Chroniques Live report

[Live Report] Marseille Music Experience

Chez LREF, on est des gens sérieux. Si, si c’est vrai, malgré ce que pourrait laisser penser cette rentrée plutôt tranquille côté publications, on est des gens sérieux. Alors quand on nous dit que JJ & Caba, Kemmler, Lorenzo, le S-Crew, Djel, Pone, Cut Killer et Don Choa sont en festival à Marseille : on y va. Même si c’est en plein air, qu’il fait froid et qu’il pleut, on met notre K-Way et on y va.

Alors tout d’abord c’est quoi, le MMX ? Eh bien c’est un petit festival Marseillais bien sympathique, venu opportunément prendre le spot de rentrée laissé libre par le désormais célèbre Marsatac décalé au début de l’été. Pour cette première édition, on s’amène sur l’esplanade du J4, sous le patronage de la cathédrale de la Major, entre la rade et l’élégante dentelle de béton du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Un espace assez réduit donc, qui accueille deux scènes juste assez espacées pour qu’on entende pas trop le son de l’autre. Du coup : Live Report.

JeanJass & Caballero.

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Premiers artistes de rap francophones à passer sur la scène, JJ & Caba accompagnés d’Eskondo ne sont pas venus pour plaisanter. Franchement, les mecs assurent en live (si vous ne les avez pas encore vu, claquez votre PEL pour vous acheter une place de concert, ça vaut le coup !) et délivrent une performance soignée, sous la pluie à un public de connaisseurs. Le public marseillais est parmi les plus chaud de France, on le sait, et ni la bruine ni la présence visible de la police nationale n’empêche qui que ce soit d’allumer son pétard en bousculant joyeusement ses voisins. Les deux belges testent les connaissances lyricales de la foule sur des morceaux de Double Hélice 1 et 2, organisent un petit wall of death sur FDP et un pogo avant d’entamer Un endroit sûr à la grande surprise de la foule. Dans un concert court (à peine 45 minutes laissées aux deux belges) un petit groupe de barbus profite des pauses entre deux morceaux pour lâcher quelques freestyles de leurs crus sur les instrus qui continuent à tourner, tandis que deux jeunes garçons ne dépassant probablement pas les 13 ans d’âge se frayent un chemin dans la foule. C’est un joyeux bordel, probablement ce que les marseillais savent faire de mieux. On sort du concert ravi, et on se dirige vers le main stage, où Kemmler ne va pas tarder à commencer.

Kemmler.

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Kemmler sur le mainstage, Caba & JeanJass sur la petite scène… Le line-up n’aura pas été le point fort du MMX, qui (nous y reviendront par la suite) aligne également Lorenzo directement face à S-Crew alors que la moitié du public est venu pour ces deux concerts exclusivement. Kemmler, pour ceux qui ne connaissent pas (il était un illustre inconnu pour l’auteur de ces lignes jusqu’à vendredi 15 septembre 22h40) est un rappeur marseillais qui monte. Malgré quelques jolis succès en terme de nombre de vues sur Facebook (C’est l’heure, notamment), il semblait être encore relativement inconnu pour le public présent. Foule clairsemée, énergie dans les chaussettes, le rappeur ne se prive pas de le faire remarquer. « Marseille ça va pas ! Vous êtes méga mous ! » lance t-il à la foule qui franchement, n’a pas l’air de se sentir concernée. Kemmler fait contre mauvaise fortune bon cœur, et poursuit le show malgré tout, pour les quelques inconditionnels venus acclamer leur champion. Dans les têtes, la prestation à venir des deux poids lourds de la soirée.

Lorenzo vs. Le S-Crew.

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Les voilà. Ceux que tout le monde attendait. A ma droite, sur le mainstage de l’esplanade du J4, Le S-Crew et le champion catégorie poids lourd du rap français, Nekfeu. A ma gauche, l’outsider, le rookie de l’année (dernière), le pétulant Lorenzo ! Les premiers sont bookés pour un show d’une heure et demi, le second pour un show d’une heure quinze, les deux débutant à une demi-heure d’intervalle, il va falloir faire un choix. On choisit L’Empereur du sale DIRECT. La fameuse scénographie de devanture de Kebab (à 6.50€ le burger, Lorenzo ouvre le snack le plus cher de Marseille le temps de son concert) est là. L’empereur aussi, accompagné bien entendu du Poto Rico dont c’était l’anniversaire (il aura droit à sa chanson et à son cadeau : un cygne gonflable pour rider la foule) et du bro Yro de Columbine, venu backer l’empereur. Lorenzo est fidèle à lui même : bob Game Boy Color, maillot de foot seapunk floqué Végéta et pantalon de survêt PSG-OM que le monde entier lui envie. A partir de là, plus rien ne l’arrête. Le public (dont une partie arbore le cheveux teint dégueulasse et le bob fantaisie comme son idole) réagit au quart de tour. « J’suis choqué, c’est la première fois que je vois un pogo sur Beurette de Luxe mamène » s’étonnera Lolo après que la foule se soit déchainée sur son morceau le plus love.

Puis, l’Empereur du sale lance le premier Freestyle du sale d’une longue série, après avoir réglé son compte aux Sale Babos de Merde, et c’est le moment que nous choisissons pour aller voir le S-Crew. En sortant de la foule, on aperçoit le seul type du festival à être venu en sarouel et qui vient d’en prendre pour son grade. On glousse en le dépassant, et on s’amène au main stage.

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Le concert du S-Crew a drainé un public différent. Première différence notable, toutes les filles avec du maquillage sont là. Les autres (et il y en a pas mal) sont au concert d’en face. En se frayant un chemin dans la foule compacte, on entend un gars l’air blasé : « Téma, rien que ça filme Nekfeu ici« . Deux jeunes filles bien pomponnées, leur iPhone brandi vers leur idole se retournent vers lui et lui lancent un regard chargé de haine. On glousse encore, et on observe le reste. Ici, l’ambiance est moins électrique. Le S-Crew, que Doum’s est venu renforcer pour l’occasion, joue devant un public plus docile que réactif, et pour nous, le décrochage est brutal. Se réadapter à un rap travaillé aux accents conscients demande un véritable travail sur soi après avoir pogoté sur Fume à fond. Le S-Crew libère par ailleurs moins d’énergie sur scène. Le groupe parisien en hoodies et bombers noirs estampillé Seine Zoo a opté pour un show à la N.W.A tel qu’on peut les voir dans Straight Outta Compton. C’est propre, léché, et ça fait le travail pour la foule qui malgré tout, ne peut pas rapper en coeur les multisyllabiques monstrueuses de 2-Zer, Framal et Mehkra. On prend quelques photos, on se détend sur J’aurais pas dû, mais au final, on retourne voir Lorenzo… qui entame son troisième (ou quatrième ?) Freestyle du sale d’affilée. « On a pas assez de sons pour faire un concert, on est obligé de les rejouer » avoue Lorenzo avant de se lancer dans son deuxième Fume à fond, qui sera suivi d’un nouveau Freestyle du sale. Le public s’en fout, il backera l’Empereur à chaque fois.

Soudain, le concert du S-Crew s’achève. On assiste alors à une ruée (façon troupeaux de gnous dans Le Roi Lion, vous voyez ?) vers celui de Lorenzo. Les jeunes filles maquillées sont en première ligne, mais elles n’assisteront qu’à quelques minutes de concert, Lorenzo finissant avant l’horaire prévu, après avoir balancé le cygne gonflable dans la foule. Au moins, elles pourront dire qu’elles y étaient, contrairement au reste du public du S-Crew qui filera directement vers la sortie du festival. Parmi ceux qui restent, un type visiblement éméché poursuit ses potes en leur demandant « Bon c’est quand IAM ?!« .

Djel & Don Choa.

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Lorsque DJ Djel lance ses premiers scratchs, le festival s’est déjà bien vidé. Un bon tiers du public présent pour les deux poids lourds de la soirée a quitté les lieux. Ça tombe bien, on va pouvoir danser. Après un rapide tour au mainstage où Pone et Cut Killer débutent leur show sur Niggas in Paris, on fait le choix de coller aux fondamentaux et d’aller écouter le dernier vrai concert de rap de la soirée. Don Choa est là, dans sa ville, avec son poto Menzo, et ça va être chaud. Le plus marseillais des toulousains n’a rien perdu de sa fougue d’antan, et cela fait plaisir à voir. Et puis, ceux qui ont raté la Fonky Family à Marsatac quelques mois plus tôt ont droit à une sessions de rattrapage avec un medley de ses couplets les plus célèbres que tout le monde connait par cœur, et aux classiques d’IAM que tout le monde rappe aussi. « On est chez nous ! » rappelle Don Cho’.

Le p’tit gars sans gêne mènera son concert tambour battant, sans baisse de régime devant un public acquis à sa cause qui connait (presque) tous les sons de son nouveau projet sobrement intitulé Don Choa, mais qui surtout, se rappelle des classiques de Vapeurs Toxiques. Au milieu de ce moment de communion, Troisième Oeil fait son apparition, dignement accueilli. Avec Boss One et Mombi, Faf Larage et K-Meleon (La Méthode) assurent l’animation toujours emmené par la musique du Diamond Cutter. Et puis, Don Choa dit au revoir, et laisse la scène à Djel et K-Meleon.

A partir de là, un phénomène étrange se produit. Djel, décidément décider à s’amuser, quitte les sentiers du hip-hop « à l’ancienne » pour balancer Niggas in Paris, puis Can’t Hold Us, sur lequel se déclenche un pogo (oui, un pogo sur du Macklemore, vous êtes bien à Marseille) au cours duquel on assiste à un vol plané spectaculaire avec reception sur les avants bras, d’un type ayant reçu un coup d’épaule administré par une jeune fille faisant une tête de moins que lui. Alors que le gars se relève en essayant d’avoir l’air cool (alors que son regard trahit la souffrance et l’humiliation), K-Meleon pull-up le son de Djel pour haranguer la foule. « La dernière fois, on jouait dans un village ! Ils étaient DIX !! Et ils faisaient plus de bordel que vous !! »
A ce moment là, nous préférons quitter les lieux, car décidément, tout cela devient un peu trop surréaliste (et il est trois heures du matin).

Voilà ! C’était le MMX, et très franchement, on s’est bien amusé. On reviendra sans doute l’année prochaine, et si vous passez dans le coin à ce moment là, on ne saurait que trop vous conseiller d’en faire de même !

 

Jacques Bonoberje

À proposJacques Bonoberje

J'ai découvert le rap français au Tegzas. Absolument.

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