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L'exégèse rapologique

L’Exégèse rapologique #3 – Boxe avec les mots d’Ärsenik

Ärsenik… Par où commencer ? Dans le rap-jeu depuis 1992, ce n’est pourtant qu’en 1998 (le 23 novembre, jour béni !) que les deux frères originaires du Congo l’ont définitivement bouleversé, avec un premier album sacré double Disque d’or l’année suivante et encore aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands classiques du rap français : Quelques …

Chroniques

[Chronique] Lino – Requiem.

En 2005 sortait Paradis Assassiné, le premier album solo de Lino. L’attente d’un nouvel album était titanesque afin de savoir si Lino pouvait encore faire de bons morceaux sans être aux côtés de son frère Calbo. Le public s’était vu écourter son attente interminable car en 2012, Radio Bitume sortait à titre non-officiel, en effet, l’artiste a affirmé que ce projet était sorti sans son consentement. Requiem est donc officiellement son deuxième album solo. A-t-il réussi à consolider son image de pilier du rap français ?

« Si les hommes naissent pour mourir, mes requiems sont des berceuses. »

En toute logique chronologique, après un assassinat des cieux, Lino est venu rapper des chants funèbres en leur honneur. Chouette programme pour un retour très espéré. Les extraits sortis avant le projet garantissaient un album riche en qualité, que l’on pouvait déjà inscrire dans un futur top 10, en fin d’année. 12eme Lettre était une véritable pépite, égotrip certes mais le concept était audacieux. L’idée de réaliser des assonances sur cinq minutes de morceau, simplement avec la lettre L, nous avait séduits et le défi était relevé. De même avec ce fameux Wolfgang, ce n’est pas pour rien s’il était notre morceau préféré en 2014. Véritable claque auditive, l’ange déchu du rap annonçait une arrivée fracassante dans le Panthéon de ce genre musical. Et malheureusement, à l’écoute de ce Requiem, nombreuses sont les déceptions.

« C’est pas du Polanski, ma ‘zique touche pas les p’tites. »

Comment rester objectif vis-à-vis de cet album ? Cette scission entre le message anti-commercial, scandé à multiples reprises par Lino, et cette volonté de proposer des morceaux formatés à la radio, ouvre un paradoxe délicat. Un titre, Suicide Commercial, explique ce souhait de ne pas se formater pour vendre, souvent avec des paroles fortes, crues « Ambiance « rap métrosexuel », comment tu planques un flingue dans un legging ? ». On y retrouve ces arguments sur beaucoup de titres et on s’y laisse croire, pourquoi pas après tout ? Lino, à raison d’un album tous les 10 ans, est loin d’avoir une démarche commerciale. Il est difficile d’imaginer ce dernier annoncer un double album tous les ans pour le prix de seulement 12,99€.  Et pourtant, sur dix-huit morceaux, le quart est un regroupement de sons au refrain r’n’b chanté, naïvement, par un ou une artiste sans charme. Alors, évidemment, les couplets de Lino rehaussent le niveau mais, parfois quel gâchis ! De même avec la musicalité, l’écart entre ses instrus et celles de la Team BS n’est plus si vaste. Excusez-nous cette comparaison, presque hyperbolique, mais un morceau comme De Rêves et De Cendres aurait pu être une véritable merveille si la finition n’était pas aussi orientée vers des sonorités pour adolescentes. Est-ce le résultat d’une mauvaise orientation artistique ? Tefa, le réalisateur/producteur de cet album, aurait-il voulu rendre plus accessible la musique de Lino ? Certains diront qu’il n’y a pas de mal à vouloir élargir son public, cependant il y a des manières de faire plus pertinentes. De plus, on ne peut pas, sur le même projet, afficher ostensiblement une image anti-commerciale aux cotés de morceaux en featuring avec Zaho.

« Souvent, les nerfs parlent plus fort que la raison / J’chante ce millénaire et j’pars en rafale de métaphores sur les ondes / J’suis des coins où les anges disparaissent sous des linceuls / Rien n’change, mes raps sont toujours des caresses, des poings dans la gueule. »

Mais ne nous arrêtons pas à ça, il y a de très bon morceaux. Certes, l’ensemble de l’album n’est pas innovant, ni détonnant, mais la recette du piano/violon prédominée par la verve unique en son genre de Lino fonctionne toujours aussi bien. Les beats sont plus lents, sombres pour certains, ce qui permet parfois de mettre en valeur les textes de l’artiste. Name-dropping dénonciateur très présent, toujours dans cette idée de « Qui prétend faire du rap sans prendre position ? », développée avec son groupe Ärsenik dans le morceau Boxe Avec les Mots de 1998. Des lyrics d’une qualité indéniable peuplés de métaphores et de rimes riches, c’est ce qu’on aime retenir de cet album. Car Lino n’a pas perdu sa plume, cette patte si personnelle mêlant argot et tout son glossaire de belles expressions issues de notre langue si riche. Note particulière au magnifique Flingue à Renaud, qui est pour nous un des meilleurs morceaux, si ce n’est le meilleur, de Requiem, avec ses tournures de phrases et son fond très poétiques.

« Ça rappe et la peur revient charbonner / Quand j’vois le Printemps arabe et les fleurs que ça a donné. »

Bilan mitigé chez nous. Bon, sans plus. Disons que Requiem est à Lino ce que Django Unchained est à Tarantino, un bon album au sens général mais un album moyen pour l’artiste concerné. C’est donc une déception pour nous, et nous imaginons qu’une partie du public n’en pense pas moins car Lino était attendu comme une sorte de défenseur du rap, prêt à en redorer le blason. L’immense contraste entre les très bons morceaux aux couleurs sombres et ceux où la qualité est moins au rendez-vous laisse un goût amer très prononcé. Ce long projet de dix-huit titres aurait mérité d’être produit d’une toute autre façon. Un douze titres nous aurait amplement comblés.

Sélections Tops

Les 10 meilleurs clips de 2014

Il arrive un peu en retard, on en est désolés. On pensait que le quart d’heure de courtoisie était légèrement démodé, alors on a opté pour les 3 semaines de nonchalance. Mais il est là, tout chaud, tout frais, livré pour vous. Comme à notre habitude, on s’est battus corps et âme pour vous offrir un panel des plus représentatifs possibles. On avait d’autres groupes dans le viseur, (mal)heureusement évincés par d’autres, qui ont fourni un travail plus approfondi, plus soigné. On espère que ce top ne plaira pas à tout le monde, que vous nous donnerez vos avis, que vous nous suggérerez d’autres idées, d’autres clips qui auraient pu avoir leur place ici. Nous, en tout cas, on a fait notre choix. Le voilà.

10 – Anticlubbing de l’Asocial Club

Selon la rédaction, l’Asocial Club a réalisé le meilleur album de l’année. Voir la clique à Casey réunie sur un seul et unique projet était jouissif. Mais quand elle nous offre en plus un clip aux allures de court-métrage, dans lequel ils se foutent ouvertement du lieu dans lequel ils filment, on ne peut que valider !

 9 – TV de Gael Faye

« Je suis prisonnier de mes chaînes parce qu’ici la télé commande !« . Le talent de Gaël Faye pour frapper fort avec les mots n’est plus à présenter, mais cette fois, ce sont aussi les images accompagnant la voix du picaflore qui effacent tout désir de zapper ! Avec le clip illustrant ce titre inédit, Gaël Faye retrouve ses yeux d’enfant devant les programmes qui défilent, retournant vers ses souvenirs lointains parfois similaires aux nôtres lorsque « la mondovision canapé transforme le globe en un village« . Tranches de vie reflétées dans un écran, entre ouverture sur le monde et traitement de l’information déshumanisé, le regard est juste et en croise surement des milliers d’autres qui se reconnaîtront. « Le poids des mots, le choc des images » en moins de 4 minutes !

8 – M. Tout le monde de Bigflo et Oli

Du haut de leur 21 et 17 ans, les deux frères et emcees Big Flo et Oli ont vu leur notoriété se déployer en 2014, par leur incroyable justesse et leur fraîcheur. Ils ont ainsi clippé Monsieur Tout le Monde, avec Julien Hosmalin à la réalisation, et touché du bout des doigts le million de vues sur Youtube. La force de ce storytelling, sombre et infiniment réaliste, passe avant tout par un casting rayonnant avec un Kyan Khojandi très convaincant en mec banal qui pète une quille, se retrouvant à l’origine d’un drame familial incontrôlable.

7 – Shoote un ministre de Vald

Vald doit avoir un leitmotiv inconscient: une polémique par clip. Après avoir retourné le net et les associations pour l’intégration des autistes dans la société avec son clip et sa chanson brillamment intitulés Autiste, Vald est revenu en force avec ce son tout à fait renversant. Et le clip est tout à fait à la hauteur de la musique… et surtout du personnage ! On le voit trimballer un ministre mort à travers Paris sur une chaise roulante et rien ne semble pouvoir l’en arrêter, tant il est habité par ses idées: tu feras peut-être quelque chose de bien poto, shoote un ministre ! Quand Mehdi, de l’abcdrduson, lui a demandé lors de son émission, si il était fou, Sullyvan a nié. Je reste persuadé qu’il se trompe sur son propre état. La caractéristique principale de la folie, en somme.

6 – L’art raffiné de l’ecchymose de Lucio Bukowski et Nestor Kea

Ça doit être rageant pour les autres rappeurs: nous tenons ici un homme qui nous fait vibrer à chaque nouveau projet et qui, en plus de ça, arrive à innover en amenant un vrai concept inédit quand il décide de donner vie à ses chansons. Le clip du chef d’œuvre L’art raffiné de l’ecchymose est une véritable métaphore de l’empreinte du temps sur l’homme. Mélangeant l’art de la sculpture à celui du film et du rap, Lucio nous livre ici une façon encore inexplorée de la manière avec laquelle le temps façonne l’homme: le temps nous construit à sa guise, avec son lot d’aléa, de ratés et de bonheurs, avant de nous faire disparaître pour donner vie aux futures générations. Même si ce clip n’est pas divertissant au possible, la façon avec laquelle il traite son sujet est digne des plus grands artistes contemporains, club auquel est déjà inscrit Lucio depuis bien longtemps.

5 – Je Veux Te Baiser d’Odezenne

Odezenne fait partie de ces artistes qui avancent en hors-piste sur les descentes du rap français. Un style propre, assumé, unique, inédit. Les morceaux d’Odezenne sont des échappatoires poétiques rythmés par une symphonie tantôt douce et calme, tantôt haletante. Comme une transplantation de Cocoon dans le rap, la littérature d’O2N appelle à la reconsidération de la nature originelle de nos êtres, nous conduisant à la recherche du bonheur là où il se trouve réellement, et non dans les codes sociaux imposés par la société. C’est dans cette perspective merveilleuse qu’a été réalisé le clip de Je veux te baiser, où la poésie métaphorique du texte, la montée en puissance de l’instrumental et l’esthétique du clip contrastent avec la vulgarité apparente du titre.

4 – Suicide Commercial de Lino

Dans une perspective symbolique encore rarement atteinte, monsieur Borsalino a clipé une pépite digne héritière de toutes les influences dont il nous fait part dans ses paroles. Entre références cinématographiques (scène finale de La Haine de Kassovitz; la scène des échecs du film de Bergman Le Septième Sceau etc), musicales (Stevie Wonder, Patrick Bruel) ou littéraires (référence directe à Boris Vian en disant J’irai pisser sur vos tombes), la moitié du tandem mythique nous offre un condensé jouissif de punchparagraphes. Il a même su s’entourer de quelques pointures du « hip-hop » français en les personnes de Vald, Tunisiano, Sofiane et Kassovitz qui viennent appuyer ces quelques minutes de coup de poings visuels et, accessoirement, auditifs.

3 – Time BOMB de Nekfeu

Il y a peu, nous avons eu le droit à Deen postiché aux côtés de JP Manova pour le clip de ce dernier: l’ancien reconnaissait le nouveau. Un peu plus tard dans l’année, on a vu Nekfeu poser avec, entre autres, les X et Oxmo: le nouveau rendant hommage aux anciens. Et quel hommage ! Dans un clip aux vibes décidément old school, dans tous les sens du termes (que ce soit au niveau des images, du montage, ou même de ce grain plastique reconnaissable entre tous), Nekfeu a magnifiquement remis Time Bomb au goût du jour, en nous offrant, toujours à sa manière détonante, un panel représentatif de ses plus grandes sources d’inspiration. C’est au bout de clip que le fennec est allé puiser dans le passé, que la nostalgie nous envahit: ah, si Time Bomb n’avait pas explosé…

2 – 06h16 – Des histoires à raconter des Casseurs Flowters

Orel et Gringe sont les Casseurs Flowters. Un an et 60 000 exemplaires vendus plus tard, leur clip  06h16 – Des histoires à raconter est enfin sorti. Dernier track de l’album mais surtout conclusion d’un quotidien désordonné sous alcool, ce morceau sombre et introspectif ne se destinait pas à un clip à la hauteur de Bloqué ou Change de pote. Pourtant, c’est de la mélancolie qu’émerge cette claque visuelle, réalisée par le duo plus que talentueux Greg et Lio. Ce petit film nourri aux délicats effets spéciaux, accompagné de sa mélodie moderne est une énième preuve du talent des deux rappeurs, entre inventivité, créativité, simplicité et profondeur.

1 – Hybride de Fixpen Singe

On aurait bien aimé assister à la réunion de Fixpen Singe quand ils ont imaginé leur clip:

« Vidji: Écoutez les gars, on a un gros son, un gros projet, alors on va faire un gros clip. Je veux qu’il n’y ait aucun sens.
Kéroué: on peut partir sur un clip à base de flingues en cartons et de gens qui sautent partout !
Caba: ouais, mais je tiens à ce qu’il y ait des fusées et que je puisse allumer un joint gigantesque en papier avec du feu qui sort de la main de Lomepal !
Lomepal: Je vous suis que si vous me laissez me faire tirer un concombre dans la bouche. »

C’est surement de cette façon qu’a été concocté ce cocktail explosif. Et le résultat de ce savant mélange de n’importe quoi occupe nécessairement la place numéro une de ce classement parce que, honnêtement, c’est de la folie pure.