« Comme le jour qui se lève, moi ma vie n’est qu’un freestyle. » Keny Arkana.
Alliance d’audace poétique et de musicalité spontanée, le freestyle est un exercice suprême de la créativité. Des improvisations de grands noms du rap à celles des anonymes de fins de concerts, il est une pratique inhérente au hip-hop et en fonde même, peut-être, la base originelle. Quand on y pense le freestyle rap, lorsqu’il est réellement improvisé, est un procédé créatif assez singulier dans l’art en général. Son exécution peut affoler le feu d’une foule, provoquer le rire équivoque des moqueries, renverser sévèrement l’adversaire ; quoi qu’il en soit, son exécution est sous pression. La foule prête à s’enflammer, le silence et les railleries prêts à tout calmer. Tout dépend de l’inspiration, du feeling, de l’intuition et de ce petit truc impalpable qui peut filer sous la langue à tout moment. Au fond, c’est la forme pure et brute du rap. Un rap qui se vit plus qu’il ne se dit. Un rap qui se crée : ici et maintenant.
Pour situer vaguement la chose, et sans rentrer dans un morne cours d’histoire, il convient d’abord de dire que la culture hip-hop a débuté dans les fameuses Block Party, illustres fêtes de quartiers de Brooklyn, où pour ambiancer les soirées de danse animées par les DJ, les MC (Master of Ceremony) improvisaient quelques rimes. Ces soirées pluri-disciplinaires peuvent d’ailleurs être considérées comme des formes de « happening » laissant libre cours aux activités et aux expressions artistiques de chacun dans le cadre de créations instantanées. En ce sens nous pouvons affirmer que le rap – et par extension le hip-hop – est avant tout un art de la performance. D’ailleurs, les nombreux rapprochements que l’on peut faire entre le hip-hop et le sport sont loin d’être anodins. Peu importe qui tu es et d’où tu viens : fais ce que tu sais faire et prouve à tout le monde que tu es le meilleur. Le sport, comme le hip-hop, est un art de la performance et du dépassement de soi (dans tous les sens du terme, d’ailleurs) et le sport, comme le hip-hop, utilise le concept de freestyle.
Il faut dire que d’ordinaire les véritables improvisations se font assez rares et les textes sont, souvent, préalablement écrits. Mais dans tous les cas, ce qui unit ces différentes expressions c’est l’aspect direct-live du morceau. Beaucoup d’artistes appellent même freestyle un de leur morceau qu’ils rejouent simplement sur un beat différent ou dans une forme alternative. Bref, le terme est compris dans un sens assez large. Mais où sont passés les vrais freestyles ? Noyée dans les vidéos préparées pendant des heures pour feindre le spontané, la réelle improvisation semble se perdre peu à peu.
Le vrai freestyle, c’est l’intelligence de l’instant, la vigilance de l’instinct. C’est la capacité à rapper un texte qui se crée à mesure qu’il se dit. C’est un pari de l’esprit qui mise alors toute son œuvre sur la fantasque intuition, laissant de côté les limites qu’impose la raison. C’est le mouvement incessant, le perpétuel renouvellement des formes, l’éternel mouvance des mots et d’une oralité qu’on ne peut ni figer ni fixer. C’est pour cela que l’improvisation poétique du rap constitue un objet d’étude tout à fait intéressant si l’on veut réfléchir sur le rap et sur ce qu’il représente dans l’histoire de l’art et du travail sur la langue. En effet l’expérience du freestyle, que l’on pourrait presque rapprocher de l’écriture automatique surréaliste, donne un panel de nouvelles possibilités poétiques. Si le cadavre exquis surréaliste (qui est d’ailleurs un titre de Médine) se proposait de laisser la parole à l’inconscient de l’auteur, le freestyle se veut plus comme une preuve du génie intuitif du MC. Plongée dans l’inconscient ou puisée dans les tréfonds lumineux de l’âme, l’improvisation d’une parole est dans tous les cas toujours fascinante car elle est toujours neuve.
Cette parole libre est caractéristique du rap en ce qu’elle propose une spontanéité inédite. Elle se fout du résultat et des conséquences ou autrement dit elle existe pour elle-même, sans but. Seul l’instant présent existe. C’est une philosophie de vie assez proche de celle du hip-hop né dans la précarité, avec une mentalité « Demain, c’est loin » et une violente volonté de vivre pleinement et sans attendre. Le freestyle est l’aboutissement absolu d’une philosophie de l’instantanée et de l’imprévu dont le hip-hop est un héritier artistique significatif.
Enfin pour donner un peu de caution à ces vaines et naïves paroles, je voulais citer une recherche scientifique qui a cherché à comprendre le processus mental du freestyle. Publiée dans la revue Scientific Reports, cette étude a donc tenté d’expliquer l’opération cérébrale des rappeurs au moment d’une improvisation. L’expérience consistait en l’observation par scan IRM des activités cérébrales de douze cobayes, tous rappeurs, qui se sont livrés à des exercices de rap aux modalités différentes : une improvisation et une récitation. En comparant les activités cérébrales au cours de ces deux séances, les chercheurs ont conclu que lors de l’improvisation les cerveaux des rappeurs se réorganisaient complètement en sollicitant beaucoup plus certaines zones que d’autres. Pour résumer, c’est en gros au niveau du cortex préfrontal médian, région cérébrale de l’intuition, que se situe la plus intense activité cérébrale au moment du freestyle tandis que les zones du cortex orbitofrontal, qui s’occupe de la censure, et le cortex préfrontal dorsolatéral, qui gère la planification, sont complètement inhibées.
Donc, en gros, le cerveau du rappeur improvisant oublierait « volontairement » de filtrer son activité par les contrôles de sa raison et les milices de la surveillance qui régissent et censurent les discours en germe. Autant qu’il nique la police de son quartier, le rappeur nique donc aussi la police de son cerveau. C’est ce qu’on appelle de la cohérence.
En résumé, sans vouloir catégoriser méthodiquement le rap et sans donner une définition « claire et distincte » du freestyle, il semblait intéressant de voir en quoi cette pratique d’improvisation pouvait résumer à elle seule les grandes caractéristiques du mouvement hip-hop à l’origine. Car si le hip-hop est insoumission et insolence, c’est bien à l’égard des rites, des codes classiques et de toutes les formes d’obstacles qui viennent entraver la liberté créatrice. Qu’importe le contenu et la motivation des textes, ce qui définit le rap reste la musicalité de sa forme d’expression scandé-saccadé mais aussi et surtout la volonté de s’amuser avec les règles usuelles et académiques.
Mais enfin n’oublions pas que le freestyle, par sa forme même, nécessite plusieurs facultés : une richesse lexicale, une vitalité de la mémoire, une maîtrise de la syntaxe (nécessaire aussi pour la détourner) et surtout une intuition du tempo et un sens de la musique qui, quand ils sont maîtrisés, font de ce magma confus de mots et de musique une harmonie inédite absolument formidable : un style libre. Comme quoi, le spontané se prépare et l’intuition se travaille. D’ailleurs, c’est une des autres grandes questions de la poésie : est-ce le fruit d’un dur labeur ou celui d’une inspiration des muses ? Mais ça, c’est un autre débat. Et les muses du rap, je n’en parle même pas. Vous imaginez, vous, des muses qui font du hip-hop dans votre tête ? Bref, moi je m’égare quand je pars en freestyle…
Pour lire l’étude scientifique dont il est question, c’est ici.
dites moi si il est bien mon textes les frères
wsh les gens abonner vous à mon insta: karim_vds_54
Vas y, je rentre, moi j’suis l’inconnu Pourtant il ne me fait pas peur avec ces paroles de lèche-cul tout le monde le sait je suis le meilleur Mon deuxième prènom c’est : PKI
Ton texte est minable Le mien est inclashable je suis tout simplement imbatable pour les gens comme toi, les nobo Je suis le plus détestable Tu n’as pas le niveau Tu joues encor dans les bac à sable
Oh!! t’as vu comment je te baise jsui en chaleur comme de la braize Avec mon clash, je te fait la misère Ma bite dans ton cul jt’nenvoie dans les airs
J’ai seulement écrit trois strophes Pour te montrer, que les tiens sont une catastrophe C’est vraie, tu n’es pas analfabète Mais désolé, Snff sa sent la défaite
Nekfeu et le S-crew je trouve qu’ils sont bon en freestyle, mais ce sont plus des paroles de leurs son qu’ils reprennent !
Très belle plume! Article véritablement passionnant.
Tu as oublié Dany Dan dans les patrons !
Très intéressant et bien écrit.
J’aime beaucoup réécouter les freestyles de Busta Flex (peut être le maitre de l’impro?), Zoxea et Fabe.
Pour le rap américain j’en connais très peu mais j’apprécie ce qu’a fait Big L. Notamment avec Jay-Z.
Beaucoup de points intéressants, en particulier la mention de l’étude sur l’activité cérébrale des MCs.
Bel article ;). One luv.