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[Interview] Grünt (2/2) : « Qui sait jusqu’où ça peut aller ? »

Grünt, c’est d’abord une série de chiffres. 12 freestyles vidéos, plus d’un million de vues sur Youtube, des Süre Mesure en partenariat avec Nova et un buzz exponentiel. Il nous paraissait intéressant de savoir qui se cachait derrière ce projet et quelles étaient les motivations. Rencontre autour de quelques bières et d’un dictaphone. C’est Grünt qui se dévoile. Ceci est la seconde et ultime partie de l’entretien, la première partie se trouve ICI.

Le rap a beau avoir 25 ans, c’est toujours un peu marginal.
Jean : C’est plus la symbolique que ça dégage qui dérange les gens. Ce sont les jeunes issus des banlieues qui réussissent.  Et ils rappent des idées qui sont antithétiques avec la méritocratie.

Et les rappeurs ne sont pas vraiment poussés à s’exprimer sur leur travail.
Jean : Voilà, on ne leur pose pas les bonnes questions. Personne ne leur demande d’expliquer leur structure de rimes ni de raconter les heures qu’ils ont passés sur un texte. Mais il y a de nouveaux courants de pensée qui apparaissent quand même. On entend dire que le rap est le vrai héritage de la poésie française via tout ce travail sur la langue. Brassens, en son temps, avait complètement poussé le concept.

Va expliquer à un mec de la France profonde que Brassens et le rap peuvent avoir quelque chose en commun…
Jean : C’est clair. On va crier au scandale parce qu’il y a tout un cadre de lecture qui est imposé sur le hip-hop.

Cela dit, on oublie un peu de nos jours que les poètes n’étaient pas forcément très appréciés par leurs contemporains.
Jean : Bien sûr ! Molière a été enterré dans de la boue alors qu’il a écrit les plus belles pièces de théâtre de ce pays.
Quentin : Cela dit, ce raisonnement est valable pour tous les mouvements. C’est la construction des médias qui veut ça. Si tu prends les œuvres d’art contemporain, tu en entendras encore moins parler !
Jean : Il y a une démission de la presse culturelle. Ça dépasse largement le cadre du rap français.

Je change de sujet. Grünt arrive-t-il à être indépendant financièrement ?
Jean : Pas vraiment. Mais on ne prend pas les gens pour des cons : on vend les t-shirts à 12€ et les sweats à 25€. On a décidé de se faire la plus petite des marges possibles. On en vendra peut-être plus comme ça et tout l’argent est réinjecté pour l’achat du matériel. Mais c’est un honneur que les gens portent nos couleurs sur leur dos !

J’insiste un peu. Grünt peut-il être viable ?
Jean : Je pense qu’on n’y arrivera jamais. Mais il y a quand même eu un sacré changement de paradigme avec l’arrivée d’internet. Maintenant, tu peux toucher des gens plus facilement mais il faut arrêter de croire que tu peux en vivre.

La culture va peut-être finir par se restreindre aux passionnés.
Jean : Les gens qui ont une vraie nécessité d’écrire le feront toujours. Peu importe l’enjeu financier. Mais aujourd’hui, un mec en Nouvelle-Zélande peut acheter ton cd même s’il n’est vendu qu’à la FNAC Saint-Lazare.

On parle des artistes là mais quid des structures de presse etc. ?
Jean : Oui mais si tu prends Kistune, ils ont réussi leur modèle. Si tu arrives à fédérer autour de ton projet, si les gens se reconnaissent dans tes valeurs, tu peux réussir à vendre des produits dérivés.

Un label Grünt pour bientôt alors ?
Jean : Non, on n’a pas cette prétention-là du tout. Mais si tu regardes notre évolution, il y a un an on tournait presque la première émission sans caméra. Aujourd’hui, on est en passe d’avoir les nôtres. A ce rythme, qui sait jusqu’où ça peut aller ?

On en revient donc à la notion de passion.
Jean : C’est sûr ! Il faut accepter de ne pas mener la vie des clips. Tu ne vas pas commencer à balancer des billets mauves.

Mais votre passion se ressent. Il y a vraiment une image familiale autour de Grünt.
Jean : C’est le plus beau compliment que tu pouvais nous faire. Pour revenir sur le modèle économique, si on prend l’exemple de So Foot, ils ont réussi à être viable en ne misant que sur le qualitatif.

D’ailleurs, ils ont décliné le concept au cinéma et au vélo.
Jean : Carrément mais toujours en prônant la qualité.

Depuis un an ou deux, on vit une véritable effervescence autour du rap. Comment l’expliquez-vous ?
Jean : Il y a quand même toujours eu des bons crews de rappeurs. Et même pendant le creux, des projets solides sortaient comme ceux de Flynt ou Youssoupha en 2007. Mais il y a deux explications à ça. La première, c’est qu’internet a permis de mettre en lumière des mecs qui ont toujours kické comme ça, des Seär et L’Indis par exemple. Et la seconde, c’est que beaucoup de gens ont réagi par rapport à la merde dont on les abreuvait en permanence via les radios. Ils ne voulaient plus que leur musique soit galvaudée.

Tiens, est-ce que pour vous Grünt est un média ?
Jean : Complètement. A partir du moment où on offre une information, on est un média. Après, nous sommes un média à format hybride sans n’en avoir inventé aucun. On fait du freestyle comme ça se fait depuis 30 ans et des interviews comme ça s’est toujours fait. La simple différence se situe dans l’état d’esprit. On travaille à travers un prisme qui n’entrave ni le contenu ni les valeurs.

Justement, quelles sont les valeurs ?
Jean : Le partage, le respect, la bonne musique et les bitches (rires). Vraiment, en numéro 1 : le partage. On n’existe que via internet et sans partage, c’est bien simple, on n’existe pas. C’est super cliché mais ils nous aiment et on les aime. Continuez à nous aimer et on donnera encore plus d’amour. Après, on pourra faire d’énormes partouzes numériques.

Est-ce que vous allez rester sur le modèle du freestyle vidéo ? Vous n’avez pas peur de l’essoufflement ?
Jean : Ça fait 30 ans que ça existe alors si ça s’essouffle à cause de nous, on aura quand même bien raté notre mission.

Je voulais plutôt savoir si vous comptiez diversifier vos activités.
Jean : Tout à fait mais le cœur de ce qu’on fait restera le freestyle. On réfléchit à des formats d’interviews qui seraient innovants. On voudrait y mettre cette pâte qui est la nôtre. On va essayer de rentrer dans l’intimité des rappeurs afin d’expliquer l’œuvre par l’artiste.

Vous aviez aussi un projet avec des normaliens pour analyser des textes non ?
Jean : Ah, ils sont lents nos amis normaliens ! Le principe est simple : c’est du Rap Genius puissance 1000. Le premier texte sélectionné est un texte de Fabe et ils vont l’analyser comme une vraie œuvre de littérature.

Vous avez des invités de rêves pour les freestyles ?
Jean : Oui mais on sait déjà qu’ils ne viendront pas. Via Nova, on a essayé de contacter Oxmo et AKH et ils ont dit non. On peut les comprendre, ils ont la quarantaine et ils n’ont plus forcément envie de se frotter à ça.

Cela dit, vous avez eu Rocé et Kohndo quand même.
Jean : Ouais mais ce sont des mecs qui n’ont jamais lâché l’affaire. Un Oxmo n’a plus vraiment le temps pour ça et on respecte vraiment ses choix. Le rêve ultime, c’est Fabe mais on sait tous que ça n’arrivera jamais.

Les artistes qui viennent freestyler sont obligatoirement des mcs que vous avez validés ?
Jean : Tu fais bien de poser cette question parce qu’on nous a reprochés de mettre les mêmes têtes à chaque fois. Mais c’est faux parce qu’il y a une diversité folle.

On commence à vous faire des reproches ? C’est étonnant parce qu’on a le sentiment que vous faites l’unanimité.
Jean : C’est rarement dirigé contre nous. Mais vous connaissez internet, les reproches vont vite. Maintenant, on a droit à des gens qui nous disent que les premières étaient meilleures. Cependant, on n’a pas encore eu de vrais haters. Mais ça va forcément arriver, c’est le jeu.

Pour l’anecdote, vous saviez que Grünt était aussi l’acronyme des Grandes Rencontres de Ukulélé de Navarre et de Toulouse ?
Jean : Bien sûr qu’on est au courant ! Il y a même parfois des gens qui nous tweetent « trop cool la Grünt 10 » et qui mettent le lien du ukulélé ! On respecte ce qu’ils font, c’est très propre.

Mais d’ailleurs, d’où vient le nom de Grünt ?
Jean : De nulle part, vraiment. Tout le monde nous demande mais c’est sorti de ma tête. Ça a une signification en allemand et en anglais, c’est aussi un fantassin dans Warcraft. Je le sais parce qu’un mec m’a arrêté dans la rue un jour alors que j’avais le sweat. Il m’a demandé si j’étais fan, je n’ai pas trop compris sur le coup.

Et les sessions freestyles, vous les tournez où ?
Jean : Un peu partout, chez les uns et les autres. Dès qu’on voit un appartement sympa, on saute sur l’occasion. D’ailleurs, c’est sympa chez toi (rires).

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