Découvertes Sélections

Mes 5 découvertes du mois #4

Image réalisée par CousinHub

Le rap au final c’est un peu comme un stupéfiant, de la drogue, il se consomme de différentes façons et beaucoup d’entre nous en ont développé une addiction. On ne s’est toujours pas raisonné à arrêter, cependant on veut de la bonne qualité, fini le rap coupé à la pop ou à la variet’, on veut du pur. Notre mission est donc d’éradiquer les gros distributeurs et de vous servir en petite quantité un produit de meilleure qualité, un peu comme Walter White et Jesse Pinkman. Mettons de côté la métaphore et entrons dans le vif du sujet ; du rappeur populaire au rappeur à 400 vues sur youtube, du beatmakeur à l’accoutumé des open-mics, voici nos 5 découvertes du mois.

L’erreür

« La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie; elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche » Ferré

A ces gens, c’est un concept simple, ça tombe sous le sens même. Mais c’est seulement en 2015 qu’un artiste en a eu l’idée : rapper des textes de grands écrivains français, qu’ils soient poètes du XIXe ou chanteur à texte du XXe. L’Erreür, le toulousain à l’origine de cet hommage à la poésie, a ramené ses amis beatmakeurs et rappeurs pour l’accompagner dans ce beau projet. On vadrouille entre Les Passantes d’Antoine Pol en chantant une Ballade à La Lune façon Musset pour finir au côté de La Noyée de Gainsbourg après avoir rédigé Le Testament de Brassens. Ode à ces gens, ces hommes et ces femmes de lettres dont beaucoup de rappeurs se sont inspirés.

Et le pari était audacieux ! Interpréter des rimes, étrangères au rap, sur un beat hip-hop est loin d’être inné. Chaque texte poétique a son propre rythme, celui de l’auteur qu’il faut respecter sans pour autant être off-beat lors de la réinterprétation. De plus, comme le disait L’Erreür, dans une interview chez LeBonSon, reprendre un texte déjà chanté par un artiste est encore plus compliqué, le rythme du morceau original revient sans cesse à la charge dans nos esprits.

Le choix des textes a été, on l’imagine, conditionné par soucis de rythme, mais comme le disait Brassens « tous les hommes n’ont pas à leur disposition beaucoup de choses à dire, ils parlent de l’amour, ils parlent de la fuite du temps, ils parlent de Dieu, ils parlent de la difficulté d’être mais à part ça, tout le reste c’est de la littérature. ». On apprécie ce genre de démarche, et réjouissez-vous, un deuxième volume est déjà annoncé.

 

Les Tontons Flingueurs

« Vos flow dans l’humidité, illuminé, j’crée des seize en illimité / Les milliers d’unité visé s’font éliminer par mes subtilités / Lucidité illimité, j’minimise leur visibilité / Humanise les divinités pour les humilier en toute humilité »

On vous parlait déjà d’un de leurs membres, So Clock, dans une de nos précédentes découvertes. Cette fois-ci Les Tontons Flingueurs sont réunis et nous livrent une mixtape riche en qualité : Le Démon A Neuf Queues Vol.1. Référence au célèbre manga Naruto, le groupe avait annoncé son arrivée officielle sur les ondes avec un premier titre Kyubi réunissant l’intégralité des mc’s : Derka, Lesram, Lasco, Moken, Lucid, So Clock, B-Biface, M le Maudit, Lpee. On était un peu sceptique avant d’écouter le projet, après tout, des groupes parisiens il y en a plein. De plus, chez Les Tontons Flingueurs, ils sont jeunes et nombreux, on était prêt à parier que le niveau des gars serait loin d’être homogène. Et bien non ! Premièrement, ils sont tous au niveau mais ils ont su rajouter cette plus-value qui donne un sens à leur projet. On a entendu des flows avec des placements audacieux, une écriture juste et propre à chacun, des rappeurs loin d’être fades.

Mixtape composée de seize morceaux. On va de la démonstration technique, avec des morceaux comme Lâche Ta Flamme ou On Verra Après, à des morceaux plus profonds où les mc’s sont moins nombreux sur le beat comme le très beau Le Matin Dès L’Aube. Le fait d’être deux ou trois sur le morceau permet aux jeunes parisiens de dévoiler des textes plus introspectifs, on sent alors une envie de créer de véritables morceaux, au-delà du freestyle, avec des thèmes et des refrains travaillés. La mixtape a été principalement réalisée à partir de face B, ce n’est pas une mauvaise chose, c’est un premier projet et ils ont le temps. Le volume 2 est déjà en route, on espère avoir l’occasion d’entendre un projet qui suivra ses ambitions du premier.

 

Hakim aka Le H

« J’ai pas fait tout ça pour que tu m’achètes / J’ai pris des risques, vendu des sachets / Crié victoire avant que tu m’achèves »

Elle est bien loin la tendance « retour aux sources » du rap. Du moins, la 75e Session s’en est totalement extirpée pour innover et s’imposer avec une musique actuelle mais pas à la mode, pour reprendre l’expression de Rocé. Cette fois-ci c’est au tour de Hakim de sortir son EP AVS, supervisé par Le Dojo, studio d’enregistrement flambant neuf de la 75eme.

On pourra reprocher que ce projet est un énième délire trap redondant. Certes la production sonne trap, tout comme le flow d’Hakim, mais c’est loin d’être dans le moule de ce qu’on entend habituellement. Tout d’abord, le flow varie en fonction des instrus, ce n’est pas un odieux copié collé reposant sur le même beat, il y a un réel travail rythmique. De plus, on reproche souvent à la trap de reposer sur des textes chétifs et un fond stérile, elle ne servirait qu’à combler les lacunes textuelles des rappeurs. Loin de là, l’artiste ne réinvente pas la poésie ce n’est pas le but, mais les textes sont percutants et le contenu, aisé.

On retrouve d’ailleurs des plumes que l’on apprécie comme celles de Sopico ou d’Ormaz du Panama Bende. Bien que le projet soit composé de faces b, on ressent la patte de Sheldon qui a entièrement mixé l’EP. C’est d’ailleurs lui qui se chargera de la production du prochain projet d’Hakim, ce dernier nous a confié qu’AVS n’était qu’une mise en bouche avant un véritable projet.

 

All Iver

(Edit : le clip d’origine n’étant plus disponible, le lien a été mis à jour.)

All Iver, rappeur d’une vingtaine d’année, est désormais un artiste à suivre de très près. 50 Action Express est un projet qui brille par son éclectisme et sa spontanéité musicale. Mélodie enivrante et détonante, l’auditeur titube entre une musique légère et un rap cathartique.

Nella Mia Sicillia en guise d’exorde. Accompagné des douces ballades de Nina Woosh, All Iver annonce la couleur, quoique éphémère, de sa musique. Instrumentale apaisante avec des airs de trompète sur un BPM lent, la rime s’amorce lentement. Elle exprime un contentement et prône les origines de l’artiste. Le ton est chaleureux, joviale. Assis confortablement en écoutant ce morceau, on a du mal à imager l’artiste dans un autre registre que celui-ci.

Et pourtant, 50 Action Express est une gigantesque palette musicale. Les productions sont riches et variées, tout comme le flow émanant des thèmes allant de l’introspection maussade avec le titre Intimes Convictions, à des sujets plus légers comme avec Nag Champa. Entouré des beatmakers Vaati, Wizman, LutopiK & Smokedbeat, l’artiste a prouvé qu’il était à l’aise sur une multitude d’ambiances et de thèmes. Petite préférence pour le morceau Météore avec le très prometteur Sopico signant un couplet de qualité et un refrain entêtant.

L’EP s’achève par une outro totalement instrumentale de Vaati, qui prouve encore une fois l’importance que donne All Iver à la musicalité du projet. Ce n’est pas un « lyriciste » sur production minimaliste, il allie fond et forme à merveille et on vous invite à tendre l’oreille sur ce jeune artiste.

 

Microsillon

Microsillon c’est un groupe de rap, formé d’identités propres, d’une amitié forte, et surtout, surtout, d’une originalité décapante. Mené de main de maître par un quatuor de messieurs pluridisciplinaires, à la fois rappeurs et beatmakers, que sont Gengis, Koos-T, U.B.U. et Oscar Motus, Microsillon est surtout lié par ses deux têtes d’affiches du nom de Koos-T et Gengis. Ces deux bougs se sont rencontrés autour d’un grec et ne se quittent plus depuis. Installés dans le 16ème arrondissement de Paris, ils passent leur temps libre à gratter des textes, organiser des concerts et explorer de nouvelles folies sonores.

Après de nombreux freestyle et morceaux sans queue ni tête postés sur le net, ils lâchent en août 2014 leur premier projet, intitulé Bien l’bonsoir, entièrement produit par le beatmaker de MicrosillonOscar Motus. Un 9 titres farfelu mêlant multisyllabiques improbables et flows tout à fait décalés. Abordant des thèmes souvent légers, avec toujours un second degré croustillant (comme en témoigne la fable de La Fontaine revisitée pour ouvrir l’EP), les deux rappeurs nous baladent entre le flow montagne russe de Koos-T dont on a l’impression  qu’il inspire en rappant, et celui de Gengis, percutant et grave, parsemé de grosses références de toutes horizons : Agatha Christie, Breaking Bad, Dragon Ball… Rien que ça.

Tout l’univers de ces deux fous s’axe autour d’une doctrine aussi floue que saugrenue: La Grande Souquerie. Quand on demande aux intéressés de nous donner une définition précise de ce que c’est, ils en ont même incapable. Entourée de mystère, cette idéologie est pourtant le fil d’Arianne de deux rappeurs dont la consommation de cannabis a exacerbé la créativité, le second degré, et l’envie de kicker toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus fort.

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