Nouvelle star en puissance du rap français, on était curieux de savoir ce que donnerait un artiste comme Laylow sur scène. Et on n’a pas été déçu.
Ça fait un petit moment maintenant que Laylow commence à faire parler de lui. Depuis 2016 et la sortie de son premier EP solo Mercy, projet sur lequel on trouve notamment Di-meh et Sneazzy en featuring, ainsi que le morceau 10’, premier “tube” du rappeur toulousain (+ de 2 millions de vues sur Youtube au moment d’écrire ces lignes), le digitalover a sû imposer son nom dans le paysage rapologique français grâce à son univers singulier, fait de lyrics mélancoliques, de voix autotunées, et d’instrumentales expérimentales. Une formule qu’il va affiner au fur et à mesure des projets (4 en 3 ans), jusqu’à arriver à .RAW-Z en fin d’année dernière, opus qu’il considère lui-même comme “le plus abouti et le plus sincère” de ses projets solos. Mystérieux et introverti, Laylow a décidé de sortir de sa grotte TBMA, l’équipe de beatmakers et de vidéastes à qui l’on doit son enrobage musical et visuel, pour venir partager son spleen digital avec ses fans partout en France par l’intermédiaire d’une tournée, sobrement intitulée le Z-Tour. On était à sa première date à la Rock School Barbey à Bordeaux. On vous raconte.
Premier constat en arrivant devant les portes de la Rock School Barbey : la moyenne d’âge, qui ne dépasse pas les 22 ans. Une question nous vient alors directement : sommes-nous trop vieux pour écouter ce genre d’artiste ? Heureusement, deux darons aperçus au loin, environ 50 piges, nous font pousser un ouf de soulagement. Après un petit moment d’attente, on pénètre pour la première fois dans la Rock School Barbey. Et tout de suite, le contraste avec le Rocher de Palmer et l’Arkéa Arena, les deux autres grosses salles de concert de Bordeaux, est saisissant : inaugurée en 1988, la Rock School fait figure de vieille dame comparée aux deux autres, qui sont sorties de terre il y a 10 ans pour la première, et il y a tout juste 1 an pour la deuxième. Et ça se voit : décors vieillots, tags aux murs, on sent que la salle a du vécu, et que de la sueur et de la bière ont coulé au cours de ses 30 ans d’existence, elle qui a vu des groupes mythique comme Placebo, The White Stripes ou plus récemment Orelsan venir jouer sur sa scène.
Il est 21h, et le concert commence. C’est un duo de DJ bordelais composé de YunG $hade et de Trvfford qui ouvre le bal. Chargés de chauffer le public, ils remplissent parfaitement leur mission à coups de banger trap (Zola, Koba la D et 13 Block ont particulièrement émoustillé la salle). Puis vers 21h30, c’est au tour de la première partie de débarquer sur scène, pour un show d’environ 3/4 d’heure durant lequel REO, O’mara et d’autres artistes du label bordelais Birdhouse Music vont continuer à faire peu à peu monter la pression avec un bon melting-pot de titres tantôt banger trap, tantôt rap boom-bap plus classique et plus intimistes. Mais alors qu’au bout de cette première partie un poil longue, on pensait enfin voir apparaître Laylow, à 22h30, ce sont les deux DJ bordelais qui viennent rejouer des morceaux. “Peut-être qu’il est trop bourré pour monter sur scène” lâche en rigolant un des deux darons aperçu à l’entrée, qui sont venus s’asseoir à côté de nous. Le rappeur toulousain va-t-il nous faire une Guizmo, lui qui est arrivé avec 40 minutes de retard et complètement foncedé la semaine dernière dans la même salle ?
Finalement, Laylow aura battu Guizmo en arrivant avec 45 minutes de retard. Mais pour ce qui est de la défonce, on est clairement sur autre chose : en débarquant sur scène de façon hyper énergique sur le son de Hello .RAW-Z, le prince de sang-mêlée montre qu’il n’est pas ici pour blaguer. S’en est suivit un show de 45 minutes mené tambour battant, sans pratiquement aucune pause, ni aucune interaction avec le public, si ce n’est pour le remercier d’être là. L’ancien acolyte de Sir’klo montre clairement qu’il n’est pas là pour faire des blagues entre 2 morceaux. Son concert est à l’image de sa musique : organique, sincère, et sans concession. Sur scène (qu’il tient, et c’est à noter, tout seul, là où la plupart des rappeurs font appel à un backeur pour les épauler), un mur de faisceaux rouges est chargé de retranscrire l’aspect futuriste de son univers. Pour le reste, l’énergie de ses morceaux et les jeux de lumière suffisent à transcender une foule clairement acquise à sa cause. “Il me fait penser à Chris Prolls dans le film Fatal” me glisse un peu circonspect un des deux darons, qui nous révélera par la suite qu’il est en réalité venu ici uniquement pour voir le fils son pote en première partie (ce qui confirme notre appréhension du début : avec nos 27 ans, on était sans doute un des plus vieux dans la salle). On aurait pu lui répondre qu’il est vrai qu’aux premiers abords, la musique de Laylow peut paraître étrange, voir difficile d’accès ; mais une fois que l’on est rentré dans son univers, elle devient entêtante, et qu’on se met à écouter certains morceaux jusqu’à l’overdose. Et à l’image de ces rappeurs aux musiques si singulières tels que PNL ou Triplego, le rap plus “classique” devient alors fade, dénué d’intérêt. On aurait pu aussi lui dire que des phrases comme “quand tu me laisses, je me sens seul à la mort” du très beau morceau de rupture qu’est Vent de l’Est, ça parle à tout le monde, peu importe la musique et comment c’est dit.
Au bout de 3/4 d’heures donc, au cours desquels on aura entendu ses plus gros morceaux (10’, Ciudad, Maladresse, Vent de l’est…), Laylow quitte la scène, et revient quelques instants plus tard habillé d’une veste blanche. Les faisceaux rouges se concentre alors sur lui, et il se met à interpréter le très introspectif Swish, le dernier morceau de son dernier EP. À la fin du titre, les lumières du show s’éteignent, un dernier “merci Bordeaux” se fait entendre, et les lumières de la salle indiquant que le show est fini s’allument. Alors que quelques spectateurs demandent un dernier morceau, aucun rappel n’aura lieu. À l’image de l’équipe de France face à la Moldavie la veille (victoire 4-1), Laylow aura donc plié le match en une mi-temps, sans avoir besoin prolongation. En même temps, il nous avait prévenu dans Z-machine : c’est un numéro 10, pas un récupérateur.