Sélections

Une nuit de rap

Une odeur d’asphalte mouillée, la timide lueur des lampadaires, des bruits de pas d’un bout à l’autre de la rue, une fraîche odeur de peinture laissée par un graffeur, voilà l’ambiance nocturne de la ville qu’on a pu tous connaître… Mais pour rendre le moment encore plus palpitant, rien de mieux que d’enfiler votre paire d’écouteurs et de se faire bercer par des bonnes vielles instrus et lyrics ! Je vous propose donc une poignée de sons différents, qui pourraient reconstituer cette fameuse atmosphère citadine, accompagnée d’une pincée de nostalgie…

Les quelques titres présentés ici essayeront donc de représenter la nuit sous toutes ses coutures, des pensées torturées aux sorties obscures, en passant par les réflexions citadines que les emcees peuvent véhiculer via leur textes, bercés par les prods plutôt lentes, mais toujours percutantes.

Minuit: Commençons par un récent classique, celui du Jazz Bazz et de ses 64 mesures de spleen, sorti il y a 3 ans, mais dont les vibrations nous restent toujours dans le crâne…Une mélodie entêtante, des paroles entraînantes et des lyrics enivrantes, voilà comment résumer ce morceau tout droit issu des ruelles sombres de New York des années 90, mais dont le texte reste tiré des tristes constatations d’un jeune parisien. Les samples de piano et la mélodie qui accompagnent sa voix nous transportent vers une vision de la rue assez sombre et morbide, qui décuplent le ressenti de spleen du Jazzy face à ces observations. On peut aussi noter l’écriture acérée et travaillée du rappeur qui lui est propre, et qui rend ce son d’autant plus percutant.

« Je sonne l’alarme, avant qu’elle ne coule sur ta joue »

1h00: C’est maintenant au tour de Ormaz et Zeurti, qui forment à eux deux le groupe OZ, de nous faire vibrer sur un son purement urbain…Les samples utilisés de sirènes de police, de vieux scratchs de vinyles et d’extraits de Joe Lucazz reconstruisent en quelques secondes seulement les bruits nocturnes citadins, bercés par une prod assez lente et rythmée, un terrain de jeu que semble apprécier ce groupe et sur lequel ils performent assez bien ! Leur référence à l’école Time Bomb et autres emcees de ces années 90’s confirment leurs influences artistiques qui se font bien ressentir, car on peut effectivement retrouver des tonalités similaires et une ambiance proche de cette période de l’ascension du rap français dans l’hexagone…Un son frais et percutant qui collera sans aucun doute avec l’ambiance de la nuit.

« Je suis un rappeur cyborg avec une pointe d’humanisme »

1h30: Justement reconnu pour ses paroles sombres et déchirantes de vérité, Le TSR crew excelle dans les morceaux gravitant autour de la rue, notamment celles du XVIIIème de la capitale. Alors comment passer à côté d’eux dans cette sélection ? Après huit ans d’absence, le posse revint en force avec leur album Passage Flouté, toujours autant fidèle à leur univers…Faire un choix parmi les nombreux titres de ce LP à donc été un dur exercice, mais  je retiens particulièrement Bouteille à la Seine pour son instru explosive, dynamique et complètement parisienne. Ses lyrics sont tout aussi profondes et réfléchies, penchées sur la société environnante des trois emcees, leurs amis, leurs amours, et surtout leurs emmerdes… Leur flows respectifs sont toujours aussi incisifs et bien millimétrés, ce qui permet une compréhension efficace du texte, qui reste pour moi primordial dans ce son.

« On a jeté l’encre sur la feuille pour ne pas trop dériver »

3h00: Retour aux sources du rap français avec un son de 1998, Peur Noire du baron Oxmo. Un morceau dans lequel le rappeur se retrouve face à lui-même et ses multiples réflexions sur tout ce qui l’entoure, les cités glauques, les avenirs chaotiques des jeunes, les soirées ou tout le monde se détruit, la justice et aussi la mort. Son texte, truffé d’assonance et autres figures de style, est aussi puissant sur le fond que sur la forme, par la façon dont il est rappé et également par la profondeur du texte, qui surfe sur une instru aux airs mélancoliques. La nuit est donc un moment de calme, contrastant avec l’agitation dans les villes le jour, dans lequel les artistes peuvent mieux réfléchir et surtout écrire la vérité qu’ils ont sous les yeux, un moment qui permet de prendre du recul sur sa situation.

« Je mélange mes cauchemars, et leur rêves brisés »

4h00: Il est temps que votre obscure cavale s’achève, alors autant terminer sur un classique ! Capuche rabattue sur la tête, visage sombre, Lunatic dans les oreilles, vous voilà maintenant un véritable Homme de L’ombre. Instru désormais légendaire, voix rocailleuses et profondes,  textes toujours pleins de justesse, une bonne recette pour un très bon son. Le titre du morceau fait nous à la fois penser à Ali et Booba dans des ruelles sombres en train de rapper, mais aussi à tous ceux qui restent dans l’ombre des banlieues, un problème que le duo ne se prive pas de critiquer. Ce morceau est donc un véritable symbole de la nuit citadine des années 90’s, qui restera longtemps gravé dans la roche.

« Nos cœurs ne demandent qu’a aimer mais dans nos vies il y a de la guerre »

Vous pouvez maintenant éteindre votre musique, continuer à contempler la ville noctambule et cette fois ci écouter le seul son de la rue, ou pourquoi pas profiter de cet instant de répit pour se pencher un peu plus sur nos modes de vie et se laisser porter par le cortège de voix qui vous accompagnera durant vos prochaines virées citadines …

À proposTim Levaché

Chaque jour mes tympans avalent des kilos de lyrics et de tapes pour le bien de mon cerveau.

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