Octobre 2017, vendredi 13, Phare de Tournefeuille. Premier soir de la première édition du Week-End Hip Hop à Toulouse, organisé par Le Phare et Le Metronum, et c’est pas moins de cinq shows différents qui nous attendent aujourd’hui.
En début de soirée se produit Lombre, jeune artiste de 20 ans originaire de Rodez. Il est encore tôt et la salle située à 8 kilomètres de Toulouse est loin d’être pleine. L’occupant de la scène s’en donne néanmoins à coeur joie et scande ses textes sans se démonter. Le public est peu réceptif mais nous n’en sommes qu’au début.
Arrive ensuite Gracy Hopkins, rappeur parisien aux origines multiples, il chante aussi bien en anglais qu’en français et dans sa musique se mélangent les sonorités de plusieurs continents. Sur scène, Gracy Hopkins danse au rythme des instrumentales mélodieuses en assénant ses paroles avec la fougue d’un rappeur américain, notamment lors du titre Too lazy to Finish, présent dans la récente mixtape de The Alchemist «Paris L.A BXL» sur laquelle on retrouve aussi un parisien et certains Belges que nous verrons bien assez tôt… Ca danse dans la foule jusqu’à ce qu’un maximum de bruit soit demandé pour les prochains à entrer en lice, ceux pour qui la plupart des gens sont venus au Phare ce soir : Jazzy Bazz, Caballero & JeanJass, Seth Gueko.
Après un quart d’heure de pause durant lequel on constate que le coin fumeur est bondé et bien aromatisé, la salle de concert commence à se remplir pour accueillir l’homme que l’on nomme Jazzy Bazz, duo de la Cool Connexion, membre éminent de Grande Ville, vétéran de L’Entourage. Accompagné de son ami Esso Luxueux, qui, pendant quelques secondes de trouble, est confondu avec Deen Burbigo, Jazzy Bazz commence à débiter ses textes fins et ciselés.
Dans son survêt’ adidas noir et or, sous une casquette et un jeu de lumière réussi, il marche de long en large en faisant des signes caractéristiques de rappeurs : trois doigts repliés, pouce et index tendus qui s’agitent au bout du bras. L’ambiance commence à être vraiment hip-hop mais de manière calme, les gens du fond bougent la tête tandis que ceux de devant chantent par coeur sur du bon son pour Rouler la Nuit, les filles auront tôt fait de remarquer le «petit boul musclé» du rappeur.
Le moment est alors jugé opportun pour se mettre à parler foot. « Y’en a qui aiment le football ici ?! » Il ne s’agit pas d’un débat virulent à propos de l’affaire de corruption pour l’obtention des droits de la prochaine coupe du monde, mais bien de l’excellent morceau Ultra Parisien, ode au club du PSG et à la passion du football. On est pas dans Hooligans mais c’est sur ce son qu’a lieu le premier pogo de la soirée, le public toulousain sautant naturellement sur le refrain « Rendez nous le Parc rendez-rendez nous le Parc ».
A ce stade là, la salle est à moitié pleine, Jazzy Bazz enchaîne avec quelques autre sons comme 3h33 ou le magnifique Trompes de Fallope et l’ambiance se pose un peu, ce qui est loin d’être négatif car Jazzy Bazz a un certain charisme sur scène et il interprête parfaitement les sons tirés de son album P-Town bien que ces derniers soient calmes, posés, portés sur la technique et sur la science des mots et de la rime. Jazzy Bazz apporte avec lui une vraie vibe parisienne qui se ressent au travers de ses morceaux et de sa prestance. Esso, qui faisait office de backeur joue un de ses propres morceaux, et on a aussi l’occasion d’entendre un son de la Cool Connexion où les deux MC’s rappent en passe-passe. Il faut préciser que deux musiciens les accompagnent sur scène, un guitariste et un batteur qui joueront un duo, ce qui apporte une touche d’originalité bienvenue dans un concert de rap.
Au moment de quitter la scène, Jazzy Bazz est rappelé par le public, ce qui était totalement prévisible car il manquait quelque chose : le Roseau. Le MC aux rimes techniques balance son flow sans aucune bavure et tout le monde apprécie la prestation. C’est propre, soigné, efficace. Tout le monde est content. D’autant plus qu’il continue son show avec le lyrique 64 Mesures de Spleen, a capella, jusqu’à ce que, vers la moitié du morceau, l’instru et les basses se mettent à retentir. Voilà une magnifique manière de quitter la scène du Phare et de laisser la place à Bruxelles.
On ne va pas se mentir, beaucoup de gens sont venus ce soir pour Caballero & JeanJass. Le temps de boire une bière belge au bar, on sent la pression monter à Tournefeuille. Quand le duo arrive et interprête La Base en guise de bonjour, la foule est en liesse. Contrairement à Jazzy Bazz qui est assez tranquille, les compatriotes d’Hergé dansent et sautent sur scène, entraînant les gens avec eux. Une fois le premier morceau fini les deux rappeurs nous saluent et nous demande si nous allons bien «wesh Toulouse bien ou quoi ?». Autant dire que tout va pour le mieux, le public est bouillant et le show peut commencer.
Nous avons donc droit à TMTC, la bière coule sur le sol et la fumée monte au plafond pendant que rappeurs et public chantent en coeur. Ca danse ça saute et on atteint l’apothéose de la soirée. Les Belges sont venus dans le sud plein d’entrain et avec l’intention de nous faire bouger. Tout y passe : Bruxelles arrive (sans Roméo Elvis), On est haut, Yessaï, Repeat… A partir de là il n’est plus question de Belgique, de pétard, de bière ou de je ne sais quoi encore, il est question de pogo. A chaque morceau… que dis-je, à chaque refrain, un cercle se forme dans la foule et les gens se jettent sans scrupules les uns sur les autres. Quelques chutes sont à déplorer mais l’ambiance reste au top car malgré l’egotrip qui résonne dans la salle, on ne ressent aucune animosité. Les deux rappeurs regardent le public le visage ébahi et n’en finissent pas de répéter qu’on est chauds à Toulouse et qu’ils sont ravis d’être ici.
Mais comme ils le disent si bien : ce n’est pas fini. Ils jouent entre autre Sur mon nom, SVP, Merci beaucoup… et ça pogote encore. Tout le monde est enchanté de crier merci en se faisant piétiner, et après un ou deux rappels les Belges quittent la salle en ayant eux aussi dit merci. Si l’on en croit JJ, Caballero a perdu 250 grammes ce soir là.
Après autant de transpiration, la folie et la chaleur retombent un peu, une bonne partie du public quitte les lieux, le reste se dirige vers le coin fumeur, et les vrais barlous attendent de pied ferme devant la scène. Car oui, mesdames et messieurs, d’ici peu arrive le petit fils de Jacques Mess, le Bad Cowboy, le Professeur Punchline,le Farang Seth, Seth Gueko. Un grand étendard Barlou avec le A de Anarchie est installé derrière la scène : Barlou comme le nom de son cinquième album, le dernier en date, sorti en novembre 2016. La salle s’est sensiblement vidée mais le rappeur de Saint-Ouen-l’Aumône débarque comme un soldat, lunettes de soleil et bob Barlou sur la tête, beuglant «Ejaculation !!»
Seth Gueko commence son concert avec Lucille II et une fois le morceau fini il illustre lui-même ses paroles «je baise le monde comme si je faisais des pompes avec une érection». Une dizaine de pompes sur la scène, pour ce qui est de l’érection, on a pas osé aller vérifier. Seth Gueko n’hésite pas à haranguer le public et à faire des blagues plus ou moins grasses, mais bon c’est l’esprit russo-manouche barlou. Pour le morceau C’est pas pareil, Seth en invente de nouvelles, par exemple «un roux ça vole pas ça carotte c’est pas pareil», le public chante sur le refrain et Seth Gueko lance des « Barlou ! » à tout va, repris en choeur par les spectateurs de cette débauche lyricale. Seth nous régale avec le morceau éponyme de l’album Barlou pour lequel il déploie une force d’interprétation sauvage. Le concert continue avec des classiques comme Bulldozer («nique ta mère t’auras des nike air nikoumouk t’auras des reebok»). Bien sûr, des refrains comme ça ne peuvent qu’être chantés par toute la salle, du moins par tous les gens présents car comme nous l’avons dit, il ne reste que les vrais cabochards. Entre deux blagues, Seth Gueko chante Val d’Oseille pour représenter le 9.5 et Seth Gueko Bar, hymne à la gloire de son établissement thaïlandais 28 rue Bangla.
L’ambiance semble bon enfant jusqu’à ce qu’un mécréant du fond de la salle se fasse choper entrain de faire des doigts d’honneur à l’artiste, ce dernier l’invite donc à venir plus près avant de tenter de lui asséner deux gifles. La scène se termine après deux minutes de pourparlers mais on sent un Seth Gueko atteint dans son amour-propre. Il continuera d’en parler tout au long du concert, ce qui est assez étonnant car on ne s’attendait pas à le voir si susceptible. Seth laisse du temps entre ses chansons, parle beaucoup aux gens, les interpellant sur leur style ou leur coiffure. A ce moment là je me demande s’il n’est pas entrain de saboter son propre concert. L’ambiance qu’il réussi à générer grâce à ses lourds morceaux tombe à plat durant ces phases. Seth Gueko parle peut-être un peu trop quand on aimerait juste qu’il fasse péter le son. Ce qu’il fini par faire avec des morceaux plutôt récents de son répertoire : le particulier Comme des sauvages extrait de son dernier album, en featuring avec Hamza qui n’est malheuresement pas là pour nous chanter le refrain. Le morceau avec Gradur : Chintawaz (sans Gradur), JoeyStarr Remix ou encore Delicatessen, tirés de Professeur Punchline sorti en 2015. Nous n’avons pas le droit à de l’ancien Seth Gueko malgré les retentissants «Patate de Forain !!» qui s’échappent du public.
La prestation est néanmoins honorable, même si personnellement je reste sur ma faim car je m’attendais à une bonne Golden Shower. L’épisode de la gifle et le discours qui s’ensuit reste quand même dans la case du on aurait pu éviter, même si on comprend que ça fait partie du personnage, cela dénonce une petite perte de sang froid qui peut être qualifiée d’un manque de professionnalisme.
Bon, de toute façon, vu la date, ça aurait pu être pire. Nous quittons la salle heureux d’être venus. Merci beaucoup au Phare pour l’organisation et l’invitation. Il faut maintenant trouver un moyen de rentrer en ville…
Article par Simon Casagrande
Photos par 6LU