«J’essaie d’être lucide, de dissiper mes passions / Car le beau n’a ni apparence ni forme aux yeux d’la raison» Lasrim
Un jour, une émotion des plus clairvoyantes
Assiégea mes sens et pensées chancelantes,
Le savoir dont elle tirait son délicieux nectar
Me fit entrevoir les cieux sans aucun rempart.
Cette sombre alliée devint une horrible tumeur :
Sa présence aliène et désenchante et les rêveurs,
Son éloquence tarit les fleuves des consciences innocentes,
Tandis que sa science ternit les grandes espérances.
Lucidité, tu m’as appris à vivre sans armure
Tu m’as fait panser les points de sutures
T’as cogné les naïfs, et pourtant tu restes sûre,
Que leur blessure est
Une ecchymose bleue azur.
Sa bile noire corrompt le sang-froid de mes artères
Et souille les rêves usés, infusés par Homère.
Mes pensées arborescentes ont eu à l’usure
Ces émotions ravageuses par leur démesure…
Mes nuits mélancoliques érigèrent des sépultures
Aux pleurs des fractures ; aux regards vers le futur.
L’art fit porter sa lumière sur mes grands démons
J’écrivis pour les voir fuir, fussent-ils bons compagnons.
Lucidité, tu m’as appris à ne plus craindre le futur
Tu m’as fait penser les points de rupture,
T’as giflé l’innocence, et pourtant tu rassures,
Et pourtant tu m’assures
Que l’ecchymose est bleue azur.
J’ai cru à la beauté de la souffrance sous prétexte
Qu’une belle vie n’aurait jamais valu un bon texte,
Je me suis bâtit mentalement des raisons de vivre,
Et contraint leur démantèlement dans des nuitées ivres.
Prisonnier d’un regard réaliste sur les choses
Détenu dans des cellules grises mentales et closes,
Dame Lucidité m’accompagne encore ;
En me tourmentant comme les Érinyes d’Oreste,
Et ne cessera de le faire qu’au voyage funeste.
Image: L’art raffiné de l’ecchymose (Lucio Bukowski, Néstor Kéa)
Sculpture: K.