A Monsieur Boileau, admiré législateur,
Je vous écris près de quatre siècles après votre naissance. Je ne peux savoir si vous aurez déjà achevé votre fameux Art poétique à la réception de cette lettre ; pour le bien de cette correspondance, je vais présumer que c’est le cas. Par ailleurs, je vous prie par avance de pardonner le ton brutal et quelque peu rude que je vais adopter. Mais, vous en conviendrez, persuader un esprit tel que le vôtre requiert une rhétorique sans fard ni artifice. C’est pourquoi j’ai décidé de vous adresser un exemple plutôt que de grands discours savamment agencés dont vous auriez immédiatement cerné la rhétorique trompeuse ; vous trouverez les cinquante-six vers qui le composent joints à cette lettre.
Cet exemple nécessite cependant, pour être compris tout à fait, un bref éclaircissement. Vers la fin du XXème siècle est apparu aux États-Unis d’Amérique (cette nation n’est pas encore née à votre époque ; mais peut-être aurez-vous entendu parler de colonies britanniques établies dans le Nouveau Monde ?) un mouvement artistique et culturel qui s’est vite exporté à travers le monde, et même en France depuis trente ans. Ce mouvement a permis l’émergence d’une nouvelle musique, de nouveaux codes, d’une nouvelle perception de l’acte musical et littéraire. Si certains voient en son nom l’acronyme de « Rythme et Poésie », de l’anglais « Rhythm And Poetry », il est couramment et plus simplement appelé rap. Les doctes de mon temps me mèneraient à l’échafaud pour avoir osé comparer votre poétique à celle d’un rappeur ; il me semble pourtant que cet homme et son œuvre témoignent à eux seuls de la valeur puissamment littéraire de cette pratique musicale.
Mais la question n’est pas là, et vous n’êtes de toute façon pas familier avec le discrédit dont souffre cet art : il ne m’est donc pas nécessaire de répondre de ce choix, n’est-ce pas ? Il me semble encore que l’œuvre de Fayçal (c’est son nom) pourrait vous surprendre non seulement par l’harmonie de ses codes, leur ressemblance avec les vôtres et la richesse de son contenu, mais aussi et surtout parce qu’elle constitue un parfait exemple de transcendance de vos préceptes, qui sont en 2016 – je suis désolé de vous l’apprendre et de vous le révéler aussi durement – désuets et dépassés. Mais pardonnez ce trop long préambule ; nous allons parler de l’œuvre Grandeurs et décadences, clairement et fortement inspirée par la culture antique et l’esthétique de votre temps. Je suis persuadé que vous serez très surpris de constater que la poétique d’un jeune écrivain du XXIème siècle puisse être aussi proche de la vôtre.
Vous aurez sans doute remarqué que cette œuvre n’obéit pas à un mètre précis ; il faut en effet que vous compreniez que le rap est poésie orale. Chez Fayçal, les différences de mètre créent ainsi des effets d’accélération et de ralentissement, mais chacun des vers occupe pour ainsi dire le même « temps de parole ». Ces vers sont donc en réalité d’une régularité extrême, et, par exemple, un commun effet de ralentissement créera une résonance entre les expressions « vint l’humanité » et « en vain dynamitées » ; saisissez-vous désormais comment fonctionne cette poésie ? Je sais en effet l’importance que revêt pour vous un rythme clair et régulier. Les codes poétiques du rap permettent l’instauration d’une telle cadence, et cela en dépit du mètre ; nous en reparlerons. Mais vous noterez que le vers n’en est pas pour autant boiteux : Fayçal applique l’hémistiche, marqué à l’oreille par une percussion et le schéma de rimes. Pour vous citer, l’oreille n’en est donc pas « blessée ». De même, l’œuvre Grandeurs et décadences ne comporte qu’un seul enjambement : « Mes sépultures sont légions, mais le drame / Ce sont ces hordes qui amalgament cultures et religions ». Cet écart n’est cependant pas injustifié : il crée une emphase forte et éloquente sur le vocable « drame ».
Mais j’aimerais attirer votre attention sur une autre particularité de la poétique de Fayçal ; une particularité d’ordre musical certes, mais la poésie est musique : je vous sais d’accord avec moi sur ce point. Permettez que je cite à ce propos deux de mes vers favoris du premier chant de votre Art poétique : « Prenez mieux votre ton. Soyez simple avec art, / Sublime sans orgueil, agréable sans fard ». En dépit du fait que vous n’aurez – hélas ! – jamais l’occasion d’écouter l’œuvre de ce rappeur, je me dois de vous souligner qu’il respecte et applique ce dernier précepte à la lettre. Il est même très troublant de constater comme ces deux vers caractérisent éminemment bien l’œuvre du jeune poète. La voix, le ton, la rhétorique même de Fayçal ne se veulent en effet pas grandiloquentes : si la substance de son discours l’est, sa forme est résolument humble et modeste.
Par ailleurs, vous aurez remarqué que le thème de ce texte, s’il n’est pas sublime, n’en est pas pour autant vulgaire ; et la richesse de l’expression du poète est à la hauteur de la beauté de ses idées. Peut-être apprécierez-vous aussi l’utilisation des répertoires antiques et païens dans ce texte, ainsi que ces deux vers, qui vous montrent que l’Antiquité restera une influence essentielle pour les poètes, même quatre siècles après vous : « Féru de mythologies, érudit du théorique, / J’étudie ma rhétorique, rue de l’étymologie ». L’œuvre suit de plus une progression logique, peut-être difficile à cerner à la première lecture ; elle débute en effet par la mention d’un passé lointain (« Depuis les prévisions célestes des oracles de Delphes ») pour s’achever sur une note d’espoir pour le futur (« Que l’aurore de demain soit splendeur pour la descendance »). Le corps du texte décrit ainsi la condition du jeune homme au milieu – très justement – d’un passé plein d’exemples négatifs et d’un futur que l’on voudrait positif. Vous apprécierez donc, pour vous citer une fois de plus, « l’art délicat » du poète dans l’assemblage des « diverses parties ».
Mais venons-en à l’essentiel. Vous l’aurez sans doute remarqué, la principale caractéristique de la poétique du rappeur réside dans son exploitation de la rime. Je sais et j’entends votre sévère jugement à ce sujet ; il en est de même pour votre haine du « pompeux Barbarisme », que vous pourriez appliquer ici au terme « dynamitées », par exemple. Je vous prierais cependant, Sieur Boileau, d’examiner la richesse et la cadence de la rime dans ces quatre premiers vers. Elle n’est ici pas, comme vous le diriez, « assemblée sans mesure » : la première lecture pourrait faire croire à une vaine abondance, mais un observateur aussi averti que vous aura remarqué sa fonction rythmique, que j’ai précédemment mentionnée. Sa richesse est certes admirable, mais sa véritable force repose d’abord sur la résonance qu’elle crée entre les termes qui riment, mais aussi et surtout sur la cadence, très régulière et épurée, qu’elle confère au texte ; vous pouvez à ce propos examiner l’exemple des vers 5 à 8. La poétique de Fayçal trouve sa source dans cette régularité de la rime, qui crée une régularité du rythme ; rendant ainsi l’emploi d’un mètre tel que l’alexandrin désuet.
Je pense avoir désormais mobilisé suffisamment d’arguments pour vous avoir convaincu des faits suivants au moins : la poésie de Fayçal obéit « aux règles du devoir » ; ses vers connaissent « une juste cadence » ; sa Muse, enfin, est disciplinée. Cela étant dit, il me faut aussi souligner les points sur lesquels sa poétique et la vôtre divergent. Il y en a peu (étonnant, n’est-ce pas ?), mais il y en a.
D’abord, il ne montre pas le même attachement que vous à éviter la cacophonie des voyelles. Peut-être pourriez-vous aussi reprocher au poète l’occasionnelle obscurité de son langage, même si son esthétique ne repose certainement pas sur un sens donné et absolu. Le mètre irrégulier, dont nous avons déjà parlé, pourrait aussi vous déranger, et ce malgré mes explications. Ce sont, il me semble, les deux points les plus aptes à vous déplaire dans ces quelques vers. Ces deux phénomènes ont pour cause commune l’exploitation particulière de la rime dans la poétique de Fayçal. J’aimerais citer à ce propos deux autres de vos vers : « Un stile si rapide, et qui court en rimant, / Marque moins trop d’esprit, que peu de jugement ». Mais si notre poète bordelais « court en rimant », c’est parce que sa rime est rythme ; sa rime est mètre.
Votre conception de la poésie est fortement attachée à la langue (ce que je ne critique nullement ; bien au contraire) ; celle de Fayçal est éminemment musicale (ce qui ne veut évidemment pas pour autant dire que sa poésie n’est pas littéraire). Malgré les nombreux points communs que partagent vos rhétoriques respectives, elles se fondent sur des racines tout à fait différentes ; c’est pour cette raison précise que vos techniques d’exploitation de la langue et de sa musicalité sont fondamentalement divergentes ; c’est pour cette raison précise que tant des préceptes que vous préconisez dans votre Art poétique ne s’appliquent pas à Fayçal et plus largement à la grande majorité des poètes – et à l’intégralité des rappeurs. Ils ne permettent la pratique que d’une forme bien donnée de poésie ; or il en existe autant de formes qu’il existe d’hommes.
C’est pourquoi vos codes sont, à mon sens, vains. Les nombreuses ressemblances de votre poétique et de celle d’un poète du XXIème siècle ne nous prouvent pas que la « recette du Beau » n’a pas changé ; elles nous montrent seulement la persistance et la force de l’héritage que vous et votre époque avez laissé. J’espère ne pas vous avoir heurté, mais Fayçal n’a nul besoin de recourir à l’alexandrin, à l’hémistiche, au respect de la non-cacophonie et à tous vos autres préceptes pour être clairement inspiré par l’esthétique de votre siècle, notamment la vôtre. Ses vers sont d’une régularité extrême, sa rime est riche et maîtrisée, son ton simple et humble, ses sujets graves et universels ; il me semble que ce texte, Sieur Boileau, constitue un parfait exemple de ce que l’esthétique littéraire de mon époque a retenu de celle de votre siècle.
Les codes poétiques du jeune écrivain, son vocabulaire et sa rhétorique connaissent une inspiration éminemment classique (c’est ainsi que nous appelons l’art de votre temps) ; il ne s’agit pourtant pas d’imiter, mais de dépasser : pour reprendre mon expression de tantôt, la « recette du Beau » n’est plus la même, mais les ingrédients n’en ont pas changé. Fayçal, comme vous, est attaché à la régularité du rythme : mais il ne la pratique plus de la même manière ; comme vous, il est attaché au sens et à la rime : mais il ne les pratique plus de la même manière. C’est cela que j’entendais, quand je vous disais qu’il s’agit d’un « parfait exemple de transcendance de vos préceptes ».
Cher législateur, si je ne vous ai pas convaincu, j’espère au moins avoir suscité votre intérêt et ouvert votre esprit. La poésie est un art si complexe, si subtil ; comment espérer le réduire à une méthode ? Adieu, Sieur Boileau ; j’imagine que notre prochaine conversation aura lieu à la lecture de l’une de vos œuvres. Puissiez-vous accorder un peu plus de liberté à votre Muse d’ici là ! Très humblement,
Un jeune lettré du XXIème siècle.
[…] Lettre ouverte à Boileau, Rap et classicisme, de Boileau à Fayçal […]
Bonjour,
Je suis une jeune auditrice de Rap et fana de Littérature ! Je viens de tomber sur cette lettre/article. Et je dois dire être très impressionné et ravie de voir que l’on peut discuter ainsi du rap ! Autrement qu’avec les commentaires Youtube se limitant à « Lourd », »Nul à chier » etc…
Pour ce qui est du sujet ici repris, l’esthétique poétique du rap. Je dois dire ne pas avoir encore assez appris sur la question pour vous donner un avis (J’ai que 15 ans). Dans ce commentaire je souhaite donc juste vous remercier et vous dire bravo d’écrire ainsi sur le Rap !
Je rajouterais aussi que ce qui rends beaucoup de textes de rap illisibles ou sans intérêt en dehors de leurs contextes d’énonciation(la musique,quoi), est la quasi absence de figures macro-structurales. La progression et l’élaboration du texte vont presque toujours vers la rime/le rythme et les effets stylistiques ne font que s’y adapter, plutôt que de se placer sous le « joug » d’un effet global, d’un thème commun ou d’une construction stylistique large(métaphore filée, chiasme…).
Il y à évidemment plein d’exceptions notables et ce sont plutôt des textes qui se lisent bien par exemple, au-delà de la musique, ce qui est très rare. La Chanson du mort-vivant de Casey, par exemple. Presque tout le dernier EP de Vîrus, qui sur un plan textuel est basé sur la concordance de deux réalités : La dualité des choses et des gens qu’il décrit, et la façon dont sa stylistique s’imprègne de cette dualité. Double lecture du monde, double lecture du texte; les perspectives s’entremêlent.
C’est un des rares rappeurs chez qui, grossièrement, le « fond » et la « forme » cohabitent réellement, au-delà de la formule de Fabe assez alambiquée.
Merci pour toutes ces fleurs, je ne peux que riposter en disant que rarement un article ne m’a stimulé au point de pondre un commentaire de douze paragraphes.
Evidemment je ne peux être que d’accord : c’est Booba qui a lancé ce bordel ; même si on doit reconnaître que tous les rappeurs ont un peu (plus ou moins) ce penchant vers le relâchement syntaxique (ce qui fait toute leur originalité, ce qui ouvre des perspectives poétiques nouvelles) : ils n’ont pour la plupart pas été éduqué à coup d’esthétique classique, de prose littéraire guindée, de coordination obligatoire des idées etc. qui sont le lot de tous les branleurs de plans en trois partie.
Ta nuance est très juste ; c’est un point que je n’ai pas assez développé mais évidemment toute la scène rap à message politique (par exemple ; y a des « non politisés » aussi qui ont une écriture plus « classique »/littéraire : Lucio Bukowski) a forcément un souci plus aigu de la coordination, car les idées / le message sont l’élément premier à faire passer à l’auditeur (avant le style, le rythme, le flow etc. d’où cette critique souvent faite au rap français, en ces premiers temps, de privilégier le texte sur la musicalité, par opposition aux Américains ; cliché inadmissible devant la diversité du paysage rapique français contemporain). Kyma, TSR Crew, Mysa, Anfalsh, Casey, etc.
Luv too !
Merci pour ce commentaire, de toute mon existence virtuelle je ne pense pas en avoir lu de plus pertinent ni de plus intéressant. Je ne peux qu’approuver tout ce que tu as dit, et j’aurais effectivement pu et dû parler de cette facette de l’esthétique du rap. Mais obsession de la nuance oblige, bien que cette caractéristique (l’absence de coordination syntaxique) soit effectivement ultra présente en rap français, elle est loin – je pense que tu seras d’accord – de constituer un standard. Il me semble que c’est avec B2o (le champion de la brièveté) que cette manière de concevoir le « vers rap » s’est popularisée.
Bref, en tout cas extrêmement bien vu mon cher, ce que tu as formulé je l’ai souvent pensé sans poser de mots dessus et pour ça, merci. Bonne soirée ! One luv.
Salut négro ravi de savoir que tu as récidivé entre deux théorisations de la poétique rapologique.
Au-delà des louanges évidents à adresser à ta démarche (idée marrante traité avec esprit, qualité de l’expression, pertinence de l’analyse), je voudrais ajouter ce qui me semble une caractéristique majeure de la poétique du rap contemporain, et de Fayçal en particulier, et qui le distingue radicalement de Boileau et de son modèle antique : l’absence de coordination.
Fayçal a une langue et un souci métrique très imprégnés de la poétique classique ; cependant, le vers libre, Proust, les surréalistes, le cubisme et Twitter sont passés entre temps et ont fracassé, morcelé, délié l’expression littéraire. Dans le rap contemporain, les rappeurs n’ont pas trop le souci de lier les phrases entre elles, ni d’unifier leurs morceaux autour d’un thème, d’une idée particulière. C’est plutôt de l’impressionnisme, on écrit par petites touches colorées qui, mises en réseau, forment un univers personnel à l’artiste concerné : c’est très visible chez PNL.
(Un exemple : peuvent passer ceux qui ont la flemme de lire. Le couplet d’Ademo sur « Plus Tony que Sosa » : « J’attends qu’la nuit tombe solo j’écris un tube / Sauvage, un animal au milieu des hommes » : le premier vers on s’imagine Ademo seul au clair de lune en train de gratter un texte, mais déjà le second vers est « hors sujet » et revient à une considération générale sur son identité, on sort complètement de la situation d’énonciation du premier. La suite est encore plus floue/détachée dans son lien avec les vers précédents : « Mowgli fait ses premiers pas dans la nature / J’transporte le kilo d’Val-de-Marne en Essonne » : oublié le Ademo qui écrit son poème à la nuit tombée, maintenant il semble qu’il nous parle de son enfance passée à dealer, à faire des aller-retours en Île de France pour aller chercher la guedro, etc. Bon ! deux remarques :
– Toutes ces phrases ne sont évidemment pas sans lien ; c’est un peu à l’auditeur-lecteur de reconstituer : par exemple on peut faire l’hypothèse que le texte qui suit le premier vers « j’écris un tube » est précisément ce texte qu’il est en train d’écrire.
– Mais je pencherais plutôt sur une poétique de l’association libre d’idées, un peu comme elles viennent, comme elles riment, pour dresser un portrait morcelé par petites touches impressionnistes. Ces touches se rattachent à un univers / une identité forte de l’artiste, elles ne sont pas sans lien : Mowgli, le deal, la solitude, l’animalité sont des thèmes récurrents de la « mythologie PNL ».
=> Ce qui est absent est le lien grammatical !!)
Une remarque sur cette caractéristiques du rap (l’absence du lien grammatical entre les vers, et souvent l’absence de lien explicite entre les idées exprimées par les vers) : elle caractérise surtout le rap le plus récent (post-2000s), avant, les rappeurs avaient une plus grande exigence vis-à-vis de cela, qui allait de pair souvent avec un engagement politique affirmé, qui comme on le sait, en littérature, amène à privilégier le message sur sa qualité stylistique : La Rumeur en est le parangon. Mais ça me semble valable aussi pour pas mal de groupes de l’époque genre Assassin, NTM, IAM, etc.
Fayçal est évidemment à classer avec ces rappeurs qui donnent plus d’importance au lien grammatical ; mais comme tout rappeur, il s’accorde une très grande licence vis à vis de cette exigence. J’ai toujours trouvé que le morceau Grandeurs et décadences en était caractéristique. Les 4 premiers vers sont à peu près liés (subordination, compléments circonstanciels de temps, etc.).
Puis on a ce truc qui ferait se retourner Boileau dans sa tombe : « Millénaire numéro trois ».
« Les phases se répètent : conquêtes, victoires
L’emphase d’un air de trompette et des requêtes contradictoires
Millénaire numéro trois, n’est guère unique »
Le lien avec ce qui précède est obscur en première lecture, on comprend vite que c’est une conséquence, mais quand même : pas de déterminant, pas de conjonction de coordination, sacré Fayçal ! Le texte est truffé de ruptures, ellipses, anacoluthes, parataxes de ce genre.
« Précieux est le grain, le savoir, le sablier
—->J’ai pardonné mes chagrins, mais sans les avoir oubliés
—-> Désordonné entre latitudes et méridiens
Je coordonnais l’attitude des Amérindiens »
Les flèches indiquent l’absence de coordination, qui se recouvrent d’une absence de lien d’idée précis avec la phrase suivante (pourquoi passer de l’oubli des chagrins aux Amérindiens ?). (D’où une certaine « obscurité » du texte, comme tu l’as remarqué, qui est absolument contraire à l’exigence classique de simplicité/clarté).
J’abrège, mais cette caractéristique du rap est en rupture, à mon avis, avec « l’esthétique » classique, fondée sur la connaissance des langues anciennes ; pour ce que j’en sais, le grec ancien DETESTE l’absence de coordination entre les phrases : il est impossible de ne pas y trouver un « gar » (en effet) ou un « de » (et) qui lient toutes les phrases, portions de phrases entre elles.
Voilà ce qui me semble une différence profonde, entre autres, entre le rap et Boileau.
PS : c’est une analyse à chaud et bâclée.
PS2 : ne surtout pas voir dans ma description de l’esthétique du rap une critique : je trouve ça très bien qu’il n’y ait pas de lien grammatical.
A plus cher collègue onaniste du ciboulot !