Du 10 au 15 juillet cette année, nous avons eu la chance de pouvoir vivre « l’expérience Dour » : 5 jours intenses que nous avons vécu à 100 à l’heure et qu’on avait vraiment envie de vous raconter…
Cette année, c’est 251 000 festivaliers (un record !) qui ont investi la petite ville belge de Dour (16 000 habitants à l’année), pour sa 31ème édition. Festival généraliste qui aime se présenter comme un défricheur de talents émergents, Dour Fest faire la part belle au Hip-Hop depuis quelques années. On en avait d’ailleurs discuté avec l’un de ses programmateurs (interview dispo ICI).
Le line-up de cette édition affichait de très beaux noms, qui nous avait mis l’eau à la bouche. Le rap francophone était bien représenté cette année avec des artistes tels que Damso, Le 77, Vald, Dinos, Alpha Wann, Josman, SCH et bien plus encore… Les artistes internationaux nous ont également envoyé du rêve sur le papier : Sheck Wes, Vince Staples, Cypress Hill, Schoolboy Q (à la place d’A$AP Rocky, toujours bloqué en Suède), ou même IAMDDB, Octavian, Jay Rock, Flatbush Zombies et maître Kaytranada.
Bref, vous l’aurez compris, il y en avait pour tous les goûts et on voulait tout faire, tout voir, tout écouter. Bien entendu, nous n’avons pas pu : il y avait plus de 200 concerts prévus sur ces 5 jours très chargés.
Éminemment subjectif, nous vous présentons donc, avec toute l’intimité que l’on peut avoir sur internet, notre journal de bord de ce Dour 2019.
Histoire de rendre justice au festival et toute l’expérience que cela représente, nous avons décidé de faire plusieurs articles, à suivre ce mois d’août, à lire comme un journal de bord… Cette fois, on vous raconte le vendredi, notre troisème journée sur le festival.
VENDREDI
La fatigue nous rattrape déjà, et nous ne sommes qu’à la moitié du festival. Vous l’avez deviné, le réveil est difficile. On ne se laisse pas abattre pour autant, et on émerge doucement en fin de matinée (donc très tôt en heure de Dour).
À la sortie de la tente, c’est le magnifique ciel gris qui nous accueille. Un temps lourd, avec un peu de vent et la grisaille : ce n’est pas bon signe. C’est évident, nous sommes très intelligents : nous décidons donc de braver la météo belge, en se disant qu’il vaut mieux avoir froid, qu’avoir des vestes à porter toute la journée (parce qu’on a chaud). Vous sentez venir la grosse erreur ?
Petit t-shirt sur le dos, nous partons en quête de caféine, indispensable en ce 3e jour. Posés à l’espace presse, c’est le moment de revoir les notes que nous avons prises sur le festival, partager nos expériences, et réfléchir à des sujets intéressants à développer, que le festival pourrait nous inspirer. C’est aussi le moment de caler des interviews, si l’on arrive à attraper les débordés et élusifs attachés de presse présents. Par chance, on finit par obtenir le génial groupe Le 77, qu’on aime beaucoup depuis lors passage au Point Éphémère à Paris, qu’on vous avait raconté ICI.
L’interview est programmée juste après le concert de Moka Boka, sensation belge du moment que nous partons voir tout de suite après avoir bu notre potion magique.
Moka Boka est programmé très tôt dans la journée (c’est à dire aux aurores pour un festivalier), mais on est surpris par le nombre de gens déjà présents. Le rappeur prend du plaisir, tout comme le public, ravi de l’exclu qu’il joue en fin de set. Sans grands efforts, il nous a définitivement charmés.
Au moment de sortir de la Boombox pour retrouver le 77 afin de les interviewer, c’est une énorme averse qui nous tombe sur la tête. Des trombes d’eau s’abattent sur nous, et le temps de courir pour aller s’abriter, nous sommes déjà tellement trempés qu’il faut essorer nos vêtements afin qu’ils soient moins lourds.
On aurait dû être plus malins, la météo belge ne pardonne pas. Il ne fait pas spécialement froid, mais l’humidité ambiante après la pluie et nos t-shirts mouillés qui collent à la peau nous font frissonner. Interview annulée, chaussures qui glissent et retour camping : décidément, cette journée s’avère compliquée.
Déterminés à ne pas laisser cette mésaventure gâcher notre journée, nous prenons la direction du Rockamadour pour assister une nouvelle fois à l’enregistrement du NoSun (pardon, NoFun), afin de sécher en écoutant parler de rap, une bière à la main, les pieds dans le sable. La zumba doit avoir un certain pouvoir d’invocation, puisque à peine arrivé, le soleil est déjà de retour…
Après cette parenthèse entre les concerts, nous enchaînons avec le concert du parisien Jazzy Bazz. Accompagné de son groupe The Hop Band et de son backeur de toujours Esso (avec qui il forme la Cool Connexion), « le Jazzy Bazz ne fait qu’exceller ». Ce n’est pas la première fois qu’on le voit en live, mais il nous régale toujours autant. Si ce n’est pas déjà fait, c’est un rappeur à voir en concert : parfait pour découvrir une nouvelle facette de sa musique. Sa maîtrise de l’écriture se ressent encore plus lorsqu’on l’entend enchaîner les punchlines et les textes (très écrits) avec une facilité déconcertante.
Et si l’on pourrait penser aux premiers abords que sa musique n’est pas faite pour le live, c’est une erreur quand on voit le turn-up que Jazzy Bazz et Esso peuvent mettre sur certains morceaux (l’incroyable Ultra Parisien fonctionne vraiment partout). Mention spéciale à l’excellent Loubenski, artiste de talent, qui a également joué en fond le thème de l’album Les Etoiles Vagabondes de Nekfeu, sur lequel il a travaillé…
Avant le concert de Youssoupha, sur la scène principale, nous découvrons le sandwich au cervelas, plus gros que le très belge sandwich à la fricadelle. Arrosé de sauce, le sandwich est composé de deux grosses saucisses accompagnées d’oignons, pour notre plus grand plaisir.
Revigorés, nous pouvons ainsi profiter à fond du concert de Youssoupha, qui est accompagné de son live band et choristes. Avec le soleil couchant, le cadre est parfait pour un concert complet où nous faisons le plein de bonnes vibes, malgré les longs et multiples discours du rappeur durant le set.
D’ailleurs, les bonnes vibes ne semblent pas toucher que nos petites personnes quand on voit le nombre de couples autour de nous. Quelle belle « choupinance » dirait l’une de nos collègues journalistes… (même si c’est moins choupi quand on croise des couples particulièrement à fond, qui finissent avec des traces de rouges à lèvres jusqu’au front).
Petit tour pour aller voir le set du franco-britannique Octavian, révélé par le très cool Feel It sur sa mixtape Spaceman. D’origine angolaise, né à Lille, vivant à Londres et soutenu par Drake : le rappeur est porteur d’une grime mondialisée qui est une vraie tuerie en live.
Retour ensuite au rap francophone avec Vald, bien parti pour ce début d’été avec le single Elevation (dont nous vous avons parlé ICI), et qui en est à son troisième festival de Dour. Posé en marge de la foule, nous ne sommes pas touchés par le turn up qui semble gagner le public. Fidèle à sa réputation, le rappeur est visiblement défoncé, mais cette fois peut-être un peu trop pour livrer un bon concert. Son set est finalement l’une de nos plus grosses déceptions du festival : il ne finit pas ses phrases, ne fait pas ses sons en entier et livre une prestation presque monotone. Au milieu des pogos, l’alchimie semble prendre, mais tombe à plat de notre coté. Nous attendions en rappeur, nous avons eu un entertainer (c’est peut-être notre faute d’en avoir attendu plus).
Nous avons d’ailleurs eu droit à de très bons « entertainers » avec les frères du duo Rae Sremmurd. Le début du set est gêné par des réglages de sons faits avec les pieds et par le volume du son de la scène Elektropedia, décidément beaucoup trop forte. Gênés par ces difficultés techniques, le duo se concentre sur le show, pour le plus grand plaisir de la foule (et la nôtre). Slim Jxmmi arrose la foule de champagne ouvert avec les dents et Swae Lee ambiance la foule avec tellement d’efficacité que la foule exulte, jusqu’à exploser aux premières notes du tube Black Beatles. Ce concert est aussi l’occasion de mesurer l’universalité du cri de ralliement « DOURREUUH », que l’on retrouve même dans la bouche des américains….
Après le fantastique concert de la magnifique IAMDDB, nous terminons les concerts de la journée avec Trippie Red à la Boombox, qui est une grosse révélation. Loin de l’image de troll rap qu’on avait de lui, il chauffe le public avec une aisance qui nous surprend…
Finalement, plutôt que de terminer notre journée là-dessus, nous faisons le choix d’aller faire l’expérience du « Walking-dead« , le nom affectueux donné au camping « regular ». Plusieurs fois depuis le début de cette aventure, les festivaliers nous l’ont présenté comme un incontournable de Dour, quelque chose d’immanquable. On nous dit même dans l’oreillette que certains festivaliers prennent un pass d’un jour au festival et restent toute la semaine au camping…
Curieux, nous enjambons les soldats déjà tombés pour nous diriger vers l’entrée camping, à l’opposé du notre. Nous arrivons sur les terres sacrées autour de 1h, ce qui est relativement tôt en heure de Dour. Le premier appel à l’after se fait entendre au bar du camping, que nous rejoignons avec, en poche, les restes de nos tickets de la journée… Pastis à la main, nous faisons face à plus de 20 000 tentes presque entassées les unes sur les autres, au sein d’une fête qui ne semble de ne jamais s’arrêter. Les contres-parties ont lieu aux quatre coins de cette plaine, où les sons les plus improbables se côtoient (c’est à dire qu’on a réussit à entendre Toxic de Britney Spears mélangé à Bitch Don’t Kill My Vibe de Kendrick, avec les chants de Welcome to My Life de Simple Plan). Le camping est rempli de génies aux idées les plus incroyablement farfelues et créatives, de véritables MacGyver de la fête. Rien ne les arrête, ni le manque de sommeil, ni les mélanges de potions mal calculés. Toute la nuit, on n’aura jamais eu la chance de pouvoir fermer l’oeil plus de 5min, ça tombe bien, on n’était pas venu pour ça.
On n’aura jamais autant ri en marchant entre deux tentes pour trouver des toilettes.
Au petit matin, deux écoles : ceux qui se préparent au combat pour la douche. Une trentaine de douches pour 45 000 campeurs, c’est forcément la bagarre. La deuxième école, ne laisse pas la petite bruine du matin calmer le jeu et en profite pour débuter de nouvelles festivités. Nous allons donc assister à un concours de glissades sur des bâches de tentes arrosées par la pluie.
En rentrant vers notre camping (pour essayer d’attraper quand même quelques heures de sommeil, on est faibles), nous rencontrons une équipe de joyeux lurons exposant devant leur temple une collection d’œuvres d’art faites à partir de ce qui semble être des résidus de chaussures et canettes. Qu’importe ce qu’ils ont pris pour trouver ça beau, c’est l’intention qui compte.
Arrivé à notre tente, qui miraculeusement n’a pas pris l’eau (quelle chance vu le volume d’eau dans les tentes de nos voisins), nous prenons le temps de réfléchir à ce que nous venons de vivre.
Et si l’on ne comprends pas comment certains des festivaliers peuvent survivre 5 jours, force est de constater que les rumeurs ont raison : au moins 50% de l’expérience Dour se déroule au camping.