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Terminal 3 ou le rap afro-urbain en panorama

« J’rentre dans mes couplets comme on rentre dans un braquo
Un majeur tendu en effigie sur mon drapeau
C’est self defense puisque ce bled veut ma peau
C’est à base de coups d’feu quand la rue me dit bravo »

Extrait de Self défense

Comme incarcéré derrière ce grillage qui ne laisse transparaitre qu’un paysage flouté en arrière plan, AL arbore sur la pochette de son deuxième album un regard froid et insondable. Cette image à la fois grave et mystérieuse semble être au croisement entre l’homme et l’artiste. La résonance qui en résulte invite à aller plus loin dans la découverte de ce nouvel opus.

AL, guerrier d’une cause perdue ?

Dès les premières mesures, AL ne laisse place à aucune ambiguïté sur les ingrédients de cet album. Il y sera question de conflits (souvent en milieu urbain),  de violence plus ou moins symbolique, d’introspection et d’éthique de vie.

La première chanson, Alpha Lima, reprend d’ailleurs le champ lexical guerrier qui irrigue l’œuvre et la pensée de AL, puisque Alpha Lima correspond à l’épellation codée de AL dans le langage militaire (A=>Alpha L=>Lima). La notion de combat est omniprésente, notamment avec des titres comme Self défense ou encore dans Tous les problèmes du monde , où AL pose son dilemme  entre le fight ou la fuite , au détour d’une rime.

Les luttes que AL invite à entreprendre sont résolument sociales et intellectuelles. Elles visent à s’interroger sur le rôle de l’espoir et à constater l’hostilité de l’environnement social, qui stigmatise arbitrairement la différence et la banlieue, dans Pas né innocent et Terminal 3, ou va jusqu’à la décadence, dans Pandémonium et Sans lui. Dans cette dernière, AL livre brutalement : je visualise les crashs dont mon pessimisme raffole quand la cote de mon avenir s’effondre comme les réserves de pétrole, alors qu’il s’exprime sur l’avenir de la Terre et de l’Homme.

AL, rappeur solitaire mais bien accompagné

Dans cet album annoncé sans featuring, AL surprend ses frères dès la première chanson avec la participation de B.James d’Anfalsh qui vient lui prêter main forte en écho. Mais ce n’est pas tout. Sur le dernier morceau intitulé Tout seul, Vîrus s’invite aussi sur ce remix de la chanson du même nom. Cette surprise de dernière minute ne fait que renforcer le propos du refrain : faut admettre qu’on peut pas rester replié sur soi-même du berceau au cercueil.

D’ailleurs, AL n’est pas le seul à partager son espace, puisque DJ Saxe qui avait œuvré quasiment seul à la composition musicale du premier album, High-tech & primitif , est également concerné. Hery et Laloo, habitués à travailler avec Anfalsh, sont respectivement crédités pour Alpha Lima et Sans lui, tandis que Banane signe l’incroyable Scar AL explique en quoi les blessures nourrissent et définissent l’individu. Enfin, Vinz Vega, des 4 Fantastiks (groupe du Blanc-Mesnil), et Nizi ont respectivement accouché de Tout seul et de Je Suis AL.

AL, l’exorciste passionné porteur d’espoir

Constamment défiant envers les écueils de la facilité et de la paresse intellectuelle, AL s’attaque à la tentation récurrente des rappeurs à s’inventer une vie dans Ça doit faire rêver. Bien que cela soit un bon sujet de dérision, le style introspectif de AL laisse entendre qu’au-delà de la dérision, il y a peut-être aussi une volonté d’exorciser la tentation. Mais ça, on n’en sait rien.

En revanche, dans Je suis refait , AL nous donne la certitude que sa passion pour le Hip-hop est aussi permanente qu’intense, au point de devenir pape si il y avait eu Hip Hop au catéchisme. Enfin, à ceux qui s’interrogeraient encore sur les raisons qui poussent à s’abreuver de Hip-hop, AL répondrait sûrement que ça permet d’assouvir sa Soif de liberté. Nous aussi, on est al.

Alexandre Funk aka Aleko

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