Sélections Tops

Nos projets préférés en 2016

10 – Sopico – Mojo

Un album sacrément bien ficelé. De Mama à Ciel bleu en passant par Robotique, Sopico semble savoir alterner entre différents styles dans la plus grande des aisances tout en restant dans un univers qui lui est propre. Avec peu de featurings, on relève là un véritable album personnel, à la limite de l’introspection pure, qui nous fait connaître un peu plus personnellement ce jeune rappeur du XVIIIème. Sans forcer, les flows varient selon les prods avec un naturel déconcertant, preuve, sinon du talent de Sopico et de son identité artistique affirmée, une vraie cohésion avec le beatmaker Sheldon, qui donne ce premier ouvrage finement travaillé. Comme un premier roman, on espère qu’il pourra le révéler auprès d’un public large qu’il mérite assurément, au même titre que les gars du Dojo. Sopico a le Mojo, et c’est agréable à écouter.

Retrouvez l’interview de Sopico.

 

9 – Prince Waly – Junior

Entre anachronisme et fraicheur, réalité et fiction, Prince Waly s’impose comme l’une des grosses révélations de 2016. Déjà au printemps, il nous avait laissé une belle impression avec son compère Fiasko Proximo sur L’heure des loups ; fin de l’automne, il persiste et signe avec Junior. Waly, c’est la fascination manifeste d’une époque, celle des années 90, et loin d’être superficielle, elle se retrouve dans les moindres détails. Waly, c’est le fantasme du gangstérisme et de son imaginaire  – la luxure, le biff, les meufs, les grosses caisses – mais sans les désagréments, à la cool. Une culture qu’il développe par son côté cinéphile et qu’on va retrouver naturellement dans les thèmes utilisés mais aussi dans sa façon d’écrire, très imagée, quand ce n’est tout simplement pas du pur story-telling. Un timbre de voix grave, une diction appuyée, une technique hors pair ; Waly a tout du rappeur charismatique.

Comment traiter de Junior sans parler de Myth Syzer ? Le beatmaker a ébloui 2016 de son talent en enchainant les prod de hautes volées pour une grande diversité de MCs, en plus de ses projets solo (Cerebral). Si Junior est aussi bon, c’est donc grâce à Waly mais aussi beaucoup grâce à Myth Syzer, beatmaker exclusif du projet. Il a su lui donner une couleur particulière en réalisant la prouesse de voguer entre prods old school (Junior, Cherry) et instrumentations modernes (Vinewood, Rally). Et c’est d’ailleurs dans cette seconde direction qu’on devrait retrouver le Prince Waly pour ses prochains projets. Guillaume

Retrouvez la chronique de Junior et l’interview de Prince Waly.

 

8 – Népal – 444 nuits

Quand sort le 4 juin 2016 444 nuits à 00h00 2 versions de 6 titres chacun, tout est une histoire de chiffres. Népal est un mathématicien sans logique : tout ce qu’il crée est calculé et millimétré, mais il s’efforce de ne jamais suivre la même recette, et c’est ce qui crée sa polyvalence, qu’il place au centre de son art. Ses 444 nuits sont arrivées après de longs mois d’attente, mais le projet débarqua sur 444nuits.fr, et nos tympans furent ravis. La version bleue est aussi dense que les abysses de nos océans, tant par les différentes sonorités que par les différentes teintes de bleu explorée. La version rouge est elle aussi ardente qu’une éruption solaire, et navigue également entre trap revisitée et d’autres sonorités plus douces, mais pas moins percutantes. Le projet est vraiment différent de ce que l’on a pu voir en 2016, il a amené un vent d’originalité complexe, et chaque line mérite d’être disséquée. Percutant comme un double skeud aussi réussi d’un artiste aussi jeune.

Retrouvez la chronique de la version bleue et celle de la version rouge.

 

7 – Alpha Wann – Alph Lauren 2

Si un tome 2 est rarement satisfaisants au cinéma, il aura été chez Alpha une continuité logique de son ascension progressive au sommet du game depuis quelques années. C’est donc sans surprise (et sans forcer?) qu’Alph Lauren 2 vient se hisser à la 7ème place de notre top. Les productions de ce deuxième volet sont clairement homogènes autour d’une ambiance sous-marine, parfois spatiale selon les avis de chacun, mais en tout cas pas terrienne. C’est là-dessus que l’inimitable flow de Philly Phaal est venu marquer l’année 2016, à nouveau tout dans le style. « Le sens de la survie est inné », le sens de la rime l’est aussi. Maxime

Inutile d’en rajouter plus lorsque l’on peut vous renvoyer directement à la chronique de l’EP.

 

6 -Lomepal – ODSL

Personne ne l’attendait sur ce front là. Vainqueur triomphant de son destin, Lomepal est l’étoile filante qui accroche le regard dans une constellation souvent bouchée. Produit intégralement par STWOODSL est un vrai bijou de complexité. Seigneur et Majesté avaient été deux disques sur lesquels s’affirmaient tout le bien qu’il pensait de lui même, entre grandeur et perfection. Décomplexé et à l’aise, notre Parisien semblait s’affirmer de plus en plus dans son rôle de supernova génial et sûr de lui, encore plus fan de sa personne que n’importe qui d’autre.

Cependant, on retrouve sur ODSL un Lomepal bien plus calme et réfléchi, posé, contemplant sa carrière et sa personne à travers une œillère et avec beaucoup de recul. Excellant également dans ce domaine, il nous livre ici trois titres aux sonorités électriques et planantes, oscillant entre une trap aux sonorités aériennes et un cloud rap des plus agréables. Trois titres qui le catapultent directement au rang des meilleures sorties de l’année tant sa sincérité est touchante et fait mouche. On attend avec impatience le premier album qui transformera un essai déjà bien tiré. Léo

 

5 – Dooz Kawa – Bohemian Rap Story

Après 6 projets aussi excellents les uns que les autres on attendait impatiemment le dernier album de Dooz Kawa, Bohemian Rap Story. Et comme le titre de Queen auquel il fait allusion cet album est un chef-d’œuvre et on lui souhaite autant de succès. Sur ce disque de 12 pistes, le rappeur strasbourgeois invite, contrairement à son habitude, quelques artistes aux personnalités aussi trempées que lui (Lucio Bukowski, Dah Conectah, Noémie, Hippocampe Fou, Anton Serra, Tekilla Emtooci). Et le résultat fait merveille, on retient particulièrement les pépites que sont Me faire la belle, Soirée Noire ou Brako.

On retrouve sur l’album un vent d’inspiration venu des Balkans, au détour d’un morceau on tombe sur des mélodies qui traduisent leur nostalgie par la mandoline, la guitare et la contrebasse. Le mélange de sonorités Tziganes mais aussi rock à l’univers hip-hop, le tout accompagné du texte brillant et du flow ciselé de Dooz Kawa donne à cet album une envergure et une richesse qui le définissent sans difficulté comme l’un des meilleurs albums de 2016. Patrick

Retrouvez la chronique de Bohemian Rap Story et l’interview de Dooz Kawa.

 

4 – Alkpote – Sadisme & Perversion

Calé entre la sortie de Ténébreuse Musique et les épisodes des Marches de l’Empereur saison 2, Sadisme et perversion représente le climax de cette année très productive pour Alkpote. Accompagné de DJ Weedim à la prod et sans featuring, l’Empereur de la Crasserie nous sort un condensé de tout ce qui est à l’origine de l’amour qui lui doit être portée. Entre lyrics rabelaisien, backs improbables, name-droping à foison et des flows aussi variés que surprenants, l’ex-moitié de l’Unité 2 Feu conserve haut-la-main son titre de champion du rap mongol. Avec DJ Weedim, il semble avoir trouve son sparring-partner idéal : productif, avec les mêmes références souvent venues d’Atlanta et n’ayant pas peur de sortir de sa zone de confort.

Rendre cohérent un album de rap dans lequel on peut entendre « J’vais me faire tatouer une croix gammée », du reggaeton, une interview d’une actrice porno canadienne qui parle de son don pour l’éjaculation, le tout introduit par Mehdi Maizi de l’Abcdr démontre la force (le génie ?) des deux stakhanovistes du rap game. Une marche de plus pour l’empereur en direction de sa dernière valse, qu’on souhaite la plus tardive possible. Roch

 

3 – Nekfeu – Cyborg

Le lendemain de la sortie de cet album, sonnés par cette nouvelle aussi inattendue qu’audacieuse, nous publions une réaction à chaud dans nos colonnes. Faite de doutes, d’incompréhension et de questionnements sur la pertinence d’une telle démarche à l’orée d’un second opus. Il aura fallu moins d’un mois à son auteur pour balayer d’un revers de la main toutes les questions qu’il aura soulevées : certifié disque de platine en trois semaines, album le plus streamé de France sur Spotify en un jour depuis la création de l’application… L’homme dont la promotion du premier album s’était constituée d’un tour de plateaux télés, de radios et de quatre clips (dont un avec Mister V), semble avoir changé de stratégie de communication. À l’image de sa musique, Nekfeu a grandi et a compris beaucoup de choses.

Que dire de cet album, décortiqué en long en large par tout le monde ? Que dire de plus que son auteur ne raconte pas dans ces quatorze titres à la sobriété touchante ? S’équilibrant en une parfaite symbiose entre « conscient et texte immature« , comme il nous le disait déjà dans Même signature, Cyborg s’apprécie comme une œuvre complexe livrant plusieurs niveaux de lecture. Intelligemment construit, faisant écho à Feu – l’opening Humanoïde étant une réponse directe, tant au niveau de la forme que du fond, à Être Humain, son de clôture de son précédent album ; Avant tu riais renvoyant à Rêve d’avoir des rêves… -, s’auto-suffisant dans tous les registres, le LP est à la fois personnel et sincère, technique et lyrique, énervé et calme. Entre pamphlets dénonciateurs (Réalité augmentée) et plongée au fin fond de son être (NekketsuHumanoïde), Nekfeu n’a pas peur de parler de lui, ni de s’ouvrir à ses auditeurs, le faisant toujours au service de son sens inné de la prose, de la musicalité des mots et de l’amour de la langue. S’il fait moins étalage explicit de sa culture que sur Feu, Cyborg reste un bijoux de références en tout genre, distillant ici et là des clés de lecture sur les siennes.

Plus sensé, moins éparpillé, plus condensé, moins tout feu tout flammeCyborg est le projet le plus abouti de Nekfeu. N’ayant rien perdu de son indéniable talent ni de sa fougue, il aura réussi l’exploit de compiler toutes ses (nombreuses) expertises en un équilibre parfait pour créer une production qui, indépendamment de son contexte de sortie absolument incroyable, est celle d’un artiste complet. Léo

 

2 – Damso – Batterie faible

En cette année 2016, il aurait été compliqué de passer à côté du petit prince du 92i. Alors que le Duc – et ses 40 ans – éparpille ses activités entre une radio, une marque de fringue, un label, un site Internet, une télé, une vie de famille et l’achat de Lamborghini, se fait ressentir l’envie (le besoin ?) de la succession. Le 40K Gang ? Disloqué. Siboy ? Fou. Gato da Bato ? Inintelligible. Kalash ? Chanteur plus que rappeur. Qui reste ? Loin de le comparer hâtivement et facilement à Booba, il faut tout de même reconnaître que le Bruxellois est la signature du label se rapprochant le plus de son égérie d’un point de vue artistique – bien qu’il excelle sur de nombreux registres, là où son mentor a plus de mal, notamment le storytelling. Cependant, le résumer à un ersatz du Boulonnais serait réducteur et omettrait l’indéniable talent de cet enfant prodige.

Réside chez Damso une aura saisissante, emportée par un charisme rare dans le rap français. Là où nombre de ses textes auraient sonné soit ridicules soit choquants chez la majorité des rappeurs, ils apparaissent dans sa bouche comme l’éclat le plus pur d’un besoin existentiel de dire. Il adoucit la tristesse, sublime la mélancolie, rend dérisoire les tourments, embellit la noirceur. Loin de se la raconter, Damso raconte. En découle une sincérité crue et acerbe, souvent violente, car dénuée de tout filtre, de tout a priori, de tout politiquement correct. Excellant dans l’introspection poignante comme dans l’egotrip le plus rationnel, Damso chante comme il vit. À l’image de ses appels au secours, Damso chante l’existence, apparaissant alors sous un nouveau jour : beaucoup plus profond et réfléchi qu’il n’y paraît. Léo

Retrouvez l’interview de Damso.

 

1 – PNL – Dans la légende

2015 était l’année de PNL. La flamme qu’allumait QLF en mars 2015 n’était rien face à l’immensité du brasier provoqué quelques mois plus tard, en octobre, lors de la sortie de l’album : des Tarterêts, les gimmicks de Mowgli résonnent peu à peu à travers la France, l’Europe, le Monde, chico. Le rêve est devenue réalité à une vitesse ahurissante pour Ademo et NOS. Ils fascinent, intriguent, et déchaînent les passions, tant chez leurs centaines de milliers d’admirateurs que chez leur détracteurs – , on ne compte pas. En mars 2016, quand le duo reçoit le disque d’or pour Le Monde Chico, on ne s’étonne plus en hexagone des sonorités cloud très vaporeuses ni de l’usage extrêmement décomplexé d’autotune dans le rap français : PNL marque l’histoire du rap français au fer rouge, en y ajoutant une nouvelle voie, la leur, une autoroute qui roule droit vers Namek.

Maintenant retour sur cette année 2016, avec la sortie de l’album Dans la légende, raison de la présence de PNL en tête de ce top : si le groupe a fait parler de lui en 2015, ce n’était qu’un avant-goût par rapport à cette année. Exactement les mêmes repères musicaux et lyricaux, avec une différence notable cependant : si le duo n’était hypnotique que dans la mélancolie crue et dévastatrice qui débordait de leur musique dans les précédents projets, Dans la légende présente les frères sous l’aspect inverse aussi. Mowgli a pété le score, il a bien le droit de kiffer. Derrière la puissance inarrêtable de DA, la lumière étincelante du track éponyme Dans la légende, ou la majestuosité de La vie est belle, pourtant, on sent bien la rancœur et la mélancolie revenir au galop dans la musique de PNL : Luz de Luna, Sheita ou Humain, autant de fortes claques dont on ne saurait dire si elles sont purement musicales ou simplement émotionnelles.

Les billets bleus sont devenus violet, mais je croise les mêmes cafards dans le même bat’ : c’est globalement l’idée de fond de l’album, véritable ascenseur émotionnel pour l’auditeur averti, et ce jusqu’au dernier track. Dans la légende ? L’album ne saurait mieux porter son nom… on ne reviendra pas sur le fait que PNL a également titillé des records sur Youtube, avec leurs quelques millions de vues en quelques heures, mais rappelons que là où Le Monde Chico a rapporté un disque d’or en cinq mois, trois semaines ont suffit à Dans la légende pour ramener le disque de platine – à l’heure ou sort ce top, l’album est triple disque de platine. Bien joué, Mowgli. Rentrer dans la légende… quand on a ce succès, ces vues, et ces ventes, sans rien lâcher ni de cette fidélité artistique ni de cette mentalité Qlf à toute épreuve, qu’est-ce qui pourrait arriver de plus à un duo de rap français qui part de rien ? Pas grand chose, je crois bien. Pas grand chose, à part peut-être une double date pendant l’un des plus grands festivals du monde. Dans la légende ? L’album ne saurait mieux porter son nom. Hugo

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La Rédaction

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3 commentaires

  1. Votre top est absolument parfait. Tres juste, et plutôt objectif même si c’est, comme je l’ai dit, « votre » top. Bref, ravie de voir qu’on a les mêmes sentiments en matière de musique (ce qui est souvent rare).

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