Chroniques Live report

[Live Report] Kery James au Bikini

Crédit photo : 6LU 

21h40. Après 15 minutes d’attente – rendues dérisoires par une première partie généreuse et enlevée des Fils de Plume, comme à leur habitude -, entrée martiale du MC d’Orly sur son classique Le retour du rap Français. Ce fut l’occasion d’admirer un Kery virevoltant et affûté, en peignoir de boxeur en guise d’ultime hommage au regretté Mohammed Ali, prêt à en découdre avec ses contempteurs de toujours. Entrée fracassante qui laissait présager un concert marquant et d’excellente facture.

Kery Bikini 4

Concert qu’inaugura son futur classique Mohammed Alix, où un Kery à l’énergie communicative se montrait toujours intraitable et intègre, rappelant qu’il n’est pas seulement un excellent lyriciste et un MC engagé, mais également un excellent interprète et homme de scène. Suivit N’importe quoi, qui, bien que s’apparentant plus à un format radio, fut joué au moment opportun, Kery usant habilement de la gimmick du boxeur invaincu qui toise les majors et leurs compromissions.

Après ce prélude tiré de son dernier album, un frisson vint glacer l’échine du public lorsqu’ont retenti les premières notes de Le combat continue part 3, classique parmi les classiques, où le MC, porté par un public passionné et réceptif, vint nous rappeler la raison première de sa venue : « dès que je rentre dans la cabine ça sent le classique« . Après ce concert magistral, d’aucuns n’oseraient dire présomptueux. Parmi la myriade de sons joués par Kery, on retiendra Deux issues, où l’on retrouve un artiste apaisé et soucieux de faire comprendre à son public les pièges de la délinquance. C’est donc en toute logique que suivit le poignant L’impasse, ou le talent de storytelling et d’interprète ainsi que la justesse du propos vinrent toucher au cœur un public déjà conquis. L’émouvant Y’a pas de couleur interprété avec pudeur témoigna de l’humilité d’un MC, qui ce concert durant, n’a eu cesse d’appeler à l’unité.

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Rappelant ses déboires de jeunesse, Kery a su trouver le bon compromis entre énergie, dynamisme, hardcore et fond conscient, ce qui relève de la prouesse en concert. Après avoir révélé en direct live ses faiblesses et meurtrissures, on le retrouve fédérateur sur J’représente, repris en cœur par une foule concernée : rares moments de communion qui manifestement ravirent le rappeur.  Porté comme toujours par un message plein d’humanité et d’espoir, Kery enchaîna sur un Banlieusards aux allures d’hymne à la réussite et à la droiture, musique qui ravit ses fans de toujours comme d’un soir, peu importe leur origine sociale. « Apprendre, comprendre, entreprendre, même quand on a mal, s’élever, progresser, lutter, même quand on a mal« , sage maxime de celui qui s’est imposé comme un grand artiste populaire d’aujourd’hui. L’Orlysien apostrophant même son public en demandant qui parmi eux venait de banlieue, et qui n’en venait pas, et si ces derniers étaient solidaires des premiers. Public qui s’empressa de répondre par l’affirmative, venant ainsi rappeler que le rap se doit d’être un facteur inspirant d’unité. Grande force du MC que d’avoir su rassembler un large public – et très largement au-delà du simple microcosme du rap français – fidèle et alerte, Kery rappelant même avec humour et modestie qu’il vendait désormais plus en indépendant et sans passer sur Skyrock que lorsqu’il était en maison de disques ! Un beau pied de nez à ceux qui l’ont trop vite enterré : « Kery James ce n’est pas fini« , avait-il prévenu dans Dernier MC. Ce concert en était la splendide démonstration…

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Après l’introspection, place à la fougue : le refrain Je suis Mafia K’1 Fry fut repris en chœur par un public aux anges, qui connaissait ses classiques et ne demandait qu’à exulter. Frissons garantis lorsque l’Orlysien interpréta avec vigueur et énergie le légendaire Hardcore, attendu avec impatience, morceau qu’il refusait de jouer en concert jusqu’à encore très récemment. Morceau indémodable dont les paroles n’ont jamais été aussi pertinentes, morceau référence qui était sur toutes les lèvres dès la toute fin de la première partie, et qui s’annonçait comme le point culminant d’une soirée mémorable. Et puis, en bon amateur de rap français, jamais on ne boude notre plaisir lorsqu’il s’agit de scander Hardcore jusqu’a la mort. Un Kery qui portait fièrement les couleurs de la Mafia K’1 Fry, fier et trop conscient de son parcours pour passer sous silence cette période féconde de sa carrière artistique, représentant encore et toujours avec fierté et honneur son département natal et tout les quartiers de France. Dévouement que son public lui rend bien, en témoigne un Bikini absolument habité… Ce Mohammed Alix tour se voulait aussi ludique, et Kery et son équipe, visiblement survoltés par l’enthousiasme généralisé dans la salle, se lancèrent dans des interactions avec le public, interludes assez physiques (à la base j’étais juste venu pour exulter sur « le retour du rap français » …). Très attendu, Musique nègre sonnait comme une réponse virile à ceux qui considèrent le rap comme une sous-culture (fort heureusement ceux-ci se réduisent comme peau de chagrin), une véritable démonstration de force, dans la lignée du dernier album, symbole d’un Kery venu en paix, mais déterminé à rendre les coups. Suivi Vivre et mourir ensemble, en guise de réponse aux apologètes de la guerre civile : gageons que les oreilles d’un certain polémiste que nous nous épargnerons de citer ont du siffler.

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Vint en conclusion de ce récital un Racailles au refrain scandé par la foule, sur fond de fronde et d’insoumission à une classe politique méprisante et authentiquement délinquante, morceau porté par l’énergie et la présence de Kery, qui s’est même fendu d’une allocution pleine de bon-sens et d’humour allant jusqu’à demander si dans la salle certains croyaient les vérités des médias dominants, incitant même ces derniers à sortir de la salle dans le cas échéant ! Rassurez-vous, le Bikini n’a pas désempli.

Magistrale conclusion du MC d’Orly sur J’suis pas un héros, laissant transparaître une humilité latente, pourtant fort de désormais plus de 20 ans de carrière et fort de ses certitudes. Le MC nous rappelant que derrière Kery se terre Alix, entre introspection, retour amer sur son parcours et espérances. Rarement avait on vu pareille communion entre un artiste et son public : émouvant.

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Plus d’une heure et demi de set, prestation d’excellente qualité, audace dans ses choix musicaux, générosité, humilité, Alix Mathurin a rappelé qu’il n’était pas seulement un grand monsieur du rap français, mais également un illustre artiste, toujours animé par la même fougue que lorsqu’il kickait, encore adolescent, à la radio.

En sortant du Bikini, on avait la – trop rare – impression d’avoir assisté à un concert dont on se rappellera avec nostalgie et émotion, tant Kery semblait déjà avoir mis le public KO technique dès l’entame du sixième round… Un grand merci à l’éternel champion en titre.

 

Remerciements à (la belle) Amelle de m’avoir accompagné lors de ce concert, à Lucie pour son report photo et évidemment à Kery pour sa prestation de très haute voltige.

À proposMehdi Brochet

Grenoblois d'origine aux goûts éclectiques, j'aurais voulu kicker la prod' armés de mon seul mic' et incontournable bonnet noir, mais à défaut de flow, je me suis réfugié au fin fond d'une contrée à guetter la fin de l'espèce. Ou plutôt le monde depuis ma fenêtre sur rue. Mea Culpa, après 10 ans d'écoute passionnée de Rap français, on ne sait plus trop où on en est.

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