Live report

[Live Report] Chroniques de Mars II + Biffmaker Party

 

Chroniques de Mars II – Vendredi 29/08

Photo: Jibé
Photo: Jibé

Le lendemain, sous la chaleur étouffante et moite du Vieux-Port, on se dirige vers la mer. Direction le MUCEM, le Musée flambant neuf de la capitale de la culture 2013, pour une série de tables rondes et de performances sous le signe du double H, le tout sous la présidence d’honneur d’Imhotep.

Tout commence sur la terrasse perchée où, entre les tables de bar, les transats à disposition du public et les interstices des murs extérieurs, se dressent de gigantesques ghettos-blasters en carton. Mis au point par Le Bijoutier, artiste local, les machines à son géantes posent un décor définitivement old-school. L’une envoie du son, un vrai diffuseur caché en son antre, l’autre se fait gentiment bombé par le graffeur Abel, rendant largement hommage à l’époque que ces boites à bruit représentent. Le public se dirige alors vers le sous-sol, où se situe l’auditorium, pour le lancement de l’événement.

Après une brève introduction pendant laquelle Philippe Subrini, Julien Valnet et DJ Rebel nous souhaitent la bienvenue et énoncent le programme, nous plongeons de plain-pied dans le son. DJ Rebel se saisit de ses platines et convoque un groupe de danseurs marseillais nommé Les Misérables. Les scratchs s’enchaînent sur des airs de musique classique, de salsa, de funk ou de boom-bap, et les corps des jeunes breakeurs se déhanchent et voltigent dans tous les sens. Une petite demi-heure de performance, puis le DJ reprend le micro, expliquant sa volonté d’imposer la danse au lancement de l’événement, tant cette discipline fut importante dans les débuts du mouvement.

Petite pause, le temps que les fauteuils se mettent en place et que les intervenants arrivent, puis on se rassoit tranquillement devant le parterre de personnalités qui vont débattre autour de l’histoire du Hip-hop pour cette première table ronde. Olivier Cachin dans le rôle de l’arbitre-animateur, entouré par le mythique Jo Corbeau du Massilia Sound System, DJ Rebel évidemment, Sheyenne Gamboa, journaliste spécialisée, Vincent Piolet, universitaire, Mic Flow, beatboxer et enfin Jean-Pierre Filiu, universitaire spécialiste de l’histoire du Moyen-Orient.

C’est Olivier Cachin qui lance le débat avec une anecdote sur un jeune rappeur qui révélait à un ami du journaliste qu’il ne connaissait pas Public Ennemy. Le ton est donné, les cheveux gris poussent à vue d’œil sur les crânes quarantenaires d’une partie du public et la discussion commence sur la danse, à l’origine du mouvement Hip-hop, malheureusement délaissée par les historiens du mouv’. On sent à la fois amertume et envie dans les propos de Sheyenne Gamboa, qui n’a eu de cesse dans sa carrière de documenter et rendre visible la danse hip-hop.

Puis Jo Corbeau, arrivé en retard, se lance dans un laïus poétique sur les origines du hip-hop à travers le reggae et ses figures, de U-Roy à KRS-One. On applaudit la ferveur du vieux toaster, puis c’est Vincent Piollet qui expose le fruit de ses recherches (son livre Regarde La Jeunesse Dans Les Yeux en est le manifeste), expliquant que le hip-hop a pu s’installer si bien à Marseille à travers la brèche culturelle des enfants d’immigrés, tiraillés entre les racines et un destin parfois bien sombre. La discussion se poursuit alors sur les origines du rap et du hip-hop et la surexposition du rap dans le mouvement, de la main-mise parisienne ou de l’exception marseillaise. Le débat s’attarde sur des sujets traités déjà par de nombreux ouvrages et articles, jusqu’à ce qu’on laisse la parole au professeur Filiu, qui vient nous parler du rap palestinien. Expliquant que le rap a pénétré la région par l’entremise de Tupac, référence commune aux Mcs de Gaza, la scène palestinienne s’est développée en décalage mais finalement dans le même esprit de subversion et d’engagement que la scène française.

Le public pose alors ses questions, ramenant le débat autour des racines des disciplines ou des rivalités géographiques, encore. Finalement la fin arrive, avec un sentiment d’inachevé, comme si le sujet n’avait été que survolé, du moins si l’on s’y est intéressé auparavant. Le public néophyte aura peut-être la satisfaction d’avoir élargi sa vision du mouvement, de notre côté, on regrettera le manque de fond et l’absence totale de lien avec l’actualité rapologique.

La journée s’achève sur une performance musicale dans le forum du Musée. Le groupe marocain Shayfeen vient se produire pour la première en France sur invitation du Mucem et vient déclamer un rap en arabe aux influences diverses, avec des morceaux purement boom-bap et d’autres plus actuels. La vibe est bonne mais le public timide reste scotché au confortable mobilier. Les artistes posent avec envie et détermination, expliquant leur démarches entre chaque morceaux, puis laissent le micro au bout d’une petite heure.
C’est le MC local MOH qui viendra animer l’heure suivante, avec un open mic voyant défiler différents kickers locaux, dans une bonne humeur palpable et un état d’esprit positif. Philippe Subrini remercie alors les artistes, les intervenants et le public et donne rendez-vous à tout le monde le lendemain, mettant fin à cette première journée des Chroniques.

 

À proposJibé

Amateur de snares qui claquent et de kicks qui portent, j'aime les freestyles à base de kalash et de double-time.

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