Le 15 novembre 2017, l’Institut du Monde Arabe accueillait le spectacle « Proses – Le rap est une littérature ». L’idée ? Les rappeurs Sadek et S.Pri Noir étaient réunis par le pianiste compositeur Issa Krimi afin de mélanger rap et littérature dans un format musical inédit.
Depuis quelques mois, quelques Parisiens chanceux ont pu assister à plusieurs soirées musicales innovantes sous le nom de PROSES. Le concept est étonnant : il s’agit de réunir rap, poésie et musique dans son essence la plus brute. Sous l’impulsion du producteur, compositeur et pianiste Issam Krimi, les rappeurs (ce soir-là, S.Pri Noir et Sadek) sélectionnent des textes qui seront réinterprétés en live, sur les beats de Dtweezer (que l’on a vu récemment sur les prods de Hamza) et avec l’aide d’un quatuor à cordes (Louise Salmona, Marc Desjardins, Marine Gandono et Juliette Salmona). C’est ainsi l’occasion de découvrir et redécouvrir la beauté des textes de grands auteurs tels que Leopold Sedar Senghor, Henri Michaux,…
Le spectacle met en scène un dialogue entre mots et musicalités, rythmes, ponts, écarts et proximité, styles et obsessions, sans distinction de genre ou de types musicaux. C’est donc l’occasion de découvrir les rappeurs sous un nouveau jour, dans une institution culturelle peu habituée au hip-hop. Dans ce cadre si particulier, on se met à réfléchir à l’importance des mots dans le rap et donc sur l’héritage de la littérature française dans le hip-hop francophone. Ainsi, on explore des univers riches et percutants où les mots et les sons s’enchaînent en un claquement de flow.
« Femme nue, femme noire / Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel / Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie. »-Leopold Sedar Senghor
Ce soir-là, S.Pri Noir revisite ses propres textes, tout en mettant en lumière la femme Noire avec de magnifiques textes de Senghor (notamment Femmes Noires). Tandis que Sadek reprend Alfred de Musset (poème Tristesse) et Al Pacino. Les limites entre rap et littérature semblent s’effacer : on ne sait plus vraiment si les textes prononcés par les rappeurs sont de leurs plumes ou empruntés à des poètes qui les inspirent. C’est une vraie reconnaissance du hip-hop qui s’enclenche depuis quelques années dans l’hexagone, avec notamment l’ouverture d’un séminaire La Plume et le bitume sur le rap à l’ENS. Finalement, la reconnaissance par les institutions, malgré les critiques, c’est aussi quelques choses de créatifs, Proses en est un magnifique exemple.
« C’est génial de pouvoir dire des insultes avec un quatuor de violons derrière » – Sadek
ll faut donc remercier Auguri Productions et Issam Krimi pour ce nouvel ovni dans le paysage des concerts parisiens. Musicien de son époque, au-delà des « clivages stylistiques », il présente une discographie très éclectique, aussi bien en tant qu’artiste que producteur. Issu du jazz, il joue ces dernières années avec le Quatuor Zaïde comme avec les plus grands artistes de hip-hop que sont IAM, Youssoupha, Bigflo & Oli, Soprano et bien d’autres. Il compose pour l’image, aussi bien pour des films primés internationalement que des documentaires pour Arte, France Télévision… Il est également producteur d’une émission live sur Mouv’ et Directeur Artistique du Hip Hop Symphonique, création avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France.
Cette expérience étonnante souligne la force de la musique qui permet donc de séduire un public très varié : ceux qui aiment le rap, ceux qui aiment la littérature, et surtout, ceux qui aiment les deux.