Cette année, on a décidé de deux nouveautés. D’une part, on a attendu la toute fin de l’année pour délivrer nos favoris de l’année ce qui nous a laissé le temps de digérer les sorties du mois de décembre afin de n’oublier personne. D’autre part, nous avons modifié notre façon de voter afin de rendre un top 10 plus cohérent. Et enfin, on a décidé de ne plus classer de 1 à 10. Alors, vous êtes d’accord ?
Seth Gueko feat. Oxmo Puccino & Nekfeu – Titi Parisien Remix
Alors que l’exilé thaïlandais avait déjà choqué la planète rap en mettant tout le monde d’accord grâce à Titi Parisien, clippé dans les rues de la capitale, il a décidé de récidiver en conviant deux autres rappeurs appréciés par tous. Le choc des générations (ancien pour Ox, intermédiaire pour Seth et nouvelle vague pour Nek) a tout d’un classique. Le clip chiadé aux nuances N&B sert parfaitement l’atmosphère populaire des lyrics des rappeurs dans une ambiance très traditionnelle (romantisme de la plus belle ville du monde, bérets en guise de couvre chef, quais et ponts, cafés en terasse…).
Alors que les rappeurs se cassent souvent la gueule en confrontant leurs publics dans des collaborations douteuses (on ne citera personne), le rappeur le plus asiatique du 95 a réussi le tour de force de réunir les puristes comme les auditeurs les plus récemment conquis pour livrer un morceau d’une qualité exceptionnelle.
Vald feat Suik’on blaze AD – Infanticide
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Unique collaboration sur l’EP NQNT 2 de notre Vald préféré, c’est Suik’on Blaze AD qui vient épauler le blondinet sur Infanticide. D’une cohérence de flow incroyable, on sent nettement que les deux MC ont le même univers lyrical, très technique et imagé. Plus de quatre minute de démonstration rapologique sur une prod de croque-mitaine, avec l’aide avisée d’un refrain aux sonorités fortement semblables (on ne le dira jamais assez) à ce que faisait un certain Slim Shady il y a une quinzaine d’année maintenant. L’ensemble ne peut que convaincre.
Demi-Portion feat. Oxmo Puccino – Une chaise pour deux
Le demi rappeur de Sète nous livrait en début d’année dernière un album d’une grande qualité, loin d’être avare en collaborations (une quinzaine de noms différents font leur apparition sur l’album). Celle qu’on retiendra toutefois le plus sera celle avec le grand Oxmo Puccino, un feat porteur d’espoir ou de nostalgie selon votre humeur, mais qui saura vous toucher dans tous les cas. Superbe relais entre deux générations et deux immenses artistes, qui n’en est pas pour autant du pur hip hop « pour les potos ». Comme le redit Oxmo au début du track, « L’enfant seul, je sais que c’est toi » mais l’enfant n’est plus qu’à demi-seul.
Hippocampe Fou feat. Gaël Faye – Presque rien
Le son n’est pas disponible sur Internet (ni Youtube ni Dailymotion), du coup vous êtes obligés d’acheter l’album.
On vous aura beaucoup parlé de l’album Céleste d’Hippocampe Fou, mais on ne vous a pas assez parlé de ce titre. Un Hippocampe espiègle et vagabond au sommet de son art doublé d’un Gaël Faye dont la poésie a pris un sérieux coup de sérieux en moins (vous suivez ?), mais dont la plume ne cesse d’émerveiller, énumèrent le tas d’objets hétéroclites qu’ils souhaitent mettre dans leur bagage. Des patins à glace à la vanille, un éthylotest en forme de poupée gonflable, un ghetto blaster, une canne à garder la pêche… le strict minimum quoi ! Quelques babioles, beaucoup d’alcool, des kilomètres de joint, et surtout, des lyrics qui dégoulinent de sucre, de bonne humeur et de sérénité sur une prod ensoleillée de Stan-E.
Kacem Wapalek feat. Nemir – Comme d’hab
Si l’album du lyonnais a pu décevoir dans sa globalité (récupération d’anciens freestyles, textes déjà rappés maintes et maintes fois…), ce serait cependant faire preuve de mauvaise foi que de ne pas citer ce morceau dans les plus marquants de l’année. Crachant le feu sur un sample de Soul Music concocté par le talentueux Juliano (que l’on retrouve notamment sur l’album La Source de 1995), les deux rappeurs se succèdent dans un style différent l’un de l’autre mais dont le mariage se déguste avec autant de délectation que l’ail et les fines herbes. Là où l’emcee sudiste privilégie un refrain planant et espacé, à mi-chemin entre le rap et la chanson, armé de sa voix lisse et éraillée, Kacem opte pour les rimes saccadés auxquelles on le sait attaché et qu’il manie si bien: allitérations, assonances et autres prouesses linguistiques s’affrontent dans un duel au sommet.
Certainement le meilleur technicien actuel du rap français (ou, du moins, le rappeur qui s’amuse le plus avec les mots) nous offre un excellent morceau, sublimé par la participation du perpignanais.
Booba feat Lino – Temps Mort 2.0
Annoncé quelques temps avant sa sortie, le flou restait complet: serait-ce le nom du prochain album de l’ourson maudit ? Ne serait-ce qu’un son ? Lorsque la nouvelle est finalement tombée, voir une reformation de ce duo mythique ne pouvait que ravir nos oreilles encore traumatisées, 15 ans après, par Mauvais Oeil et Quelques gouttes suffisent. Avec un titre pareil, tous nos fantasmes pouvaient vite devenir réalité. En découvrant la simplicité de cette prod, sans strass ni paillettes, avec seulement un pont entre les deux couplets monstrueux de Lino et Booba (qui rappelle une ambiance très freestyle à la cool) et aucun modificateur de voix, nous ne pouvions pas être mieux servis. Une très bonne surprise sur l’album du Duc de Boulogne, surprise qui sera suivie quelques mois plus tard par tout un album à l’excellente teneur. Mais, à l’époque, nous ne le savions pas encore…
Lucio Bukowski & Anton Serra feat. Hakan le Grand, Eddy Woogie – Tintin au Congo
Je vous vois venir gros comme une maison. Oui, on met L’Animalerie partout. Mais doit-on nous blâmer nous ou eux ? Ce n’est quand même pas de notre faute s’ils trustent le haut des classements à chaque fois. Cette fois-ci, c’est en featuring avec des gars du cru, Eddy Woogie (anciennement Dico) et Hakan Le Grand, que l’Animalerie tape le haut du panier, ce qui nous a fait comparer dans cette chronique le crew lyonnais au centre de formation du Barça tant les talents semblent sortir à répétition. 5 minutes 28 seconde d’une frappe pleine lucarne sur une prod fantastique d’Oster Lapwass aux percussions hallucinantes. Déjà classique.
Joe Lucazz feat Express Bavon – Corner
Sur son EP, Joe Lucazz déploie un éventail de sonorités différentes, tout en gardant une ligne directrice solide. Corner est le son le plus laidback de l’opus, impulsant une nouvelle fraîcheur entre le banger Double Whopper et le sensible Ce n’est pas contre toi. Un refrain chanté (par un homme qui plus est) qui repoussera les puristes anti-pop, une ambiance champagne payé en liquide, une instru guitare-cuivre, Joe prend le contrepied d’une tendance dure pour injecter du smooth dans le game.
Alkapote feat Vald – Meilleurs lendemains
Dans la série des collaborations attendues, celle entre l’Empereur d’Evry et le branleur d’Aulnay occupait une place de choix. Et on peut dire que l’on n’a pas été déçus du résultat. A la force du flow, les deux techniciens transforment une instru (d’Ovaground) en véritable machine à casser des nuques et ce, le plus naturellement du monde. Offrant un univers visuel à la croisée de 8Miles et du Groland, Meilleurs Lendemains nous fait saliver de la suite, qui prendra forme le 11 Mai prochain dans l’Orgasmixtape 2 de notre Aigle de Carthage préféré, qui a décidément bien du mal à arrêter le rap.
Maitre Gims feat. Niska – Sapés comme jamais
Un vrai petit bijou de rap mainstream. S’appropriant la culture congolaise de la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes) à merveille, le plus gros vendeur de rap français actuel s’allie au rookie charo de l’année pour nous livrer un son dansant comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Respectant le schéma classique (intro-couplet-pont-refrain-couplet-pont-refrain-outro) des sons à visée commerciale et hit-radio, Sapés comme jamais ne représente pas vraiment le genre de son dont on parle en général sur Le Rap en France. Mais si l’on accepte de ne pas se prendre au sérieux et de kiffer la musique tout simplement, il serait malvenu de ne pas admettre que l’on s’est tous déhanchés en écoutant ce refrain sorti tout droit de la Salle du temps.