Si le rap était un océan et que chaque vague était un artiste, on peut vous assurer que même le plus aguerri des marins ne connaitrait pas la totalité de ces fonds maritimes, demandez à ce bon vieux Cousteau. On a donc décidé de vous faire découvrir, non pas les abysses car le terme serait un peu trop péjoratif, mais quelques flots qui composent l’immensité des mers. Mettons de côté la métaphore et entrons dans le vif du sujet ; du rappeur populaire au rappeur à 400 vues sur youtube, du beatmaker à l’accoutumé des open-mics, voici nos 5 découvertes du mois.
Lonepsi
« Ma plume à l’encre noire le soir écrit des mots fâcheux / Pas ceux d’un Maupassant ni ceux d’un garçon courageux / Pourrais-je alors m’attacher plus que mes lacets ne l’font ? /Atteindre des sommets sans qu’on me dise « Là, c’est le fond » »
Le rap c’est avant tout du texte, et lorsqu’il est écrit d’une plume qui se démarque des autres, il marque des points. Lonepsi est un de ces rappeurs qui, malgré son jeune âge, écrit merveilleusement bien. Chaque vers est réalisé avec soin, pour notre plus grand plaisir. Armé d’un stylo et d’une feuille, le jeune parisien nous accompagne vers un monde où les mots sont rois. Diérèses, assonances, allitérations et autres techniques d’écriture sont utilisées à la quasi-perfection, la forme est belle et fluide, on se laisse bercer dès la première mesure. Lonepsi reste très polyvalent, de l’instru boom-bap à une mélodie planante, tout lui est accessible et nous pouvons affirmer, avec certitude, qu’aucun de ses morceaux sortis n’a été médiocre. Il est de ces rappeurs qui ne rappent pas pour le succès mais pour le plaisir d’écrire. Et on ne va pas vous cacher que les textes honnêtes, comme les siens, sont souvent les meilleurs. La plupart de ses morceaux sont solos et très introvertis, mais le jeune parisien partage avec son frère, Nuelma, un groupe : Les Deux Demis. Aucun projet n’a vu le jour jusqu’à maintenant, et aucune information sur l’avenir, mais l’artiste sort fréquemment des petites douceurs, la dernière ici.
Swatt’s
« La foule m’emporte mais pour autant / Je vois pas la vie en rose d’Edith Piaf »
On passe maintenant de l’autre côté de la frontière, en Belgique, plus précisément à Tournai pour un rap hargneux, maussade mais surtout épatant. En effet, Swatt’s a sorti en 2014 un des meilleurs projets de rap francophone de l’année alors qu’il n’avait que 16 ans. On nous avait prévenus que le jeune Belge était talentueux, mais à la première écoute de l’EP L’Amorce c’est la claque ! Des phases qui fusent dans tous les sens, des références à l’ancienne école du rap, des mesures interminables, personne ne s’attendait à ce qu’un jeune rappeur comme ça soit aussi habile, cultivé et professionnel que Swatt’s. On note que le Tournaisien a déjà réalisé 2 Poignées de Punchlines pour Give Me 5, qui n’ont pas laissé le public rap indifférent, on peut également le retrouver sur la mixtape Dès le Départ Vol.2, toujours de Give Me 5 avec le morceau Les Mots Qui Blessent. Chaque morceau est un cri mélancolique, un cri qui perdure sur 4 minutes d’instru, souvent produite par le talentueux Beni Luzio « La plupart des morceaux seront mélancoliques / Car du bonheur j’veux être ivre sans qu’le mal me rende alcoolique ».
Theo Skellington
« Oscillant et essayant d’faire vaciller mes assaillants / J’suis comme Ulysse, face à l’eau cyan de l’océan »
Attention décollage imminent, embarquez à bord de la compagnie Air Skellington et savourez votre voyage. Si vous ne connaissez pas cet artiste aux productions aériennes et au flow raffiné, on vous invite prestement à écouter un de ses morceaux. L’homme qui « gratte trop d’rimes au patronyme d’Halloween » a déjà sorti un premier EP nommé Arc-En-Ciel il y a bientôt un an, un projet très intéressant, selon nous, avec des instrus qui se démarquent de la tendance générale, toujours avec une fine plume. Également, Skellington avait un point de vue et un certain état d’esprit qu’il transmettait dans chacun de ses morceaux, une vision de la vie plutôt intelligente expliquée par une prise de recul peu habituelle à cet âge. Cependant, ce dernier a affirmé dans une interview que cet EP n’était pas à l’image de son niveau actuel. Le garçon prétend avoir mûri, que ce soit en matière d’écriture mais aussi mentalement, et on peut le constater sur son dernier morceau Œil Du Cyclone, morceau issu de son futur projet que l’on attend avec impatience.
So Clock
« Parait qu’il y a un temps pour la vérité, un temps pour les erreurs / Un temps pour les vérifier, un temps pour être meilleur »
On vous l’a déjà dit, la jeunesse parisienne fait ses affaires et s’accapare peu à peu cet océan qu’est le rap. Certains s’y mettent à bride abattu et emmagasinent parfois les impairs, favorisant la quantité à la qualité mais ce n’est pas du tout le cas de So Clock. Certes notre camarade a déjà sorti un premier EP, mais notre impression à l’égard de ce projet n’est pas péjorative, au contraire. En effet, 6 Oclock semble être le résultat d’une prise de conscience de soi et de l’élaboration d’une passerelle entre l’action et la réflexion, d’un artiste qui a su prendre le temps de peaufiner sa perle. Le ton fait preuve d’un profond désenchantement mais il y a une réelle analyse du quotidien d’un homme banal, une explication de cette forme de morosité qui sommeille en chaque être, une sorte de Journal d’un jeune éreinté, pour ne pas calquer une œuvre de Charles Bukowski. De plus, l’EP se termine sur un des plus beaux morceaux que nous ayons entendus cette année, En Vérité, un texte profond embelli par une agréable maitrise de l’écriture sur une face B de Nessbeal, Les Larmes De Ce Monde. La reprise de cette instru du Roi Sans Couronne paraissait ambitieuse mais le pari est réussi.
Yougarou
Pas de citation pour introduire cet artiste. En effet, nous terminons nos découvertes sur un beatmaker. C’est le charme de notre époque, des beatmakers influencés par le Old School mais ayant bien l’intention de faire rapper des artistes de la nouvelle école sur leurs instrus. Le résultat ? Des instrus boom-bap innovatrices et toutes fraîches, comme si ce style d’instrumentales était immaculé. Yougarou est un acteur de ce mouvement, des sonorités maussades, à deux doigts de reprendre le fameux « piano/violon » du rap français, vagabondant entre kicks et snares bien gras. C’est une ballade peu prosaïque, l’impression de s’engouffrer chez un antiquaire à la pointe de la technologie. L’antithèse est surprenante mais si vous n’êtes pas convaincus nous vous invitons à écouter l’Intro du EP de Sheldon, avec Yougarou à la prod.
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