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[Live report] JP Manova et le Klub des Loosers au Canal 93

Le vendredi 3 novembre, le festival Terre(s) Hip Hop a accueilli son premier concert de 2017 avec JP Manova et le Klub des Loosers au Canal 93 de Bobigny, une salle de concert assez récente à l’origine du projet et dont l’acoustique n’aura pas fait de déçus.

Il est 21h, et JP Manova monte sur scène accompagné d’un DJ, d’un batteur et d’un claviériste, visiblement prêt à en découdre avec l’innocent micro sous les yeux d’un public consentant, voire complice. Car très vite, et après quelques morceaux comme Pour la musique s’il vous plaît et un solo de synthé, le rappeur de l’ombre a entamé avec ses spectateurs un dialogue qui allait se poursuivre jusqu’à la fin du show, fait de plaisanteries pleines de tendresse et de discours plus sérieux sur des thèmes chers au MC. Ainsi lorsque JP cesse de rapper au début du deuxième couplet de Sankara, manifestement sujet à un petit trou de mémoire, c’est toute la salle qui l’encourage dans ce moment légitimement gênant, le poussant à reprendre le micro jusqu’à la fin, augmentée des scratchs d’un DJ hargneux.

Quoiqu’il n’ait qu’un seul véritable projet solo à son actif, JP Manova est riche d’une longue carrière qui offre à sa setlist l’atout de l’inattendu – c’est ce qui s’est passé lorsque Marc Nammour de La Canaille a débarqué sur scène pour interpréter son featuring avec l’artiste de l’heure : Du bruit, morceau bien nommé si on tient compte de ses effets sur le volume sonore de la salle. A l’inverse, JP choisit d’interpréter lui-même le couplet de Deen Burbigo dans leur featuring La fonte des glaces.

Les instrumentistes ont tous eu leur moment, notamment lors d’un freestyle sur percussions « agrémentées » et à la toute fin du concert, lorsque le morceau Longueur d’ondes s’est achevé sur un solo de batterie et des scratchs enflammés. Ce dernier épithète pourrait d’ailleurs s’appliquer à l’intégralité du passage de JP Manova, qui s’est donné à fond pour un public dont il a lui-même dit en plaisantant qu’il était là « pour le Klub des Loosers ».

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Le Chat et autres histoires : c’est le nom de l’album délivré par le groupe de Fuzati moins de trois semaines auparavant. On aurait donc pu s’attendre à une setlist de présentation dédiée au projet – il n’en fut rien, et ce sont bien les classiques de Vive la vie et les puissants morceaux de La fin de l’espèce qui reçurent la priorité ce soir-là. Mais après une petite demi-heure de pause, c’est bien sur la Préface du dernier album que s’est ouvert le concert du Klub des Loosers, désormais composé de Fuzati, d’un batteur, d’un claviériste, d’un guitariste et d’un bassiste : une formule 100% live band, sans DJ, dont l’arrangement efficace et inspiré a rendu honneur aux compositions musicales du Klub.

Après un Depuis que j’étais enfant évoquant immanquablement les premières heures de Fuzati, celui-ci a vite demandé à l’ingénieur du son, avec l’opinion d’un public qui jouait sa vie, d’augmenter le volume de sa voix, comme il le fait souvent lors de ses concerts dont le premier intérêt ne semble pas résider pour lui dans l’intensité de la basse. Ceux qui l’ont déjà vu en live savent d’ailleurs que le décalage de la persona pessimiste et misanthrope de Fuzati avec l’artiste sur scène a de quoi étonner : tantôt blagueur, tantôt clasheur, toujours joueur, le rappeur de Versailles n’a montré envers son public que sympathie et humour, auxquels ce dernier a répondu par un enthousiasme frénétique du début à la fin, participant aux morceaux qu’on le lui demande ou non.

Du dernier album, on a encore eu droit à Sports d’hiver et Le chat ; mais ce sont bien les morceaux de La fin de l’espèce qui furent mis en avant, du point de vue du nombre comme du travail musical, étant ceux bénéficiant des arrangements les plus audacieux, avec des ajouts instrumentaux bienvenus témoignant d’un effort peu commun en rap français de mise en avant des musiciens (le batteur, Hadrien, a d’ailleurs été l’objet d’un culte étrange de la part du public). Ainsi de L’indien, qui s’est achevé sur une longue phase instrumentale et un solo de guitare électrique plein de distorsions mené par un guitariste de talent, Volutes, avec un refrain lui aussi dirigé par une guitare distordue, ou encore La fin de l’espèce, qui s’est vu doté d’une outro au clavier alignée avec la tonalité tragique du morceau.

Car malgré le feu qui animait l’assistance, l’ambiance voulue par Fuzati était visiblement planante et fédératrice, et quoiqu’on se souviendra de l’effet produit par les morceaux Sinok et Baise les gens sur le public et JP Manova (qui est monté sur scène baiser les gens lui aussi), l’objectif fut peu ou prou atteint. Sous le signe du V, De l’amour à la haine et le dernier morceau, un Destin d’hymen enrichi d’une outro instrumentale, se sont chargés d’unir l’audience dans des psalmodies pathétiques, obsédantes et une atmosphère presque rituelle.

Rendez-vous réussi pour Terre(s) Hip Hop et le Canal 93 : deux concerts de qualité, une heure chacun et un public rassasié à la sortie, les oreilles pleines de rap et d’instruments. D’autres dates sont prévues et disponibles au même endroit jusqu’au 19 novembre – ainsi de Médine et Gros Mo, qui y plieront des nuques le 18 novembre.

Crédit photo : Canal 93

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