L’entretien a lieu dans un grand hôtel parisien, à deux pas des Champs Elysées. Une fois à l’intérieur, on ne met pas longtemps à reconnaître Niska, alors en pleine séance d’interview pour une télé. Il faut dire qu’avec son gros pull rouge vif estampillé Charo, le style de celui qui se fait aussi appeler Korosifu contraste quelque peu avec l’ambiance cosy des lieux. Mais comment ce mec quasi inconnu il y a un an se retrouve-t-il aujourd’hui à enchaîner les interviews à quelques jours de la sortie de sa première mixtape Charlo Life (dispo depuis le 2 octobre) ? Le phénomène Niska débute avec le morceau Allô Maître Simonard : habitué des bastons dans son quartier du chantier du Coq à Evry (91), le rappeur fait régulièrement appel à Arnaud Simonard pour régler ses problèmes judiciaires. Pour le remercier, il décide de rendre hommage au « meilleur avocat du 91″ (comme l’a déclaré Niska dans les colonnes du Parisien) en chanson. Le clip buzz sur la toile (plus de 300 000 vues en moins d’un mois), et dès lors, le phénomène Niska est lancé. Les maisons de disques le contactent, Gradur fait un morceau avec lui… Le buzz autour de Niska prendra une nouvelle dimension avec son freestyle PSG (plus de 20 millions de vues à l’heure actuelle). Depuis, Youssoupha l’adoube, Blaise Matuidi reprend sa danse pour fêter ses buts avec le PSG, Maitre Gims l’appelle pour qu’ils fassent un morceau ensemble sur son nouvel album… Découvrez notre entretien avec le phénomène rap de cette fin d’année.
Ta mixtape s’appelle Charo Life. C’est quoi un charo pour toi ?
Un charo ? C’est un mec déterminé, qui a la hargne, qui ne lâche pas. Et ce, dans n’importe quel domaine : que ce soit dans le foot, au travail, que ce soit avec les filles… (Rires) Tu ne lâches pas, tu vas jusqu’au bout. Ou au moins t’essayes. Quand tu mouilles le maillot, ça finit toujours par payer. Après, pourquoi Charo Life ? Parce que dans tout ce que je fais, je suis en mode charo. Tupac a fait Thug Life, parce qu’il avait une vie de thug ? Bah moi j’ai une vie de charo, donc Charo Life. (Rires)
Comment est-ce que tu définirais ta musique ? Est-ce qu’on peut parler de trap ou pas ?
Non. Pour moi, c’est du rap avant tout. J’irais même plus loin en disant que c’est de l’art tout simplement : aujourd’hui je suis rappeur, mais peut-être que demain je ferais autre chose. J’aime la musique avant le rap. Donc j’aime pas qu’on dise que je suis un trappeur, j’aime pas qu’on me colle cette étiquette.
C’est quoi tes principales influences ?
Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, j’écoute surtout des musiques très mélodieuses, assez calmes, qui t’emportent. Des musiques qui t’emmènent loin, avec une bonne vibe, une bonne mélodie. Après j’écoute du rap français surtout, un peu moins de rap américain. Et ma musique, c’est un cocktail de ces trois choses.
Quand tu créés un morceau, c’est quoi ton processus créatif ? Est-ce que t’écoutes l’instru et après t’écris ou est-ce que t’as déjà des textes de côté que tu adaptes en fonction de la prod ?
Moi c’est du one shot. J’écoute l’instru, j’écris direct. Des fois j’écris même pas, je rentre en cabine directement. Ochoa par exemple, je l’ai fait uniquement en cabine. Tu me mets l’instru, et les mélodies, les paroles et les punchlines, elles me viennent direct. Des fois je fais quelques yaourts, et après je repasse dessus avec des phrases. C’est comme ça que je bosse. J’ai dû mal à écrire un texte avant d’arriver en studio.
Justement, concernant tes textes, certains peuvent parfois critiquer un manque de fond… Envie de leur répondre ?
Je reconnais que j’ai pas la plume de Youssoupha ou de Kery James. J’ai pas leurs capacités d’écriture. Mais tout se travaille. Et je pense qu’avec le temps… J’arriverais peut-être pas à leur niveau parce qu’ils excellent dans leur domaine. Mais on peut essayer de se rapprocher. De toute façon, si j’écrivais super bien, certains diraient que je n’ai pas assez de flow… Les gens trouvent toujours des choses à dire. Donc je ne leur réponds même pas. Je les adore même, je leur fais des gros bisous sur la bouche.
Dans le morceau Ochoa justement, tu dis « je remercie le ciel encore, il reste des bons hommes comme Gradur ». Comment elle s’est faite cette rencontre avec Gradur ?
La toute première fois qu’on s’est vu, c’est quand on a fait le son Remember, au studio 50 K…
Et c’est lui qui t’a invité sur le morceau.
Exact. Il avait déjà essayé de me contacter avant. Mais là il a vu que j’étais dans une bonne montée alors il m’a appelé, et il m’a dit qu’il voulait qu’on fasse un morceau ensemble. J’ai rencontré un mec proche de moi dans la personnalité, au niveau du caractère… Après on a appris à se connaître. C’est un mec vrai. Et avec le temps, je n’ai pas changé d’avis. Il reste le même. Grosse force à lui.
Tu as d’ailleurs signé sur le même label que Gradur, Millenium Barclay. Dans une interview, tu as dit qu’avant cette signature, tu avais hésité entre plusieurs labels, mais que si finalement si tu avais choisi cette maison de disque, c’est parce que là-bas, il y avait un certain Alexandre Kirchhoff … Tu peux expliquer comment s’est faite la rencontre ?
Ça s’est fait assez tôt avec Alex. C’est la première maison de disque qui est venue me parler. Rien que ça c’est déjà flatteur, ça fait la différence. C’était au mois de novembre, et j’ai signé en mai. Le mec depuis novembre il était déjà sur moi, et va savoir s’il ne l’était pas déjà avant… Donc voilà, c’est ça qui a fait une première différence. Après le mec sait où il va, c’est un hargneux, un charognard. Donc avant de choisir Barclay, j’ai surtout choisi Alex.
Tu viens tout juste d’arriver dans le rap. C’est quoi ton regard sur ce milieu ?
Il y a des très bons moments de vie. C’est une fierté d’en arriver là, de voir tous ces trucs que je regardais sur internet avant, et de pouvoir les vivre aujourd’hui… Ça fait vachement plaisir. Mais il ne faut pas négliger que c’est un milieu très hostile, très dangereux.
C’est quelque chose que t’as vu de tes propres yeux ?
Ouais. Après je te parle pas de violence hein. Mais au niveau des gens, l’entourage, le vice… Il faut savoir garder la tête sur les épaules. Ça va très vite le rap. Aujourd’hui c’est toi, demain c’est quelqu’un d’autre. Il faut savoir rester à sa place. C’est tout ce que je peux donner comme conseil aux mecs qui viendront après moi : faites les bon choix, ne vous faites pas avoir. Et n’oubliez pas, c’est vous les décisionnaires avant tout. Laissez personne d’autre faire les trucs à votre place. Parce que si ça ne marche pas, il faut s’en vouloir à soi-même, pas à quelqu’un d’autre.
Et faire des interviews par exemple, c’est un truc que tu kiffes ? Certains rappeurs disent que ça les fait chier de répéter toujours les mêmes choses.
C’est relou. Franchement ça serait te mentir de te dire que ce n’est pas relou de répéter toujours les même choses. Mais après c’est un package on va dire, ça va de soi. Les interviews, ça fait partie de la musique. T’as des fans, les gens veulent savoir comment tu penses, où tu veux aller… Et il y a aussi des gens qui ne t’aiment pas musicalement au départ, mais qui peuvent plus t’apprécier après. Donc c’est des trucs à ne pas négliger. Ça fait partie du travail. Après des fois ce n’est pas facile. Comme n’importe quel être humain, il y a des moments où t’as pas envie de parler, t’es fatigué, t’as envie de rester seul dans ton coin… Mais c’est un choix que j’ai fait. J’ai voulu chanter, donc maintenant j’assume.
Sur la mixtape et dans plusieurs freestyles, on t’entend parler de François Hollande et de Manuel Valls…
J’aime bien faire des petites références aux sujets dont on parle dans les cafés, dans les bureaux…
En plus, Valls, c’est l’ancien maire d’Evry la ville où tu habites.
Si tu regardes bien, je te parle d’Hollande et de Valls comme je te parle de Laurent Pagbo : aujourd’hui, ces gens-là sont censés être des références pour le peuple… Mais moi j’en parle de manière légère, en rigolant. Je vais pas te dire nique Sarkozy ou nique Hollande… On l’a déjà entendu, on sait.
Dernière question : au fait, pourquoi Niska ?
C’est en référence au prénom que m’a donné ma mère, Stani. Je l’ai inversé, ça faisait Nista. Je trouvais ça un peu soft, donc j’ai ajouté un k.