Interviews Rappeurs

L’Erreür : « Les mots sont une matière brute. C’est de la sculpture. »

Alors justement, c’est quoi un morceau qui marche ? Parce que moi jen vois, jen entends, jen subis, des trucs « qui marchent », et y a pas forcement décriture…
L’Erreür : Alors pour moi, je te parle pas de la radio, de la télé, parce que cest pas du tout mon monde, j’écoute pas de radio, je regarde pas la télé. Pour moi un morceau qui marche cest un morceau sincère. Un artiste est un passeur démotion, donc si t’as de l’émotion qui passe, le morceau est bon. Peu importe que ce soit du rap, du rock, du métal, on s’en branle.

Et maintenant quil est sorti, tu travailles à la vente de ce projet là ?
L’Erreür : A Ces Gens, comme je t’ai dit, c’est familial, plein de gens y ont passé du temps… Du coup je voulais que ce soit gratos. C’est un passage, comme un relais.

Oui rien que le titre, d’ailleurs, c’est une dédicace ?
L’Erreür : Bien sûr. C’est un hommage même. Du coup je voulais que tout soit gratuit. Petit à petit, je me suis rendu compte que de faire presser des cd ça coutait pas mal de fric, et vu que je mets tout de ma poche, je vais devoir vendre quand même les cd physiques… Mais le projet en lui-même, numériquement, c’est gratos, donc sur internet c’est free, tu peux tout écouter, pour que ça tourne, pour que des gens découvrent le projet, les textes, ces auteurs que peut-être ils ne connaissent pas…

Après, je ne pense pas qu’offrir numériquement un projet empêche de vendre des skeuds. Contrairement à ce que la SACEM ou autres mafias de ce genre veulent nous faire croire, je crois vraiment que, souvent, sans une approche gratuite, les gens ne découvriraient pas autant, et du coup, ils vont pas forcement vouloir ou pouvoir dépenser 10 ou 20 balles pour un artiste qu’ils ne connaissent pas. Le gratuit c’est la vitrine, et le payant le soutien, le cadeau qu’on se fait…
L’Erreür : Je suis bien d’accord avec toi. Et je me suis posé cette question. Comme j’ai mis tout le projet en wave, donc en bonne qualité, gratos sur internet, pourquoi j’irai faire presser des cd en prenant le risque que les gens du coup ne l’achètent pas, vu qu’ils ont déjà tout sur leur ordi ? Mais en fait c’est un objet. Ce cd, je le vois comme quelque chose de beau et c’était important pour moi de le faire presser. Je pense même qu’il se vendra.

Il ne se vend pas déjà ?
L’Erreür : Non. Bientôt. Il y a plein de gens justement qui m’ont demandé du physique. Il est en cours de route, c’est presque prêt, mais là on a tout le prototype, il nous manque quelques euros et puis on passe la commande… Donc ça arrive. Ce projet m’a fait vraiment du bien. C’était très personnel de faire ça parce que ça fait longtemps que j’écris, et que je rappe et là j’avais besoin de faire autre chose. Ça m’a aussi permis de comprendre comment fonctionne un texte, par exemple. Et puis interpréter un texte d’un autre, c’est un exercice qui permet de comprendre la construction en elle-même d’un texte. Je le vois vraiment comme un exercice, un apprentissage. Ça m’a apporté beaucoup, je me suis enrichi de dingue, clairement, mais moi je n’en perds pas ma soif d’écriture, que j’ai depuis longtemps.

Alors… D’autres projets ?
L’Erreür : J’ai eu plein d’idées depuis, ça m’a relancée sur de bons rails. Donc voilà avec tous les gens qui rappent à Toulouse, y a plein de trucs à faire… Des projets perso, il va en arriver rapidement, parce qu’on fait des morceaux assez régulièrement, et c’est dans les tiroirs. Et puis après, vu que ça c’était le volume 1 de A Ces Gens, tu te doutes bien qu’il y aura un volume 2. Mais là je vais pour le coup prendre un peu plus de temps pour le faire. Parce que le volume 1 je l’ai fait en 6 mois, ça a été très rapide. Mine de rien, 6 mois, c’est court. Et peut-être, bon c’est pas commercial de le dire mais je m’en fous je ne le fais pas pour ça. Peut-être qu’à la fin ça a été un peu bâclé, pour finir quoi. Et je n’ai pas envie de refaire cette erreur pour le 2ème volume. Si je dois prendre 2, 3 ou 4 fois plus de temps pour le faire je le ferai, pour faire les choses avec les gens de manière plus étroite et précise.

Jai un chaud/froid pour toi. Qu’est-ce qui tinspire et te repousse dans le rap français de 2015 ?
L’Erreür : Ce qui me fait kiffer, ce sont les gens de notre génération que je vois grimper, et proposer de trop belles choses dans l’écriture, donc Georgio, sacrée énergie, Caballero, et j’aime beaucoup Fayçal, bon, est-ce que c’est rap 2015 ? … En espérant qu’il sorte un projet en 2015 et ce sera d’actualité ! Mais surtout Dooz Kawa, quoi. Bon, lui… Pareil, ça fait longtemps qu’il est là.

Oui, lui ça fait longtemps mais qu’il y reste !
L’Erreür : Ah oui. Moi de toute façon, ce sont les textes qui me touchent. Quand je lis par exemple Do re mi, c’est juste énorme ! Moi j’admire la plume. Fayçal, par exemple, je n’aime pas du tout ses prods, mais il a un truc de ouf dans l’écrit, pour moi ça passe.

Et ton froid ?
L’Erreür : Humm… Je passe au-dessus. Honnêtement j’aime pas le froid, je vais chercher le soleil ! Donc mon froid en rap je ne l’écoute pas, je ne le fréquente pas, je passe largement au dessus.

Jolie réponse… Et du coup, c’est quoi ta dernière claque en rap français, que ce soit une sortie d’album ou un live, un livre ?
L’Erreür : Attends, je réfléchis parce qu’il y en a beaucoup, c est un putain de vivier le rap, donc c’est constant les claques… J’en ai vu tellement, rien qu’ici (on est @La Dynamo)… Je dirai Vîrus. Juste en live parce que justement ses morceaux à lui ce n’est pas mon atmosphère, et j’ai des potes fans de ce gars qui le font tourner en boucle, moi ça me touche pas de les entendre comme ça. Du coup je l’ai découvert y a 2 semaines (en live ici, avec Eli MC et La Canaille, NDLR…) et c’était vraiment fort, une tuerie quoi.

Un petit big up à passer ?
L’Erreür : A toute la famille toulousaine ! Tout Omerta, Dj Spazm, Dj Jof qui est là ce soir, tous les invités du projet, les potes, et les gens que j’aime…

Il te reste encore de beaux jours
Profites-en mon pauvre amour
Les belles années passent vite

Rien que ça ! Le mot de la fin, sans réfléchir ?
L’Erreür : En poésie, on n’habite que le lieu que l’on quitte. (j’ai cru que c’était une punchline d’Arthur Rimbaud, mais Arthür m’apprend que c’est une phrase de la préface d’un livre de Rimbaud, par René Char.)

Maintenant qu’on a terminé, j’aimerai bien savoir quelle est la question que je ne t’ai pas posée mais que t’aurai bien aimé que je te pose, et la réponse qui va avec ?
L’Erreür : (qui galère avec tous les briquets qui ne marchent pas sur mon bureau… On est 5 dans le camion, et personne n’a de quoi allumer une clope, misère… ) T’as du feu ?

Moi : Non, tu vois, je les ai tous tués.
L’Erreür : Bah voilà ! C’était ça ma question. Et j’aurais aimé que la réponse soit oui.

Nous nous quittons donc en riant, histoire de lui laisser le temps de trouver un briquet, et de se préparer avant sa montée sur scène avec plusieurs de ses invités, pour présenter A Ces Gens -volume 1.

Edit : Les skeuds sont là. Pour ceux qui veulent en choper, claquez un message sur son Facebook par ici. Je parlais en intro de Vagabond d’la Rime II, on en reparle tout bientôt dans mon interview de Melan, et en attendant, tu le télécharges par ici.

 

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