Chroniques Live report

[Live Report] Hyacinthe : La nuit, une étoile.

Le jeudi 31 mai, Hyacinthe donnait un concert au Théâtre des Étoiles, salle de concert branchée parisienne en activité depuis 2015. L’occasion de découvrir un artiste en plein développement de son univers artistique et de son jeu de scène, présentant un show réussi, abouti, rempli de lumières et d’obscurité, d’énergie et de tristesse. Retour sur un concert qui, peut-être encore plus que son premier album, Sarah, a montré la véritable mutation artistique qu’est en train de vivre Hyacinthe, de la chambre d’ado vers la scène de théâtre : une mutation encore inachevée, mais prometteuse.

Car oui, c’était bien dans un théâtre que se produisait Hyacinthe ce soir, et pas n’importe laquelle : celui des Étoiles. Tout le dernier album de l’artiste issu du crew DFH DGB, intitulé Sarah, est traversé de lumières sombres, de nuit superficielle, à l’image de celle mise en scène sur la pochette du projet. La nuit américaine. Celle où les « étoiles sont des actrices » (Sarah), où « elles se maquillent, juste pour nous » (La nuit les étoiles). Alors, quoi de plus logique, que de se produire dans un théâtre (lieu du jeu et de la mise en scène) placé sous le signe de ces étoiles, projetées artificiellement au plafond par les projecteurs. Hyacinthe rentre capuché, de dos, théâtral, interprétant une chanson d’acteur, James Dean. Les projecteurs se braquent. Les étoiles de la salle, « la lumière d’Internet » (Saint-Hyacinthe), tenues par les spectateurs, filmant et photographiant Hyahya, s’allument. « A défaut des étoiles, j’reste connecté à Facebook » (Petite Biatch en sucre).

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Les lumières encadrent Hyacinthe, dans une scénographie très aboutie. Tout au long du show, un véritable jeu de lumière impressionnant met en valeur Saint-Hyacinthe, qui n’hésite pas à prendre des positions christiques, les bras écartés, idole souffrante. Plus qu’un jeu de scène, le rappeur parisien développe des chorégraphies, impressionnantes et travaillées, à la croisée des flux de lumières. Hyacinthe est seul sur scène, n’hésite pas à faire apparaître sa fatigue et son corps. La nudité dans laquelle il apparaît n’a d’égal que la théâtralité et la mise en scène de laquelle il se vêt.

Autotune réglé à fond – mais qui ne masque pas son grain de voix, Hyacinthe élève haut le ton haut, très haut dans « le ciel couleur rouge à lèvres » (Melancholia), avec des vocalises étonnantes, n’hésitant pas à tutoyer les astres. Si L.O.A.S le rejoint pour quelques titres sur scènes, Hyacinthe s’assume désormais pleinement comme artiste solo. Arrête d’être triste, James Dean, Sarah,… Ses chansons lentes et mélancoliques de « garçon triste [qui] ne sourit jamais » (Ventoline #1) sont archi-majoritaires dans la première moitié du set, loin des cris rageurs de sa chambre d’ado.

huohuo

Des chorégraphies à la voix, des jeux de lumière à la cohérence de la setlist (qui se conclue par le morceau de sa deuxième naissance artistique, Sur Ma Vie), de l’intensité de la performance à sa plume affinée, loin des punchlines à gogo sur sa bite, Hyacinthe semble venir affirmer son identité artistique, nocturne et lumineuse, rêveuse et déprimée, émancipée de celle plus crade et adolescente du crew DFH DGB. Ses deux morceaux inédits, dévoilés lors du concert, viennent affirmer une énergie électronique, plus pop, plus lumineuse, plus accessible peut-être aussi, sans perdre de son exigence musicale.

A la sortie du concert, on se dit que le jeune Hyacinthe a bien grandi. Désormais, il n’a plus peur des étoiles, ni des Étoiles (celles du théâtre). Alors oui, Hyacinthe communique peu avec le public. Oui, les balances étaient faites un peu n’importe comment, et pour un auditeur non-averti les textes peu compréhensibles. Oui, la partie en binôme avec L.O.A.S a brisé la cohérence d’un show solo pleinement assumé. Oui, enfin, on aurait aimé un concert un peu plus long, où Hyacinthe aurait pris davantage le temps de se mettre en salle en poche. Mais quand on voit cette véritable maîtrise du show que le rappeur parisien a atteint, sa capacité à varier les ambiances dans son set également, on se dit qu’il a peut-être la carrure pour enfin les rejoindre, ces étoiles, et lui aussi devenir une star voire une popstar.

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Guillaume Echelard

À proposGuillaume Echelard

Je passe l'essentiel de mon temps à parler de rap, parfois à la fac, parfois ici. Dans tous les cas, ça parle souvent de politique et de rapports sociaux, c'est souvent trop long, mais c'est déjà moins pire que si j'essayais de rapper.

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