Essai transformé pour Malone quatre ans après la sortie du EP Une Touche de rêve, qui marquait la véritable première entrée sur le terrain du rappeur francilien. Quatre ans de réflexions, de doutes et de création, parachevés, le mois dernier, avec la sortie de l’album « Invictus ». Quatre ans traversés avec une famille artistique qui semble ne former qu’une seule entité lorsque Malone évoque la confection de cette nouvelle oeuvre dans le paysage musical. Less à la réalisation et au mixage, Jos2Prod aidé par le beatmaker Dreamtouch à la production, ont ainsi offert à ce premier projet de grande ampleur, un envol réussi, dont Malone a accepté de nous conter une partie de la trajectoire…
Invictus est en quelque sorte le premier album que tu sors, après une série de quatre EP entre 2010 et 2014. Comment as-tu abordé la création de ce projet ?
C’est un projet qui a été très long dans sa construction, dans le sens où on a commencé à le travailler en 2011. La plupart des titres ont été écrits et enregistrés entre 2011 et 2012. Mais avec l’équipe, nous sentions que c’était encore trop tôt pour sortir l’album. On a donc sortis des projets intermédiaires qui nous ont permis de progresser, notamment sur tout ce qui est « aspects de communication », de recherche de dates…etc… Finalement on a bien avancé pendant que les EP sortaient, j’ai enregistré les derniers titres, et nous avons pu sortir l’album début mai de cette année.
Est-ce que certains titres sur l’album ont été difficiles à réaliser ?
Le morceau Très-haut déjà, avec l’idée qu’on voulait de donner un effet « chorale » au titre. Nous avons travaillé en amont avec les différents choristes, en faisant pas mal de répétitions avec eux, c’était quelque chose qui était assez nouveau pour nous. Il y a eu pas mal de séances d’enregistrement et le rendu n’était pas forcément là, donc nous avons recommencé plusieurs fois. Il y a également d’autres titres que nous avons enregistré une première fois et que nous avons dû arranger ensuite pour avoir un bon rendu.
Y-a-il des personnes de ton entourage qui t’ont véritablement aidé à monter ce projet ? Je te pose évidemment la question, en faisant référence à la pochette de l’album sur laquelle tu n’apparais pas seul…
Les gens autour de moi ont été ma force première. Lorsqu’il y a eu une première version de l’album, je l’ai fais écouter à ma mère et ma grand-mère. Elles ont apprécié et cela m’a encouragé ! Sur la pochette, il s’agit de ma grand-mère. Elle a été réalisée par Hughes Anhes, un photographe qui a beaucoup travaillé avec Disiz notamment. Invictus, ça veut dire « invincible », « invaincu », « victorieux », et comme c’est un album qui est très personnel, le fait qu’il y ait ma grand-mère ramène dans un premier temps, à la notion de « peuple » mais aussi à celle de transmission des valeurs. C’est pour cette raison que sur la pochette, elle a les mains sur mes épaules. Ma mère et ma grand-mère m’ont transmis des valeurs qui ont su perdurer dans le temps. Je suis également vêtu d’un boubou, pour véhiculer l’idée de retour aux sources et renvoyer à mes origines haïtiennes, dont je parle pour la première fois dans le morceau Mon Pays.
Si tu finis un album en te disant que tu as fais le tour et que ton apprentissage est terminé, il vaut mieux t’arrêter.
A la première écoute, on peut dégager de cet album une vision optimiste indissociable d’une volonté d’amener l’humain à réaliser ses rêves, même les plus inaccessibles. C’est l’impression que tu souhaitais donner ?
Oui clairement ! Mon premier projet, Une touche de rêve, était très mélancolique. Après sa sortie, un ami est venu me voir en me demandant si tout allait bien pour moi. Je me suis rendu compte que l’album renvoyait des traits tristes de ma personne, et ce n’était pas forcément l’image que je voulais donner. Quelque part, c’est comme dans la boxe, lorsqu’un sportif monte sur le ring en pensant qu’il va perdre, il perdra. Sur Invictus, j’ai voulu donner l’image de quelqu’un qui pense que tout n’est pas perdu d’avance, comme un guerrier qui sortirait d’une grande bataille blessé mais qui reste encore debout pour montrer que ses combats passés l’ont justement rendu plus fort !
On ressent également une grande sagesse à travers tes écrits, à l’image du morceau d’ouverture Invictus. Estimes-tu qu’il y a eu une évolution profonde dans ta façon d’aborder la musique ?
Sur le côté sagesse, c’est difficile de répondre, dire que je suis sage, je ne sais pas (rires)… Mais depuis toujours, c’est vrai que je suis quelqu’un qui aime beaucoup réfléchir. Je me pose beaucoup de questions et toute cette réflexion ressort dans mes écrits. C’est pour ça qu’il s’y cache une grande part d’autocritique. Récemment, une amie me disait qu’en écoutant l’album, elle avait ressenti une certaine maturité. C’est peut-être le fruit de ces quatre années, qui m’ont permis d’évoluer et de mûrir autour de certaines questions. Quelqu’un d’autre me faisait d’ailleurs remarquer que sur le premier titre de mon premier EP (Ma Route), je parlais du papillon qui va éclore, et sur le dernier titre d’Invictus, qui s’intitule Libre, je reparle du papillon en disant qu’il a éclot. Je n’avais pas fait attention à cela, mais quelque part, cela renvoie à cette idée d’évolution et de cheminement qui s’illustre bien à travers ces deux morceaux je trouve.
Dans le titre Invictus justement, tu dis « Je ne marquerais pas l’histoire, comme l’amour a marqué la mienne ». Je trouve qu’elle résume bien l’atmosphère entourant l’album : humilité, maturité, sagesse, amour… ce sont des qualités essentielles pour toi en tant qu’homme mais aussi en tant qu’artiste ?
En tant qu’artiste, ce dont je me rends compte, c’est qu’à l’issue de chaque projet que l’on achève, il y a toujours quelque chose d’autre à apprendre. Si tu finis un album en te disant que tu as fais le tour et que ton apprentissage est terminé, il vaut mieux t’arrêter. Pour la sortie des EP, nous avions fais une tournée où l’idée était d’aller chanter dans le salon de personnes que l’on connaissait et qui invitaient des amis pour faire découvrir notre musique. C’était une expérience très intéressante parce que tu tombes sur des gens qui apprécient ce que tu fais, et d’autres qui apprécient moins. Et les remarques de certaines personnes qui n’aiment pas peuvent parfois t’amener à réfléchir et évoluer dans ta création artistique. Savoir être à l’écoute est une chose essentielle en tant qu’artiste… et en tant qu’homme aussi d’ailleurs…
Un grand nombre d’invités sont présents sur cet album, offrant une grande diversité musicale à l’ensemble de l’œuvre. Cela provient de tes influences personnelles ou d’une volonté de mêler les univers spécialement sur ce projet ?
Cela vient surement principalement de l’environnement dans lequel j’ai évolué. En vivant en banlieue, tu te retrouves dans tout ce « melting-pot », entouré d’Arabes, de noirs, d’Antillais, et ce brassage que j’ai connu, je voulais le retranscrire dans ma musique. Il m’arrive souvent d’écouter des personnes qui n’ont rien à voir avec le style de musique que je fais mais leur démarche artistique me touche et me donne envie d’essayer de créer quelque chose à partir de ce mélange.
Parmi ces invités, on retrouve en particulier Kimto Vasquez, qui apparait sur la plupart de tes projets depuis le début…
Oui tout à fait ! Avec Vasquez, on se connaît depuis 2010, on s’est lié d’amitié et on a gardé contact. Ce qui est intéressant, c’est que sur Une Touche de rêve, il avait fait l’intro d’un poème parlé, après il s’est occupé du refrain sur Life Airlines, et sur Invictus, il fait un couplet entier. Au fur et à mesure des projets, sa contribution est de plus en plus importante.
L’album sorti, une tournée est prévue pour le défendre sur scène ?
Pour l’instant, il nous reste des dates jusqu’à fin juin et nous démarchons actuellement pour continuer à faire des dates à partir de septembre. Sur les dates qui arrivent, il y a notamment l’événement We Rock the place que nous organisons et qui rassemblera mes coups de coeur du moment. Je ferais également la première partie de Youssou N’Dour, le 21 juin, à Evry, pour la Fête de la Musique.
Et tu as déjà d’autres projets en tête pour les mois à venir ?
Oui j’ai d’autres projets !! Déjà les réédition de l’album avec trois nouveaux titres, prévue pour début 2016. Et ensuite, j’aimerais bien repartir sur un EP avec une couleur plus épurée musicalement, moins chargée afin de travailler plus le flow. Me mettre à l’écriture fait aussi parti des projets que j’ai en tête, pourquoi pas mêler quelques nouvelles à la sortie du prochain EP. Mais on n’y est pas encore, peut-être que je sortirais celui-ci pour fin 2016…
Le mot de la fin pour conclure… ?
C’est toujours un plaisir de rencontrer les gens et de pouvoir partager autour de l’album. J’espère qu’il leur plaira sincèrement…
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