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L’enfant bâtard

« La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique… » Léo Ferré.

Chère Poésie, je t’imagine assise près d’un foyer éteint,
Les mains décharnées, la peau creusée, blanche de teint,
Tu ne penses pas à demain, parce que demain c’est loin ?
Non, parce que tes beaux jours sont des jours anciens.
Ta chevelure, bien que muse des plus grands, est maintenant revêche
Et pointue comme la feuille de houx.
Je serai ton chercheur de poux,
Un flâneur perdu dans les lettres de cette saison blanche et sèche…

Qu’est-ce qu’un poète aujourd’hui sinon un nostalgique éconduit, un simulacre d’artiste maudit, un naïf comme Don Quichotte qui se trompe d’époque, un petit canard boiteux ou un pompeux petit connard…

…Putain quelle rime de bâtard !

 Tu as crié tes oraisons sur nos aurores,
Et fait éclore les raisons de nos horreurs,
Tu fus l’écho de nos silences et nos fureurs,
Et les couleurs de nos croyances et nos folklores.

Désormais mièvre à l’orée du second crépuscule,
Le Bateau ivre n’est plus qu’un fauteuil à bascule,
Fuis de ce bagne bourgeois affublé de ridicule,
Où les petites pensées s’expriment en grandes formules !
Fuis de ces geôles consensuelles en quête de non-sens,
Et ce rôle de pute superficielle qu’ils encensent !
Fuis la pédanterie infâme des intellectuels,
L’Université et son snobisme culturel !
Fuis l’Académie, les microcosmes littéraires,
Où l’exercice critique n’est que querelle personnelle !
Les proxénètes de l’art ont tué les poètes
En oubliant les tripes au profit de la tête.

Chère poésie, le temps t’a tant salit, tes cicatrices sont devenues ces rides et sont les signes de séditions séniles. Tes sens s’y fient, jadis acérés les voici sinistres et souillés, usés, ta peine s’intensifie. Les abysses ne sont pas les cimes de tes rêves d’ascension, il est temps de reconnaître tes fils et leur passion.

Chère poésie, le Rap est l’enfant bâtard renié
Refusant de porter ton étendard,
Lui, si bavard, au verbe dur et licencieux,
Parfois rude et prétentieux,
Porte les défauts du gosse abandonné.
Il paraît virulent, on le dit violent,
Souligne sa turbulence, son insolence,
Et trop rarement son excellence,
Vois comme il te ressemble
Et semble chercher ta présence,
Reconnais le, nages dans ces flows
Comme lui se baigne dans ton ruisseau.

PS :  Prends soin des roses que je lie à ce poème,
On dit qu’on est plus sévère avec  ceux que l’on aime.

Etienne Kheops

À proposEtienne Kheops

"Je n'ai qu'une plume bon marché pour planter les cieux"

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