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SPLIT, le projet mal aimé de la discographie de Josman

À 27 ans et après une montée en puissance indéniable dans le rap français, Josman a dévoilé en mars dernier son dernier projet SPLIT. Ce nouvel opus était très attendu après le succès de J.O.$, notamment certifié disque d’or, une première pour le natif de Vierzon. Malheureusement, beaucoup d’auditeurs ont été déçus par la longueur du projet (notamment comparé à une playlist), par des lyrics qui tournent en rond ou encore des thèmes répétitifs.

Le nom “Split” n’a pas été choisi au hasard. En effet, Josman s’est dévoilé avec ses “23 personnalités” (référence au nombre de titres composant le projet) et c’était son objectif principal. Bientôt 1 an après sa sortie, le disque est un échec commercial (moins de 30 000 ventes) et un raté auprès de sa fan base. Quatrième projet de Josman, SPLIT est le mal aimé de sa discographie. Pourquoi est-il considéré de la sorte ? Explications.

Une identité à retrouver…

Le plus dur pour un artiste est de se démarquer et de créer un univers propre à lui-même. Comme PNL et sa légende, Josman avait réussi à convaincre bon nombre de personnes et s’imposer dans ce rap français avec son monde et ses caractéristiques. Aujourd’hui, la réalité est bien différente. Avec SPLIT, JOS s’est inspiré du film du même nom réalisé par M.Night Shyamalan, dans lequel le personnage principal possède 23 personnalités différentes. Afin d’être dans le thème, le projet est rempli de prise de risque avec différents styles (Dancehall, Trap notamment) chose qu’on ne peut pas lui reprocher à l’heure où certains artistes sont critiqués pour ne jamais sortir de leur zone de confort. On pense à certains artistes comme Maes ou encore Koba La D.

L’un des choix forts de Josman est d’avoir voulu innover artistiquement. Il s’est notamment lancé dans la dancehall avec le morceau Je sais. Habitué à des lyrics très mélancoliques et plutôt sombres, Josman vend du rêve et de la positivité à travers ce morceau. Ce dernier remplit à merveille sa mission principale : être un bon morceau pour l’été. C’est une réelle réussite, bien trop seule dans cette marmite de sons au goût inégalitaire. 

En effet durant tout l’album, Josman tourne en rond, sans retrouver les éléments qui constituent sa force. À savoir, une plume incisive et des flows mélodieux à souhait. Fait assez paradoxal au vu de l’inspiration de l’album, en nous offrant une multitude de choix, il a totalement perdu son identité musicale, ainsi sa personnalité se détache de sa propre musique. Influencé par Busta Rhymes et Lil Wayne, par leur maîtrise de leur flow et de leur style, Josman n’arrive pas à maîtriser ces aspects.

Le rappeur a donné deux interviews: une pour Clique dans Clique Talk (chaîne et média relié à Canal +) et Konbini, pour défendre son projet. En dehors de ces interventions publiques, il s’est seulement justifié en répondant sur Twitter à une auditrice:

Autre problème : la récurrence des thèmes évoqués. Ces derniers se résument à la drogue, les femmes ou encore sa vision délicate d’un monde bien sombre, où la confiance et le partage sont vus d’un mauvais œil. Bien entendu, il n’est pas le seul à utiliser ce champ lexical. Ce sont des sujets basiques très fréquemment employés dans le rap français. Beaucoup de morceaux sont semblables dans leur sonorité (Fleur d’amour et À notre Âge par exemple), comme dans les lyrics. On peut notamment citer ces deux phrases : 

J’fais des p’tits blocages, THC qui s’propage, J’suis beaucoup trop high dans le ciel

Dans à notre âge

Yeah, j’suis inspiré par le mal-être (yeah, j’suis inspiré par le mal-être), Ou par les gros joints que j’fume (smoke! ou par les gros joints que j’fume), Yah, quand le joint s’consume (high), j’suis high,J’suis high, j’suis sur la lune (lune)

Dans Malette

Ces répétitions n’auraient pas été un problème si la plume de Josman avait été bien meilleure. C’est là où l’on ne retrouve pas la technicité et la force qu’était l’identité musicale de Josman. Il nous avait habitués à des punchlines tranchantes, toujours bien amenées.

On pense notamment à celle sur le morceau La Plaie « Mon cœur n’est pas rose, il est noir, et dans l’noir, j’allume un spliff sous ma lueur d’espoir” ou encore sur Biz « J’fais mon blé, j’fais mon pain, j’fais mon beurre, j’ai des plaies, j’fais du bien à mon cœur. Autant d’sang, autant d’larmes que de sueur, j’arrive, j’fais plus de mal que de peur« . Sur ce nouvel album, aucune phase sort réellement du lot mais on en a quand même retenu quelques-unes:

J’allume et j’tutoie les nuages, Il faut bien que je m’extirpe d’la cage, alors j’inspire, j’expire d’la rage

Dans J’allume

J’veux pas voir mon cœur se fendre, Alors j’allume et je cendre, Et j’vois mes démons se pendre

Dans Bon.char

Tu t’rappelles? j’disais qu’je butterais celui qui t’fait du mal, C’est moi qui t’ai fait du sale, C’est moi qui mérite la balle

Dans BabyGirl

La longueur du projet (23 titres) n’aide pas spécialement SPLIT à être accepté. De nos jours, il est très difficile pour un artiste de garder l’attention des auditeurs avec autant de morceaux. Si l’auditeur est lassé et pas motivé à prendre une heure et onze minutes de son temps, l’album a peu de chances d’obtenir du succès. Ce dernier album de Josman rentre dans cette problématique. C’est un choix assumé par le rappeur mais c’est comme s’il se tirait une balle tout seul pour le coup. 

Il serait désormais temps de changer, avec un nouveau chapitre de sa carrière, afin de retrouver une identité qui a besoin de renouvellement.

… avec un nouveau départ

À l’image de Nekfeu, qui avait pris le large durant trois années pour se renouveler artistiquement en partant dans différents pays et en découvrant de nouvelles cultures, Josman aurait tout intérêt à prendre un nouveau virage. Ce serait une phase très importante de sa carrière. “J’ouvre pas ma carapace”, Josman le fait comprendre ouvertement dans STOP! (Outro). Dans ce morceau, il résume sa situation actuelle et ne semble pas pleinement heureux et satisfait. Il est toujours à la recherche d’argent, veut toujours rester éloigné du monde qui l’entoure et semble toujours vouloir s’aider de stupéfiants (“Finalement j’préfère quand j’suis fonce-dé les yeux plissés”).

Il est temps pour JOS de sortir de sa zone de confort. Une nouvelle fois, cela semble être une évidence même pour l’artiste. Il sait qu’il est à la croisée des chemins et qu’il devrait prochainement prendre la bonne direction:

J’suis perdu, j’sais même pas c’que j’envisage, J’suis sur l’bon chemin mais encore loin du rivage (fuck), J’suis sur l’bon chemin, faut juste que j’prenne le bon virage (yeah)

Dans Seul

Dans SPLIT, Josman a pour la première fois collaboré avec divers artistes comme Hamza, Seth Gueko, Leto, Chilly ou encore Zed du groupe sevranais 13 Block. C’est une preuve de sa volonté de déguerpir de son quotidien mais qu’il est encore incertain de la voie à prendre. En effet, les featuring donnent un résultat mitigé. Si les morceaux avec Zed et Seth Gueko sont brillants et efficaces, ce n’est pas le cas des autres. Celui avec Leto n’apporte rien de nouveau et ne marque pas les esprits.

Quant à la collaboration avec le rappeur belge, nous sommes déçus. Alors que le rap français s’émancipe de plus en plus du rap américain ces derniers temps, avec ce featuring nous revenons quelques années en arrière. Le morceau est certes entêtant, mais cela reste une pâle copie de nos voisins outre-Atlantique et on pourrait même le comparer à une parodie. Pourtant, le duo avait fière allure sur le papier.

Cependant, il faudra que Josman continue sur cette voie mais en choisissant judicieusement ses futurs invités, afin de ramener une vibe unique. Autre changement qui permettrait au rappeur de confirmer son nouveau départ : collaborer avec un nouveau producteur. En effet, dans son dernier projet, il n’est pas le seul responsable de la redondance des flows et des lyrics vus et revus.

Eazy Dew, son plus fidèle soldat, n’a pas aidé avec des beats trop homogènes. Le but était de proposer un mood différent à chaque morceau mais le résultat n’est pas en adéquation avec leurs ambitions. La grande majorité des rappeurs composent leurs albums avec de multiples beatmakers et influences de différents horizons. Toute bonne chose a une fin et peut-être que les deux hommes aux liens très forts auraient besoin de s’éloigner pour le bien artistique de Josman. Enfin, on aimerait (personnellement) beaucoup le voir sur une instrumental Boom-Bap pour son prochain album.

Vous l’aurez compris, SPLIT n’est pas un mauvais album mais il ne restera pas dans les annales. C’est sûrement le moins bon de la discographie de Josman. Depuis son featuring sur l’album de Lefa avec le titre New Level, Josman se fait discret. Son prochain album sera grandement scruté et il n’aura probablement pas le droit à une deuxième erreur.

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