Chroniques

Teobaldo va vous causer de… D.O.Z.

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Aujourd’hui je vais vous parler d’un rappeur très présent pendant des années sur la scène grignoise (et parfois même en dehors des frontières de son département), plébiscité par ses pairs sur compilations ou albums. D.O.Z. AKA Big Negro Doz. Vous l’avez sûrement déjà entendu, mais un couplet n’est peut-être pas suffisant pour rentrer dans l’univers un peu particulier de ce MC au débit et à la voix reconnaissables entre mille. Parce qu’il faut dire aussi que DOZ c’est un délire. Cet adepte de grosses prods hydrauliques aux basses bien ronflantes n’a fait rebondir son flow singulier que sur un seul album solo, jusqu’à présent, sorti en 2010 : Rimes & raccailleries (Ou du moins c’est ce que je croyais mais après multiples vérifications, j’ai fini par découvrir qu’il avait sorti « Crime en rimes » en 2005. Donc techniquement le 3ème album sortira en 2015_On y croit. Mais comme j’ai pas l’album de 2005, je vais te parler uniquement de celui de 2010). Pour schématiser, le Déozed a, entre autres, une présence à la Daddy Lord C, des tournures de phrase à la Karlito, le tout sur des ambiances façon bon Dr Dre et évidemment comme ça, c’est étrange et pas facile à cerner. Par contre, ça rend curieux donc allons y.

Ceux qu’ont été à l’école me diront que racailles, ça s’écrit pas avec pas 2 c. Et je vois d’ici les plus fainéants dire que c’est sûrement un illettré et prendre cet argument comme excuse pour pas creuser plus loin. Pourtant il n’y a pas à creuser bien loin : sur le tracklist on retrouve Juicy P et Jack Many (de la LMC Click, l’un des groupes le plus wanted de Grigny) et, chose amusante, y a écrit “Jacc Many” avec 2 c.
Donc en vrai, on n’a pas encore commencer à écouter le CD qu’on est déjà dans l’ambiance : DOZ ne peut pas s’empêcher de mettre de la CC partout. Ou alors serait-ce un hasard ? Branlette intellectuelle ? Ou juste cassos analphabète ? En tout cas, ça me fait bien marrer.

Le mot d’ordre est donné dès les premières secondes de l’intro. “Cherche pas le message, on n’est pas des prophètes. Kiffe, mets-toi bien” Haschisch gras dans le crachat, DOZ n’a peut-être pas de message mais il a pas mal de choses à dire comme le second morceau Machine à sous et bar à suceuses le précise d’entrée (Et oui DOZ possède cette science pour nommer ses morceaux). Déjà, ça commence par un petit dialogue avec son collègue Baron G (un taulier de Grigny) où, ensemble, ils s’interrogent sur cette mode de se revendiquer “gangster” avec tous les codes que ça implique, quand eux et leurs proches ont peut-être commis des actes répréhensibles mais toujours par nécessité, sans fierté ni honte. Comme quoi, ne pas avoir de grands messages dans le rap ne veut pas dire être totalement immoral et sans principe.

“La rue est pleine de déchets, de caniches qui jouent les pits chauds / de bout de choux qui jouent les méchants mais même ceux-là se font puncher.” Et là où on voit que notre Big Negro Doz a vraiment des choses à dire, c’est qu’il ne laissera qu’un seul couplet à Baron G. Et c’est quelque chose qu’il va faire à presque tous ses invités. C’est son album à lui quand même. Résumons. Il a donc la volonté de ne pas te prendre la tête, ne pas te faire la morale, il veut que tu te divertisses en écoutant son CD. Ce qui ne veut pas dire qu’il va te raconter tout et n’importe quoi. Et il met du cœur à l’ouvrage afin d’avoir beaucoup de rimes pour toi. Il est généreux. C’est vraiment un gars bien.

Toujours dans des coups fourrés. Avec des jeunes tass ou des daronnes bourrées” Grand seigneur et magnanime. Il y en aura pour tout le monde. Mais raconter la rue n’est paradoxalement pas toujours la formule gagnante quand on fait de la Gangsta Funk, dans ce pays. Déjà que du rap vraiment typé West Coast, il n’y en a pas beaucoup par chez nous, mais en plus, c’est souvent le côté festif de qui est mis en avant. Le pendant “Gangsta” de la G Funk est souvent délaissé. De loin, ça semble curieux. On croirait que les gars fantasment sur des gangs américains armés et portant des bandanas mais sont choqués quand ils entendent des cailleras bien de chez nous rapper des histoires de fusillades. Les gangsters : oui. les cailleras : non. Ok… C’est dommage. Mais pas surprenant.

C’est un peu à l’image des médias rap frinçais qui ont, depuis longtemps, oublié des grands groupes comme TSN : “Tout Simplement Noir”, Expression Direkt ou encore certains classiques du collectif Mafia Trece.
Et c’est exactement en droite lignée de cet héritage que se situe DOZ. Des histoires de ghetto d’ici avec des sonorités de là-bas, mais sans se prendre pour un chicanos de séries B. Avec en supplément, cette pointe acérée d’humour qui vient parfaire et perforer le tout.
Par exemple, DOZ va jusqu’à faire lui-même les voix des meufs qu’il drague ou des mecs qu’il menace, donnant une interprétation colorée aux différents personnages qui peuplent ses récits en quelques répliques bien senties. Pour bien réaliser, il faut l’entendre au moins une fois prendre une voix aiguë et dire “Allez, va-z-y, lèche moi la shnek un peu”. Le mec y va à fond, il mérite le respect pour ça.

Si t’es une tass qui s’assume. Ça t’ouvre des droits comme à la SACEM.” Les meufs qu’il drague, d’ailleurs, ça revient très souvent. Sous différents angles de vue qui sentent toujours le vécu. Entre le DOZ “fragile” seul en cellule qui pense à sa meuf qui ne lui donne plus aucune nouvelle sur “Coeur carcéral” et le DOZ “macho” qui refuse de lécher sa meuf et lui sommant de lui sucer la bite, maintenant, parce que ça suffit les conneries, sur Arrête de parler on pourrait croire qu’il y a tout un monde. Mais le rappeur est quelqu’un d’entier qui sait jouer avec les différents côtés de personnalité sans jamais avoir l’air contradictoire. À chaque fois il fait mouche et suinte la véracité quand il évoque ses relations au sexe opposée, se voyant tantôt fort, tantôt faible face à la chair. Ni canardise, ni vulgarité à outrance (juste ce qu’il faut). Le mec t’en parle normal. Ce n’est pas donné à tout le monde. “Appelle moi Tarzan, toi Jane. Et me prends pas pour Cheetah, j’ai des potcas dans le jeans. » Mais le summum reste le moment précis où il drague. C’est l’objet de tout un morceau caché dans l’album, juste après le très très bon Ambiance Maquis. Un son bonus qui pourrait facilement s’appeler Expert en séduction.

La vie est une taimp, mais je lui rendrai les coups. Je lui ferai même le cul, si je peux. Si je peux pas, tant pis. Mais ce qui est sûre c’est qu’un jour ou l’autre, c’est elle qui me mettra au tapis” Quand on regarde bien, DOZ a le même rapport aux femmes qu’à la vie elle-même. Une espèce de mélange sain entre amour et haine.
Même sur MACRO où il s’imagine en proxénète prospère, il ne verse pas dans la misogynie intégrale. Je sais que ce n’est pas du tout convaincant dit comme ça mais je vous jure que même dans ce genre de délire assumé, il y a de la tendresse qui transpire chez ce bon Big Negro Doz.

Nan, sans déconner, beaucoup d’humanité chez ce rappeur qui peut pourtant paraître rude en apparence. Loin d’être idiot et insensible, le Dé O Zed n’a aucun mal à débiter sur des thèmes plus introspectifs. Comme pour le reste, il gère habilement sans être trop relou. C’est ça qui est intéressant aussi avec lui, c’est qu’il a plus ou moins les même ingrédients que tous les rappeurs bousillés aux sons de la Côte Ouest, mais pas le même dosage. Peut-être pour ça qu’il s’appelle Doz ? (Personne ne m’a forcé à faire ce jeu de mot, aussi j’en assume l’entière responsabilité et présente toutes mes excuses aux familles des victimes).

Peu importe l’âge, le lâche n’atteint jamais la sagesse.” Au travers de certains titres comme “Conflits et confusions” le grignois évoque sa séparation d’avec sa famille, sa venue en France, il y confesse également ses sentiments d’échecs ainsi que de satisfactions, sachant faire la part des choses. Le rappeur est loin d’avoir une vision manichéenne et simpliste des choses, se gardant bien de juger la plupart du temps. Quand D.O. prend le micro, il raconte ses aventures et laisse soin aux auditeurs d’en penser ce qu’ils veulent. C’est bien, ça me fait une bonne conclusion. Il me reste plus qu’à ajouter qu’il maîtrise très bien le story-telling par-dessus le marché, ce qui consiste justement à raconter des histoires.

C’est dommage que DOZ n’ait annoncé aucun projet solo depuis cet unique essai (transformé, selon moi.) Mais en tout cas, on peut toujours se rassurer en constatant que, bien que plus rare, DOZ est toujours là et n’a pas raccroché le micro. En témoigne son couplet sur la compilation MDRG qui rhabille tous ces gens qui ne jurent que par les vues sur internet en 2 mesures “T’arrêtes pas de frimer parce que sur youtube on t’a cliqué. Tu devrais pas, d’après les commentaires, t’as bad piqué” (bad piqué, ça veut dire que le mec à grave dormi, il n’a pas fait le taff)

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