Deux adjectifs, quatre photos et un titre évocateur, voilà comment se dévoile ce court projet du MC rouennais au pseudo assumé.
D’entrée, dès l’Intro, une flamme s’allume, qui ne vas pas décliner avant le silence final. Les roulements de caisse claire viennent chauffer à blanc l’espace sonore, le rappeur se fait cracheur de feu, évoquant l’Érythrée, Bob Marley et la fumée blanche qui apaise l’âme. Cette musique s’annonce sans pudeurs comme un soulagement, un feu purificateur, aux idées claires mais à l’expression rugueuse.
Les guitares nerveuses de Vice City ou celle, pincée, de Désolé viennent appuyer la diction précipitée, voire urgentiste, d’un flow rageur, le flow de celui qui a enfin la parole et ne compte pas la lâcher de sitôt. Les textes partent dans tous les sens, comme un catalogue de haines ordinaires, hantées par la frustration, l’exclusion et l’effacement. Les excuses ouvertes du MC s’acceptent d’autant mieux qu’il n’y a rien à pardonner, si ce n’est une densité textuelle digne d’un livre religieux coulé dans la fonte.
La flamme vacille sur la suite, non pas qu’elle s’affaiblisse mais se calme, comme pour mieux focaliser l’attention sur elle. J’écris contre l’oubli révèle la détresse solitaire et agoraphobe d’un homme face à ses regrets et ses peurs, la musique comme thérapie, chassant les démons de l’ennuie. Liquid & Wicked=L’addition se fait manifeste d’une dépression quotidienne d’un poète maudit, l’addition devient addiction, un liquide en payant un autre, les deux tout aussi nécessaires à la vie dans la jungle urbaine. Pour ne pas se faire prendre, les hommes se pendent, nous édicte l’artiste. Ils se pendent, ou ils écrivent, dans les deux cas c’est irréversible, dans un seul c’est sublime.
Retour à la nervosité sur le titre éponyme, la rage de dire redonne ses lettres de noblesse à une sous-culture en mal de virtuoses, à l’image sulfureuse. Mais le soufre explose au contact de la flamme d’Un Sale Noir, tapant dans l’avenir comme dans sa canette vide, rampant sur le bitume comme la moisissure sur la vigne.
L’addiction revient sur Je fume, évoquant Lee Scratch Perry et Marie-Jeanne, mais cette fois pour éclairer le sombre ciel de l’horizon rouennais, un nuage chassant l’autre. La présence du flow appuyé de Crézy Kraz en renfort contrebalance l’afflux précédent et permet de respirer en attendant le final. Cette flamme allumée en introduction ne fait plus sauter que les verrous de l’esprit, jusqu’à la dernière taffe.
Blackout, ou la conclusion parfaite à ce torrent au courant vif. Questionnement sur la fin du monde, traversée du désert, et fortune de Vivendi s’entrechoquent avant le blackout total. Le « Dirty Blacka » lâche ses dernières cartouches verbales envers les brebis moutonnières des discours sur l’art, la vie ou l’amour. La flamme est soufflée, le MC brille de lui-même. K-O par blackout.
Pourriture Noble, c’est l’exutoire ostentatoire de la rage de celui qui se fait appeler par sa couleur, le champignon qu’il faut choyer pour en tirer le meilleur, sous peine de devoir jeter toute la récolte. Et quand c’est un Un Sale Noir, Jean-Baptiste, Jésus, juste un homme, qui s’en occupe, le fond de la bouteille devient plus qu’attrayant, il est divin.
merci beaucoup
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