Dossiers Le rap français et ...

Le rap français et le Name-Dropping

Une figure de style pour frapper l’auditeur.

Bret-Easton-Ellis_American-Psycho2On se souvient tous de la phase de Booba, sur le morceau 92.I autrefois avec son groupe Lunatic « Rambo contre Gandhi, quand Marc Dutroux rencontre Candy« . Avec cette figure de style, l’artiste établit d’abord un parallèle entre deux « puissances » : la puissance physique face à la puissance morale et intellectuelle. Puis, Booba place l’héroïne, fictive, de la série d’animation face au criminel, qui lui est bien réel. Le résultat est brutal : puissance colossale qui vient désinfantiliser le récepteur du message par la force physique et morale. Ici, forme et fond s’accordent pour affirmer son autorité et sa domination sur les autres collectifs de rap de l’époque, ce sont les caractéristiques de l’égotrip.

Cependant, cette technique a aussi servi à transmettre des messages sociaux ou politiques. Sur le morceau L’impertinent, Fabe écrit « Si Jean-Marie courait aussi vite que je l’emmerde, il serait tellement loin ». Il nomme, bien évidemment, l’ancien chef du Front National, pour exprimer son dégoût envers l’homme et les valeurs qu’il porte. De plus, pour accentuer ses propos, Fabe fait référence à Louis-Ferdinand Céline en réutilisant une de ses expressions argotiques dans le roman Voyage Au Bout de La Nuit – « Foutez-vous donc des affaires de la “Compagnie Pordurière”, comme elle se fout des vôtres et si vous courez aussi vite qu’elle vous emmerde, la Compagnie, je peux vous dire dès aujourd’hui que vous allez certainement le gagner le “Grand Prix” !… ».
George-Orwell

Attaquons-nous maintenant, à Lucio Bukowski. Une nouvelle forme du name-dropping ! Ce dernier utilise cette technique pour diverses raisons, mais elle est principalement incitative. En effet, une des phases les plus connues est « T’as pas lu Orwell mais tu rappes comme en 84 ». Dans ce vers, il fait référence au célèbre roman d’anticipation 1984, de Georges Orwell, illustrant une société dystopique qui laisse croire à la population qu’elle est libre de ses choix et de ses convictions.

En réalité, cette population est sous l’emprise du système, illustré par Big Brother. Lucio fait donc ce renvoi à 1984 pour blâmer une partie des rappeurs qui revendiquent une attitude de révolté, en marge des institutions (illustrés par certaines radios et maisons de disques ?), alors qu’ils y sont soumis sans le savoir. Mais ce n’est pas le seul but de l’artiste, en effet, en y faisant référence, il recommande implicitement à l’auditeur de lire cette œuvre.

Pages : 1 / 2 / 3 / 4

5 commentaires

  1. Très bon article même si on retombe souvent sur les mêmes artistes malgré la variété des thèmes abordés.

    Concernant le name dropping, comme T.BRED MMC, j’ai pensé directement à « Lecture aléatoire » de Médine et son énorme « Dans la caisse, on bosse IV my people
    Mais la rouille rongera la chaîne
    Tout sera moins cool quand Joey deviendra star dans les chaînes »

  2. Louis-Ferdinand Céline, et non Louis Fernand. Sinon l’article est intéressant dans sa quête de vérité artistique. Cela fait plaisir de voir que le rap, pour certains, n’est pas « une sous culture d’analphabétes » mais bien un mouvement artistique, et donc analysable intellectuellement.

  3. L’article est de qualité et le sujet est vraiment intéressant. Un phénomène dont on parle peu dans le rap mais auquel la plupart des rappeurs accordent de l’importance sans parfois même s’en rendre compte.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.