurait tourné chez lui, perdu dans les rues des quartiers populaires et se mêlant à la population dans un état d’esprit de sympathie et d’amusement propre au Gavroche lyonnais. Non loin, Booba et Chris Macari sur Maitre Yoda filment les criques thaïlandaises par hélicoptère, mettant en avant les paysages idylliques mais aussi les rues plus malfamées, à l’image, sulfureuse, du Garcimore des Hauts-de-Seine. Le game devient global, de Phuket au Massachusetts, tirant de la Thaïlande des ambiances de fête et de violence.
Enfin, le dernier mais non des moindres, Seth Gueko et ses titres Farang Seth et Patong City gang, dans lequel les clichés thaïlandais sont assumés. Entre massage, prostitution et plage, le Poelverdinho, installé à Phuket depuis quelques temps, profite largement des plaisirs disponibles sur place et s’en vante sans complexe. Son récit de ses aventures, dans lequel il raconte que sa position d’européen lui facilite beaucoup de choses, est direct et sans concession. Il reste dans son personnage, dont les traits sont exacerbés par l’absence ou presque de barrières. Ces clips rejoignent encore cette vision de l’Orient sous l’angle de l’exotisme et du fantasme, avec Anton Serra qui s’amuse de tout et s’éloigne de sa zone, Booba exhibant ses pectoraux sur des plages paradisiaques et Seth Gueko se perdant dans les plaisirs de la chair.
En conclusion, on peut voir que le thème de l’Orient dans le rap est mentionné la plupart du temps par des clichés, aussi bien par les arts martiaux et les fantasmes guerriers que le tourisme sexuel et le quotidien de la campagne chinoise. Ces clichés découlent en fait d’une instrumentalisation du thème à des fins rhétoriques, parlant du lointain et d’images populaires, pour mieux capter l’auditeur et laisser l’exotisme faire son effet.
Pas dépaysant pour autant, l’orientalisme du rap français est à son image : divers et varié, produit de sensibilités différentes et finalement toujours accroché à l’esprit local qui le caractérise.
[…] « Iam reste le groupe le plus prolifique en la matière, avec des titres tels que « L’école du micro d’argent« , « Le style de l’homme libre » ou encore « Un bon son brut pour les truands ». Ces titres font la part belle aux arts martiaux, qui sont alors assimilés à l’art du emceing. Le crew devient un clan Shaolin, qui possède ses propres techniques, supérieures aux autres. Le vocabulaire emprunté aux arts martiaux ainsi qu’à la culture martiale sont légions, faisant autorité et renforçant ainsi la force de ces textes teintés d’egotrip. » – dans « Le Rap français et l’Asie » (2013) […]
Je ne connaissais pas Joke du temps de la rédaction de l’article 😉
Et Joke ?
Je prend note de la Mafia Trece, j’avoue ce groupe manque à ma culture.
Il y a d’autres artistes ou morceaux que j’ai oublié ou choisi de ne pas évoquer, tout simplement car l’exhaustivité n’était pas mon but et aussi pour éviter les lourdeurs d’un nombre de citations trop importantes. J’ai choisi les exemples qui servaient ma démonstration et qui correspondaient le plus à mes goûts 😉
Jibé
Sans parler du titre mythique « la fureur du dragon »
Gros gros oublie de la Mafia Trece, crew originaire du 13ème arrondissement soit le quartier chinois historique de Paris. Le titre « à la recherche du mic perdu » est la parfaite illustration de l’influence asiatique prédominante dans leur musique.