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« Max & Lenny » : De l’importance de l’expression de soi

Marseille, les quartiers sensibles. Coincée entre la drogue, la rue et sa violence, Lenny refuse toute autorité, quitte à se mettre consciemment en danger. Au nom d’une liberté auto-proclamée, l’adolescente au regard noir semble ne jamais cesser de fuir son quotidien. Un soir, elle va rencontrer Maxine, adolescente à la peau couleur ébène. Ce film, c’est l’histoire de leur amitié, si forte et si naturelle. L’histoire d’une fille solaire, apaisante et mature (Max), et d’une fille meurtrie, en colère et égarée (Lenny). Toutes les deux célèbrent la force de survivre malgré les galères incessantes, l’énergie pour lutter contre la société qui les rejette et l’éternelle injustice d’être née au mauvais moment, au mauvais endroit.

Ici, le rap est salvateur. Si Lenny court parfois jusqu’à l’autre bout de la ville, ou nage longtemps pour échapper à ce qui l’étouffe, il n’est pas de plus grand exutoire pour elle que l’écriture et la musique. Puis Maxine dit à Lenny : « T’as ça dans le sang, ça se voit ! ». Et alors, on sent que le rap serait comme une religion ; que Camélia Pand’or, qui incarne Lenny avec perfection, est le prophète de cet art ; que lorsque le monde entier n’a plus aucun sens, il y a toujours une voix pour clamer la douleur et panser les plaies ; que cette musique, loyale et puissante, est finalement l’issue de secours de ce conte.

Fred Nicolas signe ici son premier long-métrage, en toute indépendance. Bien sûr, on n’aurait jamais vu ce genre de film sortir d’une grande maison de production. Alors certains parleront de faiblesses dans le scénario (beaucoup d’actions et plusieurs problématiques majeures : la maternité, l’adolescence, l’immigration, la drogue, qui perdent parfois un peu le spectateur). Ils n’auront pas tort. On pourra aussi porter un jugement sur les seconds rôles, interprétés non par des acteurs mais par des marseillais du coin ; mais on ne pourra rien dire sur l’émotion qu’ils transportent, le naturel et la clarté qui émanent de leur performance. Ce que chacun admettra par évidence, c’est le merveilleux duo qui porte ce film, par deux femmes très largement complémentaires et talentueuses. Camélia Pand’or, valeur montante du rap français, auteure d’un bon nombre de titre d’une beauté rare et d’une vérité fracassante, personnalité forte et touchante ; et Jisca Kalvanda, jeune actrice rayonnante, au regard plein d’intelligence et de douceur.

Enfin, on ne peut que saluer la simple beauté du film, dans un décor bien loin des grandes villes industrielles, accompagnée par une bande originale superbe (que vous pouvez télécharger ici).

Réaliste et modeste, Max & Lenny est un film qui révèle la dureté du quotidien de cette France profonde et abandonnée, à l’origine de rencontres fortes, et aussi de leur rupture. Il est le témoin, aussi, de la difficulté d’être une fille dans la rue ou dans le rap, des milieux majoritairement masculins, voire machos. Enfin, il est un récit initiatique, intuitif, garant d’une réflexion. En somme, un film de société qui fait du bien.

À proposJeanne

En quête de la dolce vita absolue. Petites oreilles au service de LREF. Étudiante en communication malgré moi.

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