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Découvertes Sélections

Mes 5 découvertes du mois #3

Le rap est la conclusion d’une liberté, d’une liberté d’expression pour laquelle la France s’est battue pendant des siècles, mais à notre époque, il en est aussi la cause et l’acteur. Des mots, des images, des hyperboles, parfois dures et incomprises, pour dénoncer des faits, des idées, des actes. Notre rôle est de desceller le vrai du faux et de tourner les projecteurs vers les propos et les idées transmettant des valeurs humaines et justes. Il est d’autant plus impératif d’accorder de l’importance aux artistes défendant leurs principes avec humour ou second degré, à la manière d’un dessin de Charb. Mettons de côté la métaphore et entrons dans le vif du sujet ; du rappeur populaire jusqu’à celui à 400 vues sur youtube, du beatmakeur à l’accoutumée des open-mics, voici nos 5 découvertes du mois.

 

Rochdi (Krystal)

« Fils as-tu envie d’être libre ? / J’me délivre, j’m’enrichis, j’vis des livres; la sagesse est-un art de vivre / J’ai le devoir de faire honneur à mon essence / A chaque jour sa connaissance / J’ai fait une promesse d’allégeance à celle qui m’a souri le jour de ma naissance »

En ces temps de haine et de cacophonie idéologique, il est bon de se ressourcer, de se recueillir dans un art canalisant les esprits. On vous propose Rochdi, quand la poésie pense aux bons mots pour panser les bons maux. La beauté des morceaux est quasi ineffable, l’impression d’ouvrir un vieux livre, trouvé par hasard dans une bibliothèque, et d’y plonger tête baissée sans pouvoir s’en séparer, voilà le ressenti. Son projet Blue Tape, est un melting-pot littéraire grâce aux innombrables rimes riches, pour la forme, et aux multiples questionnements philosophiques que se pose l’artiste en fond.

L’absurdité de l’existence, de son existence, évoquée d’une verve enivrante guidée par la mélodie poétique de ses assonances, ne nous a pas laissés de marbre dans le sublime morceau Souvenirs. Les références littéraires ne sont ni opulentes, ni prétentieuses, simplement écrites avec une justesse indéniable, notamment avec ce renvoi à la fable du Lièvre et la Tortue « Si j’suis en vie c’est que je vais mourir / Inutile de courir / Après le bénéfice, ici les hommes sont nihilistes ». Le seul petit défaut qu’on pourrait lui reprocher est que le projet a été enregistré essentiellement (ou totalement) sur des faces b et la perte de charme en découle. En revanche c’est un projet gratuit, peut être une « interlude » avant un véritable nouvel album ? Au final, on vous incite fortement à écouter ce projet, ainsi que sa discographie antérieure et à suivre de très près cet artiste.

 

Roméo Elvis

« La nouvelle ère jurassique s’installe cette année / Les cétacés se transforment en sauropodes / Et s’en est assez de délirer sur nos consoles / A nous les courses d’iguanodon, les taxis velociraptors»

Bruxelles, c’est devenu la jungle ? Roméo Elvis, rappeur belge au nom improbable, va vous répondre. Sur fond de kicks et de snares imposants, la voix grave de ce bruxellois décortique les branches de la société dans son premier EP Bruxelles C’est Devenu La Jungle. Vous allez nous dire « Encore un qui fait la même chose ». Oui mais non. Pour établir ses observations il utilise la métaphore filée enrichie par un champ lexical animal très vaste. Et ça donne quoi ? Un projet qui détonne grâce à une mise en mots de l’imaginaire et une conceptualisation juste et intelligente. La classe ouvrière représentée par des fourmis, Roméo Elvis accompagné de Loxley expliquent à la première personne la vie d’une fourmi/ouvrière, Germinal de Zola n’a qu’à bien se tenir. Autre exemple, avec le morceau Legrand Bleu, le jeune belge énumère les vices de Bruxelles en les métaphorisant en espèces maritimes.

En somme, l’EP est atypique et ça fait du bien, sorte de récit fabuleux interprété par un Jean de La Fontaine 2.0, on vagabonde dans un Bruxelles narré à la manière d’un apologue, le tout produit par le beatmakeur Le Seize. Son deuxième EP Famille Nombreuse est sorti récemment, il consolide l’image vertueuse que nous avions à son égard. Plus classique, l’artiste se détache du champ lexical animal mais n’en devient pas moins intéressant. Animé par son « cousin dégueulasse », Roméo Elvis flâne entre storytelling, introspection et second degré avec un dédoublement de la personnalité un peu trop franc.

 

Géabé

« Ma France elle a pas lu Sartre mais elle sait ce qui lui fout la nausée »

Bon, ce n’est peut-être plus une découverte car beaucoup d’artistes ont relayé ce fabuleux morceau Ma France. Mais avec les événements tragiques que la France a connus, comment passer à côté de ce bijou ? Véritable hymne à la France, ode à son peuple et hommage à sa culture.

« Ma France elle aime son pays, elle est fière de sa culture mais y’a certains aspects de son histoire qui lui donne des verrues »

Sur une instrumentale signé Dakeyz Nation, Géabé décline toutes les particularités françaises : des innombrables dialectes aux bobos parisiens, du siècle des lumières à la politique bas de gamme (cf Morano) et de sa diversité culturelle à son histoire peuplée d’erreurs. Car la France ne se résume pas aux Champs Elysées et au camembert. Elle n’est pas homogène culturellement et bien heureusement. Notre pays a un tronc commun de connaissances mais n’est pas fermé à de nouveaux savoirs. Du moins, pas nous et encore moins Géabé.

« La France elle part en couille, faut qu’on reprenne les rênes mais en voyant la flamme obscène du FN on dirait qu’on régresse »

Véritable message de paix et d’union accompagné d’un clip simple mais beau, afin d’expliciter les propos. Peu de choses à dire de plus sur ce clip, voyez par vous-mêmes. A noter que le texte n’a pas été écrit suite à l’actualité mais ses événements en ont peut-être forcé la sortie du morceau. C’est avec ce dernier que nous avons découvert l’artiste et nous ne sommes pas déçus !

 

Louise Kabuki

L’artiste a-t-elle sa place dans notre classement ? Nous entendons par là, est ce en rapport avec le rap ? Et bien nous ne savons pas, le seul argument que nous avons est que le grand Lucio Bukowski a déjà posé ses textes sur les prod’s de Louise Kabuki. Et puis, qu’importe ! Son EP Etudes&Collages Instrumentaux est une vraie merveille. Si vous cherchiez le recueillement, mais que le silence vous abasourdissait, écoutez ce projet. Loin d’être du beatmaking classique, c’est une succession d’instruments (réels ou numériques ?) venant effleurer ou parfois rosser notre ouïe avec une sensibilité paradoxale.

Car oui, loin d’être un assortiment de morceaux froids, sans âme, c’est une véritable harmonie sonore que l’artiste nous a livrée. Très talentueuse ; avec simplement quelques kicks asservis par des chœurs reverbés, nous obtenons un morceau déchargeant d’innombrables émotions sur les ondes. Nous ne saurons pas qualifier musicalement cet EP et c’est peut-être le but de l’artiste car on y ressent une influence musicale très variée. Cessons les logorrhées, écoutez cet étrange projet, vous en ressortirez déroutés, certes, mais n’est-ce pas là un des rôles de l’art ?

 

Heegrek et Dick Van Dyke

« Humeur en dents d’scie, j’suis plus le même ce soir / Je cherche une lueur en vente libre pour des prunelles de quartz »

Mais d’où proviennent ces blazes si atypiques ? Pas la moindre idée mais vous risquez d’en entendre parler tout au long de 2015. Ça a commencé avec un Hors d’œuvre, comme ils l’appellent, sur une instru lunaire. La gravitation décampe mais les flows pondéreux des artistes vous rattrapent vite avant que vous ne quittiez la troposphère puis la stratosphère et enfin la mésosphère (8/20 au bac de sciences, qu’est-ce que tu vas faire ??). Alors pourquoi tout ce champ lexical spatial ? Tout simplement parce qu’Heegrek et Dick Van Dyke ont annoncé, avec ce premier extrait, un EP commun nommé Space Tape Vol.1.

Pochette digne d’un film de science-fiction intello des années 70 (pas Kubrick, par contre) mais avec des morceaux, du moins les premiers extraits, très avant-gardistes. Lyrics qui détonnent avec parfois des trous noirs d’incompréhension chez nous et pourtant on adhère quand même, allez savoir pourquoi. L’univers musical est captivant, on se laisse surprendre à écouter les extraits en boucle sans se lasser. Les deux artistes ont l’air d’être bien entourés, il semblerait qu’ils apparaissent dans le clip Bon Sang D’Putain de Lucio Bukowski et Missak. A suivre …