« Petit Apple commence la lecture aléatoire » Médine
Ce n’est pas l’Ipod de Médine qui va tourner dans cette chronique mais mon vieil mp3 en fin de carrière. Non pas pour rendre hommage à mes cinq groupes de rap préférés, comme l’a fait ce dernier, mais pour présenter une véritable lecture aléatoire. Pas besoin d’une chronique dédiée à un artiste, un classement ou une sortie récente pour pouvoir simplement parler d’un bon morceau de rap français. Voici le premier opus d’une série qui sera l’occasion de remettre en lumière, à chaque édition, cinq titres qui selon moi le méritent quels que soient leur style, leur époque, ou leur popularité. Parce que ça fait plaisir de fouiller dans le placard pour retrouver les titres qu’on aime, et encore plus de pouvoir les partager.
Don Choa – 7h du mat (Vapeurs Toxiques – 2002)
« 7 heures du mat’ sur les nerfs, j’roule un joint et j’ouvre une bière,
A 7 heures du mat’ les yeux bien ouverts, j’ai mal aux genoux à force de niquer par terre »
Cette première Lecture Aléatoire débute sur les chapeaux de roues avec ce titre assez populaire du p’tit gars sans gêne. Les instrumentales de son album Vapeurs Toxiques sont pour la plupart légères et innovantes, et collent divinement au rap chantant et très rythmé de Don Choa. Pour ce morceaux, un beat tranchant, quelques accords de synthé et un thème de zonard; il n’en faudra pas plus pour que le Marseillais nous démontre une fois de plus qu’il possède un des flows les plus charismatiques de l’histoire du rap français. L’ambiance est impeccable, à écouter entre potes, en voiture, au réveil ou pour les plus chauds dans les conditions du refrain. Si ta tête bouge toute seule et que tu ne peux pas t’empêcher de backer Don Choa à l’écoute, on est pareil.
AlKpote feat Seth Gueko – Caillera Mentalité (L’Empereur – 2008)
« J’suis à deux doigts d’percer comme un comédon
Les commandants d’Cergy Pontoise veulent que mes cafards s’parfument au Baygon »
C’est sur ces douces paroles que Seth Gueko fracasse les portes de l’instrumentale. En plein âge d’or du label Néochrome, Al-K et Seth nous livrent une prestation de haute volée, avec cette technique qui leur va si bien : la punchline provocatrice. Si énormément de MCs reproduisent aujourd’hui cette recette, les deux compères en restent néanmoins des précurseurs, et pas n’importe lesquels. Car derrière l’insolence de leurs textes se cachent une prouesse d’écriture et un réel humour dont peu de leurs successeurs ne peuvent se targuer.
KDD – Vie de Crev’s (Une couleur de plus au drapeau – 2000)
« Une salle sombre, une table, un cendrier
L’écran éclaire les yeux du meurtrier
Poignets pris dans le froid de l’acier
L’officier est d’bout dans ses bouffées d’fumée
Souffle des perspectives entre parler et cogner
L’avocat se tient là, dans l’silence du bruit
Comme un renard qui guette le corbeau pour clouer son bec d’alibi »
Si il y a bien un groupe qui mérite selon moi plus de reconnaissance qu’il n’en a eu dans notre chère sphère hip-hop, grand absent des classements et chroniques en tout genre, c’est KDD. Pourtant, les albums Résurrection et Une Couleur de plus au Drapeau sont de véritable classiques. Vie de Crev’s est une des tuerie de ce dernier album, surtout grâce à ce premier couplet stratosphérique de Dadoo alias Dadppda, leader incontesté du crew Toulousain dont le style est tant regretté. Il nous offre une avalanche d’allégories et de métaphores pour dénoncer la corruption présente dans « l’honorable société » – sujet déjà présent dans le fabuleux Zone Rouge samplé au début du titre – le tout avec sa technique pharamineuse. Une telle gifle qu’elle nous ferait presque oublier la performance de Diesel qui est loin d’être mauvaise.
Casey – L’exclu (Ennemi de l’ordre – 2006)
« Je parle […]
De routine, drogues, nicotine, frères qui cantinent
Pères qu’on piétine, familles nombreuses et clandestines
Mères qui s’obstinent, patrons qui volent et baratinent
Gosses qu’on destine au béton depuis la tétine »
On le sait, Casey n’est pas là pour nous chanter la vie en rose. Pour son premier morceau du maxi Ennemi de l’ordre, elle rappe son monde sombre et dur, où s’entremêlent misère, racisme, stupéfiants, coup bas, et rejet des institutions. La richesse de son vocabulaire est bien au-dessus du lot, et son rap transpire le vécu à travers ce morceau engagé, véritable missile qui prend la police, la politique, et le show-business en ligne de mire. Un morceau prenant et extrêmement bien écrit, dans lequel Casey nous donne la pleine mesure de son talent.
Flynt – 1 pour la Plume / Saï Remix (Rétrographie – 2013)
Ce morceau, c’est la bonne surprise de Flynt sur sa mixtape Rétrographie, qui regroupe un panel des morceaux, couplets et autres featurings du MC depuis le début de sa carrière. C’était pourtant risqué de proposer un remix du désormais classique 1 pour la Plume sur un disque où justement, on a envie de réécouter tous ses meilleurs sons (d’ailleurs, tant qu’on y est, petit regret de ne pas avoir trouvé Les uns les autres au sein de ce « best-of »). En effet, qui n’as jamais été froissé d’entendre un de ses morceaux préféré sur une autre instru qui n’est pas du tout en accord avec le texte, la voix, ou le style du MC, et pensé « Mais pourquoi ? Pourquoi faire autant de mal à un si bon morceau ? ». Et bien tout en changeant complètement l’ambiance du titre avec cette petite mélodie de piano sur un simple poum-tchack, Saï a réussi à conserver son homogénéité et à transformer un classique en un autre classique. Franchement chapeau. C’est tout simplement une de ses meilleures bougies que Flynt a choisit de rallumer, histoire d’éclairer encore mieux sa ville.
(La vidéo a aujourd’hui été supprimée de la toile, il faudra vous procurer Rétrographie pour avoir la chance de l’écouter!)