Comme vous pouvez l’imaginer, ce classement a aussi fini en pugilat au sein de l’équipe. Ceci est le meilleur compromis qu’a pu trouver la rédaction de votre site favori. Il reflète l’année rap français dans ce qu’elle nous a donné de meilleur mais aussi dans sa diversité. Car notre top comporte du story-telling, de l’egotrip, des morceaux fleuves et des sons courts, de la trap et du rap à textes. Il faut de tout pour faire un monde et ce que nous vous proposons le reflète assez bien. Action.
10 – Le Savoir Est Une Arme – Dooz Kawa
« Le savoir est une arme »… Une bien belle citation qui sauva d’innombrables rappeurs en panne d’inspi. Mais alors que la plupart l’utilisent à tort et à travers, Dooz Kawa choisît d’en faire un titre. Assumant son sens, il y dénonce la falsification de l’histoire et rend hommage à ses réels défenseurs, de Snowden à Charlie Hebdo. « On assassine toujours les messagers » le pavé est lancé.
Merveilleusement prolifique depuis 2010, Dooz Kawa promène une nouvelle fois sa plume là où ça irrite et ne craint pas de faire s’effondrer quelques mythes. Alliant texte et technique, le tout sur des instrus généralement somptueuses, Dooz Kawa est une valeur sure. Et ce morceau en est la preuve incontestable.
9 – Les faiseurs d’illusions sortent des lapins morts de leur chapeau – Lucio Bukowski
Les années commencent à se suivre et à se ressembler. Encore une fois, Lucio Bukowski fait partie du top 10. Et le pire dans tout ça, c’est ce que le débat a été rude afin de savoir quel morceau figurerait dans ce classement. Égal à lui-même, le lyonnais nous régale sur ce son en étayant encore un peu plus sa pensée profonde sur une instru de Haymaker. Regorgeant de citations toutes plus pertinenets les unes que les autres, Lucio finit par être au-delà du rap engagé pour faire de l’art engageant.
Lire aussi : la chronique de L’Homme Vivant et les 5 films de Lucio Bukowski.
8 – 1435 – Abdallah
Un sample de Strange Fruit de Billie Holliday chanté par Nina Simone. Le morceau démarre bien et au fil de l’écoute, on se rend compte qu’il se transforme en son fleuve. Impossible de le résumer en quelques mots tant le texte est dense mais impossible aussi d’en décrocher quand la touche lecture a été enfoncé. Abdallah a signé son meilleur morceau et on ne peut qu’être curieux de ce qui va suivre pour lui. Et pour les curieux, 1435 était l’équivalent de l’année 2014 sur le calendrier musulman.
7 – André – Guizmo
Sept minutes et cinquante-neuf secondes pour un morceau qui porte le prénom le plus porté pendant l’année 1952. Autant dire qu’il ne partait pas forcément gagnant. Et pourtant, sur une prod’ portée par une voix lyrique envoutante, Guizmo se révèle et propose probablement le meilleur morceau de sa jeune carrière. Entre auto-critique et analyse sociétale d’un coin de rue, il balance une avalanche de multi-syllabiques, d’assonances et d’allitération. Le pari était risqué, il aurait pu perdre 99% des auditeurs avant la fin du son mais le compteur Youtube a dépassé le million de vues et c’est franchement mérité.
6 – Yes Mani – La Smala
La fête, l’alcool et les plaisirs simples sont le fil rouge du morceau. Émetteur d’énergie et de folie douce, Yes Mani est une cacophonie absurde intemporelle, et ça déboite. Rythmés par les claps et les snares, chaque artiste amène un texte sans trop de fond mais qui résonne dans les têtes avec de nombreuses multi-syllabiques autour d’un refrain sans queue-ni-tête. Folie et Carpe Diem sont les maitres mots, assemblés en une seule expression : « Yes Mani ! ».
Lire aussi : la chronique de Un Murmure Dans Le Vent.
5 – Shoote Un Ministre – Vald
Oubliez le politiquement correct, Vald l’a envoyé au sous-sol avec un coup de pied au derrière. Véritable Ode à la haine du dirigeant, du ministre et autre élite, le message est claire : tu veux te défouler ? Ne t’en prends pas aux innocents, shoote un ministre, tu auras plus de chances de viser juste. Thèse placée évidemment sous le signe du second, voire, du troisième degré, mais le morceau reste cohérent et propose un discours plutôt lucide et limpide sur le système.
Lire aussi : La chronique de NQNT et l’interview de Vald par Le Bon Son.
4 – Chargé – Kaaris
On vous voit déjà lever les bras et hurler au péché originel. Kaaris en quatrième position ? Et pourquoi pas ? Un putain de gros gimmick, une présence et un charisme hallucinant ont suffit à caler Chargé dans les morceaux de l’année. Et le morceau porte bien son nom car chargé, il l’est. La production prend une place monstre pendant que le torso-nudiste de Sevran enchaine les phases d’anthologies en invitant pêle-mêle Marine Le Pen, Myke Tyson et Materazzi. Impossible de ne pas le garder dans notre top 10.
3- N°02062014,2 – L’animalerie
Les morceaux filmés aux allures de freestyles c’est bien le fonds de commerce, non commercialisé, de l’Animalerie, et ce depuis longtemps. Mais celui-là en a estomaqué plus d’un, chez nous ça a tourné en boucle pendant 10 jours consécutifs. Deux prod’s et onze artistes pour un envoutement de 9 minutes entre deux univers aussi parfaits qu’ils sont différents l’un de l’autre. Un pur produit lyonnais qui prouve une fois de plus que Paris n’est pas la seule ville digne du rap français. Grosse pensée pour Vald qui a présenté un couplet si technique qu’il aurait réveillé George Brassens, Raymond Devos et Pierre de Ronsard.
2 – 99% – Asocial Club
L’Asocial Club est énervé. Leur album Toute entrée est définitive aura clairement marqué la scène du rap français cette année. En plus d’être une véritable leçon de flow, 99% se veut critique aiguisée de ce milieu complexe et tordu, envoyant ci et là de judicieux pics à certains MCs très cons qui sauront (ou pas) se reconnaître. En quelques mots, ces cinq minutes trente d’orgasme auditif sont un subtil mélange homogène entre une prod’ frémissante et des lyrics plus chargées qu’un neuf milli. Profusion de voix et de rage, explosion de saveurs: une fois encore, Al, Casey, Vîrus et DJ Kosi déploient leur talent au-dessus de la planète du rap français.
Lire aussi : la chronique de Toute Entrée est Définitive et l’interview de l’Asocial Club par Le Bon Son.
1 – Wolfgang – Lino
Lino a annoncé son retour et n’a pas fait dans la dentelle, Wolfgang est pour nous le meilleur morceau de cette année. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas perdu sa précieuse verve avec laquelle il écrase, à coup de rimes, les détracteurs du rap. Grâce à la référence au célèbre compositeur Autrichien, Lino s’auto-sacralise maitre des arts, sorte de Parthénon du rap au milieu des ruines. Le fond est toujours alarmiste et il le revendique : l’ange déchu du système nous enlise dans sa flaque d’encre funeste. Album annoncé pour janvier 2015.
Lire aussi : l’interview de Lino par Le Bon Son.