Dossiers Le rap français et ...

Le rap français et le Name-Dropping

Des morceaux basés uniquement sur le name-dropping.

Jusqu’à maintenant, nous avons parlé d’un name-dropping ostensible, bref et court, une simple référence sur un vers ou deux. Mais il existe des textes, uniquement construits avec cette figure de style, elle sera alors intégrée de manière informulée … Elle permet, par exemple, à l’artiste d’établir une critique tacite mais violente, d’un domaine bien particulier. Avec son texte Ma chaine mosaïque, Demi-Portion réalise d’abord une illustration de sa jeunesse, bercée par le petit écran en énumérant un nombre important de programmes télévisés afin de créer des phrases classiques. Les noms de programmes télévisés sont, plus ou moins, dissimulés dans ses vers. « C’est à prendre ou à laisser, c’est en cachette que l’on se sert / Y’a les enfants de la télé, derrière l’écran y’a la misère ».

Ensuite à la moitié du texte, l’artiste se débarrasse de son caractère candide et commence son pamphlet sur plusieurs axes. Dans un premier temps, il s’en prend à la « propagande de terreur » menée par les médias « Si j’te dis qu’Al-Qaïda gère même la chaîne de Thalassa ». Exaspéré par l’omniprésence du mot « terrorisme » souvent accompagné de l’amalgame avec « islam », Demi-Portion ridiculise la télévision, ainsi que le téléspectateur aliéné par l’écran, en hyperbolisant les mensonges diffusés au grand-public. « Que l’incroyable talent c’est une nouvelle star dans la pop ». Ensuite, le rappeur s’en prend à l’image que donne la télé de la musique avec des programmes tels que La Nouvelle Star ou encore The Voice qui affirment « Voici la musique actuelle, et celle de demain ».

En réalité, ces émissions présentent seulement des artistes formatés à la commercialisation, dont la mélomanie reste à prouver, selon Demi-Portion. Enfin, avec la phrase « Que les filles plus saines sont sur l’île de la tentation », Demi-Portion met les médias devant le fait accompli : selon l’INSEE, en 2010, les personnes de 15 à 19 ans passaient en moyenne 2 heures et 9 minutes par jour devant la télévision, à défaut de ne pas avoir trouvé de statistiques chez les plus jeunes. C’est donc une population, majoritairement, encore influençable en fonction de la catégorie sociale, qui prend, parfois, ce qu’elle voit à la télévision pour exemple. En diffusant des programmes tels que l’Île de la tentation, les médias exposent l’adultère et autres excès et incitent, de manière indirecte, à faire la même chose. Parfois, ce procédé est aussi intégré dans un morceau afin de rapper son addiction aux drogues ou à l’alcool, c’est notamment le cas de Coma Artificiel d’Hugo TSR, un des piliers du name-dropping. A noter que ce morceau va bien plus loin qu’une simple confession sur les addictifs, son exégèse est ici.

Pages : 1 / 2 / 3 / 4

5 commentaires

  1. Très bon article même si on retombe souvent sur les mêmes artistes malgré la variété des thèmes abordés.

    Concernant le name dropping, comme T.BRED MMC, j’ai pensé directement à « Lecture aléatoire » de Médine et son énorme « Dans la caisse, on bosse IV my people
    Mais la rouille rongera la chaîne
    Tout sera moins cool quand Joey deviendra star dans les chaînes »

  2. Louis-Ferdinand Céline, et non Louis Fernand. Sinon l’article est intéressant dans sa quête de vérité artistique. Cela fait plaisir de voir que le rap, pour certains, n’est pas « une sous culture d’analphabétes » mais bien un mouvement artistique, et donc analysable intellectuellement.

  3. L’article est de qualité et le sujet est vraiment intéressant. Un phénomène dont on parle peu dans le rap mais auquel la plupart des rappeurs accordent de l’importance sans parfois même s’en rendre compte.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.