Alpha Wann, ce nom est devenu incontournable dans le rap français. Membre du groupe 1995 et du collectif l’Entourage, ce jeune homme de 24 ans trouve encore le temps, entre les tournées et ses diverses formations, de lancer son propre EP, Alph Lauren. Très attendu au tournant en solo, le rappeur à la rime aisée n’a pas déçu. Le Rap en France l’a rencontré. Sa timidité est frappante, mais sitôt que l’on parle de rap, sa langue se délie et il montre toute sa culture et sa fascination pour le hip-hop. Discussion autour d’un coca.
Es-tu content de la sortie de l’EP Alph Lauren et de l’accueil qu’il a reçu ?
Oui, je suis plutôt content. Les gens ont l’air d’apprécier donc je ne peux pas dire que je ne suis pas satisfait. Après, la sortie ne s’est pas passée sans encombre. Il y a eu des galères de distribution, des Fnac n’ont pas pu proposer le CD la première semaine. Une galère totale, les limites de l’indépendance.
Justement, tu as signé chez Believe. Tu peux nous en dire plus ?
Avec Lo, on a monté une structure, un label, qui s’appelle Don Dada Recording et on a sorti ce projet avec Believe. C’est juste un deal de distribution. Je leur ai apporté un produit fini à distribuer.
Comment as-tu travaillé sur l’EP ?
Je l’ai travaillé de manière différente, dans le sens où les deux feat sont assez vieux. Il y en a un qui date de 2011, c’est un des premiers morceaux que j’ai fait, celui avec Monsieur Nov et celui avec Infinit, je l’ai fait en 2012. Je suis parti à Nice pour l’enregistrer avec lui. Et le morceau avec Nov, je l’avais enregistré il y a très longtemps à l’époque où je bossais avec Kyo Itachi, on avait sorti un maxi vinyle, Mon Job, et j’avais gardé ce beat. Pour les autres morceaux, j’écris tout le temps. J’ai toujours des écrits. Je crois qu’il n’y a qu’un seul que j’ai fait d’une traite, L’Histoire d’un type bien, en une soirée et un matin. Et Bustour, je l’ai écrite dans le tour bus avec 1995.
Il est sorti en vinyle ?
Pas encore. On est en train de travailler la pochette avec Lo.
Tu écris tout le temps, tu grattes sur des prods ou tu écris d’abord et tu vois après ?
J’écoute un son, un mec va dire quelque chose, ou je crois avoir entendu un truc, et après ça me donne une idée. J’écoute un son, ça m’inspire et après je coupe le son. Je peux aussi écouter un album entier et me dire à la deuxième ou troisième piste que j’ai envie d’écrire. J’écris surtout pour garder la forme. C’est spécial. Si tu as envie d’avoir toujours des écrits de haut niveau, il faut que tu n’arrêtes pas de les travailler. Ça demande du travail. Tu ne peux pas faire de l’avion pendant six mois et retourner en studio et être un champion.
Tu peaufines tous tes textes, tu les retravailles ?
Dans tout ce que j’écris, je dois en jeter 70 %. Pas parce que c’est nul, mais parce que parfois ça peut tourner en rond. Mais je le fais, je les écris parce que si ça se trouve, un jour j’aurais un truc qui va rimer avec ça. Ça peut permettre de trouver un nouveau truc donc je les peaufine tout le temps. J’enlève des choses. Dans un morceau, s’il y a quatre mesures en plus, je les enlève parce que je ne les trouve pas terrible. Il faut d’abord que je trouve ce que je vais dire, soit que je parte d’une idée ou d’une inspiration. Premier jet et j’y vais. Mais je laisse toujours murir trois-quatre jours. Pour mes morceaux à moi.
Tes structures de rimes sont particulières. Tu joues dessus ?
Avant, dans L’Entourage, quand on était plus jeune, on voulait tous être le plus technique. A force de faire ça, ça n’avait plus de sens, ça n’avait ni queue ni tête. On a voulu revenir à un truc plus sobre. Une fois qu’on fait ça, c’est là que l’on peut développer du style et de la technique. Je ne voulais pas que ça rime comme les autres, que ça tombe comme les autres. C’est devenu naturel. Ça vient tout seul ce découpage de mots. Je ne veux pas que ça tombe comme les gens s’attendent. Il y en a trop où je sais comment ça va tomber ou quelle va être la rime et ça me dérange. Pas avec tout le monde. Il y a une certaine façon de le faire. Il y a des gens qui prétendent un truc mais en fait ça n’a pas de sens. Alors que ceux qui ne prétendent rien et qui le font, ça le fait parce que c’est naturel. C’est brut chez eux.
Tu choisis tes instru en fonction de ton flow et de la manière dont tu vas poser dessus ou on pourrait t’entendre sur un style totalement différent ?
C’est totalement une question de goût, si j’aime ou pas. Souvent, les trucs que j’ai utilisés, je l’ai su dès le début. Il y a des trucs que j’écoute plein de fois, que je sélectionne et que finalement je trouve nuls. Je me demande juste si j’aime.
Tu enregistres où ?
On a un studio avec 1995 donc ça me permet de le faire.
Qui sont tes producteurs préférés ?
Comme je sais ce que je veux faire, et que je travaille avec des gens qui savent ce que je veux faire, tout se passe bien. Mais il y en d’autres que j’aime beaucoup comme IKAZ, Lubenski. Mais pour moi, c’est plus VM The Don, qui a produit quatre sons sur l’EP et Lo. Sinon, il y a 1up World, Kyo Itachi aussi. Je suis encore à la recherche de ce que je veux faire. Il faut que je trouve une ambiance, une marque. Un grand rappeur, à un moment, ça doit aller avec un genre. Snoop, quand c’est arrivé, ça allait dans un style. Il faut que je trouve cette sonorité particulière encore. Il ne faut pas non plus que ce soit trop original sinon c’est nul.